Cuisinier, animateur, restaurateur, entrepreneur, Stefano Faita a fait de son quartier le coeur de ses activités. Il raconte.

La croissance de Stefano Faita n'est pas internationale, ni régionale, ni même locale : elle se fait à l'échelle d'un pâté de maisons.

Dans la Petite Italie, à l'intersection Dante et Saint-Dominique, se dressent les deux restaurants qu'il a ouverts avec son chef et partenaire Michele Forgione.

Un troisième angle est occupé par la quincaillerie Dante, commerce familial tenu de main de fer par sa mère Elena Faita.

Nous nous rencontrons à deux portes, dans le petit appartement où il donne des cours de cuisine.

Quelques rues plus loin, son troisième restaurant est en cours d'aménagement.

Lui-même habite à deux minutes de marche.

L'entrepreneur semble voir de plus en plus petit : son premier restaurant était une bonne table de quartier. Son second, une pizzeria. Le prochain est un casse-croûte. Le suivant prendra-t-il la forme d'un comptoir?

Ne riez pas, il l'a essayé.

D'une certaine manière, Stefano Faita grandit vers l'intérieur - comme un artiste, quand le local touche à l'universel.

Tout part de la quincaillerie fondée par la famille de sa mère.

« J'ai travaillé dans le commerce familial pendant 13 ans. Je ne suis pas parti parce que je n'étais pas content, mais ça ne bougeait pas comme je voulais », confie-t-il de sa voix de stentor - peut-être l'habitude de s'adresser à une classe de cuisiniers en herbe. « Je me suis dit que j'irais faire d'autres choses. »

CREVETTES ET NUTELLA

Il rencontre le chef Michele Forgione en 2011, dans un restaurant italien du Vieux-Montréal, où il lui sert un plat de pâtes aux crevettes fraîches « extraordinaire ».

Stefano l'invite à participer le 31 octobre suivant à l'émission Kampaï, qu'il coanime pour une troisième saison. « C'était ma fête, précise-t-il, je suis né à l'Halloween. »

Michele lui envoie le lendemain un bocal de 3 kg de Nutella.

Ça crée des liens.

L'été suivant, dans l'intention de visiter quelques restaurants italiens, Michele passe quelques jours à Toronto chez Stefano Faita, qui a un contrat de télé.

« Le dernier soir, on était assis, je prenais une bière - Mike ne boit pas - et on s'est dit : pourquoi on n'ouvre pas un restaurant ensemble ? »

Ils commencent tranquillement à chercher un local.

En face de la quincaillerie familiale, l'édifice du 48, rue Dante est vendu par le propriétaire qui y tenait un petit restaurant. Les deux amis établissent le contact avec l'acquéreur et font une visite. Michele se retourne en entrant dans le local, aperçoit en face la quincaillerie, et prononce : « C'est ici, c'est sûr. »

Le 3 juillet 2013, après quatre mois d'aménagement, Impasto ouvre ses portes.

CHAUDE, LA PIZZA !

Le deuxième restaurant du duo, la pizzeria Gema, est inauguré à son tour en juillet 2014, à peine un an plus tard. Les deux compères ne perdent pas de temps. « Il y a une raison. Quand on a ouvert Impasto, le 3 juillet 2013, le party d'ouverture était le fun, mais il faisait très chaud. »

Il y a un lien, vous allez voir.

« On voulait avoir de la pizza chez Impasto. On avait un vieux four à pizza, la seule pièce d'équipement qu'on avait gardée de l'ancien restaurant. Ça dégageait de la chaleur sans bon sens. »

« Deux semaines plus tard, j'étais en train de prendre un café avec Mike - il ne boit pas de café non plus. On se dit qu'on ne peut pas continuer, c'est trop chaud. »

Ils retirent la pizza du menu, et le four du restaurant.

Mais la pizza ne sort pas de leur tête. « Mike et moi, on aime la pizza ! »

Sur les entrefaites, l'édifice du coin opposé, au 6827, rue Saint-Dominique, est acquis par un bon client d'Impasto, qui leur offre de jeter un coup d'oeil au local du rez-de-chaussée. La pizzeria y ouvre ses portes le 24 juillet 2014.

L'affluence demeure modérée jusqu'en janvier 2015. « Et puis là, c'est parti. »

Que s'est-il passé ? « Je ne le sais pas. Mike et moi, assis chez Impasto un lundi matin, on s'est dit : quelqu'un a dû passer un mémo à tout le monde le 1er janvier pour dire que Gema était ouvert. »

Après des débuts frénétiques, Impasto a pris de son côté une vitesse de croisière plus modérée. « Le 1er janvier 2016, je vais avoir les vrais chiffres d'Impasto, indique le volubile entrepreneur. Je ne peux pas me comparer aux huit premiers mois. »

CROÎTRE AUTOUR DE SES RACINES

Les deux restaurants comptent 27 employés. « Ça va vite ! On a commencé chez Impasto avec huit employés. On est maintenant 14. »

Il veut croître, mais pas à n'importe quel prix, et surtout pas n'importe où.

On lui propose fréquemment des emplacements dans les quartiers centraux pour un nouveau restaurant. « Je réponds non, je veux rester ici. Avec le marché Jean-Talon, j'ai le plus grand frigo de Montréal dans ma cour ! »

La croissance se fait chez lui. « Je bâtis mon quartier en même temps. »

LA FAMIGLIA

« Il ne faut jamais oublier d'où on vient, énonce-t-il. On a maintenant Gema, mais Impasto était notre premier resto, et c'est de là qu'on vient. Comme la quincaillerie Dante : je viens de là. Mon apprentissage des affaires a commencé dans le commerce familial, à l'angle Dante et Saint-Dominique. »

Ah, la famiglia ! Valeur essentielle, même en affaires...

« Mike et moi, on aime entrer dans nos commerces et se sentir comme dans une famille. »

Il raconte, comme une démonstration : « Quand notre gérant Cédric est parti de chez Gema pour des raisons personnelles, on a ouvert deux bouteilles à la fin de sa dernière soirée. Toute l'équipe d'Impasto est venue lui souhaiter bonne chance. Ils n'étaient pas obligés. Quand j'ai vu ça, je me suis dit : Mike et moi, on n'a pas de diplôme en administration, mais on doit faire quelque chose de correct. »

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

L'Impasto offre, dans une ambiance chaleureuse et conviviale, une cuisine du marché italienne recherchée.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

L'Impasto offre, dans une ambiance chaleureuse et conviviale, une cuisine du marché italienne recherchée.