La Ville de Montréal et ses alliés font des pieds et des mains pour attirer les investisseurs étrangers dans le secteur de l'immobilier commercial. Tournées nord-américaines, numéro de séduction au Marché International des professionnels de l'immobilier (MIPIM), belle brochure présentant les atouts immobiliers de la Métropole, visites en Chine, tout est mis en oeuvre pour canaliser l'argent étranger vers les immeubles montréalais.

«Il y a actuellement beaucoup de fébrilité autour de la construction commerciale», constate Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

«Nos promoteurs locaux se tournent de plus en plus vers des partenaires étrangers, dit-il. C'est vrai aussi pour les hôpitaux universitaires (CHU), qui sont des PPP. Or les grands fonds étrangers ont les ressources importantes pour appuyer des projets de cette envergure.»

Andrée de Serres, titulaire de la Chaire SITQ d'immobilier à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM, observe aussi que les conditions sont excellentes pour attirer les investisseurs étrangers vers l'immobilier commercial montréalais.

«La crise de volatilité boursière actuelle rend l'immobilier intéressant, comme tous les actifs réels», constate-t-elle.

Rareté du produit

Y a-t-il donc à Montréal, comme c'est le cas à Vancouver et à Toronto, une vague immobilière commerciale asiatique, voire chinoise?

«Non, pas même une vraie vague internationale, répond Joe Lomanno, vice-président, investissements de la maison de courtage Colliers International à Montréal. C'est que le produit que les grands investisseurs étrangers recherchent est très rare actuellement à Montréal. Comprenons-nous bien, les investisseurs étrangers sont à l'affut de bonnes occasions montréalaises et sont conscients de tout ce qui bouge dans notre marché. Mais leurs cibles préférées tardent à décoller.»

M. Lomanno mentionne deux projets de la FTQ, l'un sur Bleury, l'autre à côté de l'ancien restaurant Ben's.

«Les grands investisseurs attendent la même chose que le promoteur, qu'un premier grand locataire signe. C'est pareil pour le projet de Canderel au square Philips.»

Parmi ceux qui font du très sérieux lèche-vitrine dans nos rues, Joe Lomanno remarque de grands fonds allemands et suisses, notamment le Crédit Suisse.

«Ces fonds de pension ne vont même pas se déplacer sur des projets de moins de 20 millions, dit-il. Ils commencent à frétiller à 50 ou 100 millions. Et là, du côté des grands édifices locatifs ou des centres commerciaux, pas de mouvement.»

Gros projets récents

Richard Deschamps, vice-président du comité exécutif de la Ville de Montréal, énumère quelques projets réussis par des investisseurs étrangers dans les dernières années.

«L'Hôtel Novotel dans le Technoparc Saint-Laurent, construit par des investisseurs français au coût de 14 millions en 2006, est un bon exemple de résultat positif obtenu en participant au MIPIM. L'implantation de la société française Thales dans le Technoparc Montréal en est un autre.»

Mais M. Deschamps reconnaît que quelques fois les choses avortent. L'Allemande Homburg Invest, courtisée au MIPIM de 2006, a bel et bien acquis la gare/hôtel Viger, mais ses projets de construction et de rénovation ont tourné court quand la crise financière mondiale de 2008-2009 a sapé les fondations de l'édifice.

Joe Lomanno a aussi vu de grosses transactions internationales il y a deux ou trois ans.

«Le fonds d'investissement allemand KanAm Grund a acquis le Campus Bell de son constructeur Canderel pour 400 millions en 2008 et il a aussi mis la main sur la Cité du commerce électronique.»

Plus tôt cette année, M. Lomanno a vu un groupe chinois et son partenaire local acquérir entre 1 et 2 millions de pieds carrés de terrain à Candiac. Il s'agit d'un projet immobilier mixte. Comme quoi, quand les conditions gagnantes sont là, Montréal reçoit sa part du gâteau.

Opération charme

Michel Leblanc et Richard Deschamps rappellent que les efforts montréalais de séduction en Chine ont très récemment porté des fruits : un consulat général de Chine s'établit à Montréal.

Pour M. Leblanc ce n'est toutefois pas d'abord dans l'immobilier que la vague chinoise va déferler.

«Les investisseurs chinois se portent vers les ressources naturelles et le Plan Nord les intéresse grandement, rappelle-t-il. Et puis, leur marché intérieur réclame de la nourriture. Les voici donc très intéressés par l'agroalimentaire québécois. Ce qui ne signifie pas que l'immobilier n'est pas sur leur liste. Mais pas tout en haut.»

Ce qui n'empêche pas Montréal de continuer ses efforts de séduction.

Élie Farah, vice-président, investissements, chez Montréal International, souligne le tir groupé montréalais.

«Cela fait plusieurs années que le Service de développement économique de la Ville de Montréal, Montréal International et d'autres partenaires locaux tels que le Technoparc Montréal et Aéroports de Montréal collaborent ensemble pour former un consortium qui fait la promotion du Montréal immobilier au MIPIM», dit-il.

Et les Chinois ainsi que les autres investisseurs immobiliers de la zone Asie-Pacifique, M. Farah les rencontre aussi dans ses tournées canadiennes, surtout à Toronto et à Vancouver.

On reste encore loin du boom immobilier asiatique, mais il y faudra deux qualités que rappelle Richard Deschamps: «continuité et régularité».