Se pourrait-il que l'âge d'or des grandes sociétés pharmaceutiques soit terminé?

C'est une question qui mérite d'être posée, avec l'échéance imminente de plusieurs brevets d'importance pour les entreprises installées au Québec, et qui profitaient de l'exclusivité de la vente des médicaments développés dans leur laboratoire.

Depuis maintenant deux ans, le milieu de la recherche pharmaceutique, et surtout les entreprises qui commercialisent les médicaments, a perdu l'exclusivité de plusieurs de leurs produits phares.

L'industrie du médicament générique a alors récupéré plusieurs de ces produits en les offrant à moindre coût aux patients. L'année 2010 était vue comme le seuil critique par l'industrie. Placées devant ce défi, les sociétés pharmaceutiques «innovantes», dotées d'imposants budgets de recherche et développement, doivent modifier leur approche.

«Contrairement à l'ancien modèle, on ne peut pas bâtir notre avenir avec les ventes de nos blockbusters (les produits les plus populaires)», explique Stan Glezer, directeur principal des stratégies médicales et opérations chez Sanofi-Aventis Canada.

Chez cette société, comme ailleurs, on a modifié, dit-on, l'approche pour se centrer sur les besoins spécifiques des gens. «Ce qui est important pour nous, dit M.Glezer, n'est plus de regarder le nombre de produits disponibles dans notre inventaire traditionnel, mais bien comment on peut toucher le patient directement avec nos produits. Jusqu'à quel point on peut aller dans le traitement global pour une seule et même personne.»

Préserver l'exclusivité

Par la loi (voir encadré), les sociétés pharmaceutiques ne peuvent conserver l'exclusivité sur les molécules et les produits qu'elles mettent au point dans leurs laboratoires.

Lorsqu'il s'agit d'un médicament simple, la molécule développée tombe dans le domaine public une quinzaine d'années après son élaboration, et les entreprises de médicaments génériques peuvent amorcer la distribution.

Néanmoins, lorsqu'il s'agit d'éléments plus complexes, plusieurs éléments de la recherche demeurent la propriété intellectuelle de la société qui l'a mise au point. C'est le cas du lovenox, mis au point par Sanofi-Aventis et utilisé pour prévenir les thromboses.

Pour obtenir le droit de distribuer un produit de ce genre (biosimilaire), le fabricant de médicaments génériques devra alors lui aussi mettre en place des études cliniques qui seront soumises aux organismes de réglementation comme Santé Canada.

L'ère des blockbusters terminée, il semble normal que des médicaments plus spécialisés et, ce faisant, plus complexes soient mis au point. Cela prolonge en quelque sorte l'exclusivité des grandes sociétés pharmaceutiques sur les produits qu'elles développent, puisque les fabricants de médicaments génériques n'auront pas accès à l'ensemble de la documentation clinique à l'échéance des brevets.

Solutions personnalisées

C'est en offrant des solutions personnalisées que les grandes sociétés pharmaceutiques entendent passer au travers de cette «crise des brevets».

Chez Sonafi-Aventis Canada, on vise une offre intégrée s'adressant directement aux patients-consommateurs.

«On cherche à offrir plus que le produit pharmaceutique, dit Stan Glezer. Nous visons plutôt un service complet. Notamment avec des appareils de diagnostics personnels pour le traitement du diabète, qui ne font pas que calculer le taux de sucre, mais qui suggèrent le bon dosage pour les prochaines injections d'insuline.»

Des entreprises qui ne se contentent plus de produire des médicaments, mais qui offrent aussi des outils de gestion aux utilisateurs.

Autre changement de moeurs, les sociétés continuent de distribuer certains de leurs produits même une fois qu'ils sont rendus dans le domaine public, afin de tabler sur le prestige de la marque. «Par le passé, on a abandonné des produits dont le brevet était expiré, mais nous ne le faisons plus», a rappelé Stan Glezer.

L'avenir de l'industrie passerait vraisemblablement par une personnalisation accrue des traitements, par une interaction avec les patients-consommateurs. Une pharmacologie 2.0, en quelque sorte.