La hausse des marchés boursiers a été fulgurante en 2017. Plus de 20 % aux États-Unis et 6 % à Toronto. Dans les faits, la période de hausse dure depuis 2009, une longévité certainement inhabituelle. Après huit ans de bull market, il est certainement justifié de craindre une cassure. Faut-il maintenant détenir moins d'actions dans son REER ?

Un peu d'histoire

Un bull market, ou marché haussier, se définit comme une période de hausse d'un indice boursier durant laquelle il n'y a pas de recul d'au moins 20 % qui vient l'interrompre. Depuis 1926, on en compte 11 pour l'indice américain S & P 500. Le bull market actuel dure depuis 105 mois, et il est au deuxième rang des plus longs. Le plus long - 113 mois - est celui qui a débuté en octobre 1990 pour se terminer avec l'éclatement de la bulle techno en mars 2000. C'est donc dire que le bull market actuel n'est qu'à neuf mois de devenir le plus long de l'histoire. Faut-il conclure que la fin est proche ?

Encore beaucoup de carburant...

« Nous venons de connaître 14 mois consécutifs de rendement positif en Bourse, et ce n'est certainement pas pour rien », résume Clément Gignac, économiste en chef et stratège à l'Industrielle Alliance. « On attendait depuis longtemps une synchronisation de la croissance des économies à travers le monde, et on l'a eue en 2017. Comme les politiques monétaires demeurent relativement expansionnistes, cela fournit encore beaucoup de carburant aux marchés boursiers », dit M. Gignac. « Nous profitons d'un cycle économique prolongé, et ça prendra quelque chose d'important pour le freiner », ajoute-t-il. Comme au cours des dernières années, les actions devraient offrir encore cette année un meilleur rendement que les obligations, selon lui.

... mais gare aux taux d'intérêt

Ce qui pourrait faire dérailler les marchés boursiers, ce sont les taux d'intérêt, principalement les taux des obligations. « On dit que les actions sont chères, mais les actifs financiers qui sont les plus dispendieux, ce sont les obligations », dit Clément Gignac. Après sept ans d'expansion économique, le taux des obligations de dix ans aux États-Unis n'est que de 2,5 %, ce qui n'a pas de sens, selon lui. Cela est attribuable aux politiques expansionnistes de la Réserve fédérale américaine. Mais celle-ci, comme d'ailleurs la Banque du Canada, a commencé à remonter son taux directeur. Si cela devait causer une remontée significative des taux obligataires, le marché des actions pourrait être malmené, craint l'économiste.

D'abord, le rééquilibrage

Le premier geste à faire pour se protéger d'un renversement soudain du marché boursier est de rééquilibrer son portefeuille, explique Daniel Chartier, vice-président et conseiller financier chez Valeurs mobilières Desjardins. Les hausses boursières des dernières années font en sorte que vous détenez maintenant un pourcentage en actions probablement plus élevé que dictait la répartition d'actifs que vous vous étiez fixée. Il faut donc, dans un premier temps, revenir à votre plan de match original en réduisant les actions au profit des obligations à court terme ou d'autres titres à revenu fixe sans risque. Cela vous permettra également de cristalliser une partie des gains réalisés au cours des dernières années.

Ensuite, l'introspection

C'est par une introspection personnelle que vous pourrez le mieux déterminer la quantité d'actions que devez détenir dans le contexte actuel où le risque d'une chute brutale des marchés boursiers devient plus grand à mesure que le temps passe. « Demandez-vous comment vous allez vous sentir si un choc important devait se produire », dit Daniel Chartier. D'abord, est-ce que, financièrement, vous pouvez vous permettre une baisse substantielle de la valeur de vos actions, même si celle-ci ne devait être que temporaire ? Mais aussi, pourrez-vous le supporter psychologiquement, sans en perdre le sommeil ? Si la réponse à une de ces questions est non, vous devez réduire la quantité d'actions que vous détenez.

Les risques de vendre

« Spéculer à court terme est rarement une stratégie gagnante », rappelle Philippe Hynes, président de Tonus Capital, une firme de gestion de portefeuilles de Montréal. Et cela vaut autant lorsque le marché monte que lorsqu'il baisse. La trame de fonds demeure bonne pour l'économie, ce qui favorise les marchés boursiers. Une correction peut bien sûr se produire à tout moment, mais bien malin qui peut dire quand précisément. Pour les gens qui investissent dans leur REER année après année, il faut continuer d'acheter des actions, croit le gestionnaire. Mais compte tenu du niveau élevé des marchés, il faut le faire plus lentement et conserver un peu plus de liquidités pour profiter de la correction lorsqu'elle surviendra.

Photo Lucas Jackson, Reuters

Le Dow Jones se tient au-dessus des 26 000 points depuis le 17 janvier dernier.

Photo Pascal Ratthé, Archives Le Soleil

Clément Gignac, économiste en chef et stratège à l'Industrielle Alliance