Tout à fait! Les franchises occupent une place essentielle dans l'économie de la province. Et le Québec est un chef de file dans les relations entre franchiseurs et franchisés. Petit exposé sur l'importance de la franchise en affaires.

Le Québec est à l'avant-garde de la franchise.

Surpris?

On serait porté à croire que le Québec est davantage un territoire conquis par les franchiseurs étrangers qu'une terre d'innovation. Et pourtant.

C'est ici qu'est promue et appliquée ce que l'avocat et expert en franchise Jean H. Gagnon appelle la franchise 3.0: une nouvelle philosophie de partenariat stratégique entre le franchiseur et ses franchisés.

«En Australie, un consultant fait du travail dans la même direction, et aux États-Unis, il y en a un qui commence également, souligne l'avocat. Mais on n'est pas à la remorque de ce qui se fait ailleurs, on est en train de créer notre propre expertise.»

Durant l'ère de la franchise 1.0, au courant des années 70 et 80, les franchiseurs avaient tendance à voir leurs franchisés comme des gérants de succursale, faute d'autres modèles. De leur côté, les franchisés avaient souvent l'impression fallacieuse que le succès était garanti dès lors qu'ils ne dérogeaient pas aux instructions du franchiseur. Le réveil a été dur et coûteux pour plusieurs.

Ces mêmes années 80 ont vu exploser le nombre de réseaux de franchises au Québec, qui est passé d'environ 80 à plus de 300. Le corollaire: n'importe qui lançait n'importe quoi. «Malheureusement, qui dit effervescence dit abus, relève Pierre Garceau, président-directeur général du Conseil québécois de la franchise (CQF). Il y a des gens qui se déguisaient en franchiseurs et d'autres en vendeurs de franchises pour ramasser des commissions.»

En réaction, les années 90 ont vu naître la franchise 2.0: les franchisés sont devenus des clients de leur franchiseur. Ils demandaient services et soutien en retour des importantes mises de fonds qu'ils avaient consenties. C'était déjà un progrès. «Le problème, soulève Jean H. Gagnon, c'est qu'il manquait l'acteur le plus important dans l'équation: le client du franchisé.»

La franchise 3.0, qui se répand depuis cinq ans, place le consommateur au centre d'un partenariat entre le franchiseur et le franchisé. Ceux-ci se donnent une mission commune, «celle de mieux satisfaire leur clientèle et de bâtir un réseau plus performant», décrit Me Gagnon. Les meilleures pratiques sont partagées pour raffermir la bannière. Car un réseau solide est un catalyseur, tout comme un réseau déliquescent est un boulet. La chute de Dunkin Donuts au Québec est un exemple patent. En 1998, la chaîne y comptait encore 210 établissements. Aujourd'hui, le site internet de Dunkin Donuts Canada n'en énumère plus que six.

En juin 2012, dans un jugement sans précédent, la Cour supérieure du Québec a accordé 16,4 millions en dommages et intérêts à 16 franchisés québécois, détenteurs de 31 établissements Dunkin Donuts, qui reprochaient au franchiseur d'avoir négligé leurs mises en garde et leurs suggestions devant l'offensive du concurrent Tim Hortons.

Selon le juge Tingley, le plus grand manquement du franchiseur a consisté à ne pas protéger sa marque sur le marché québécois. «Lorsque la marque perd des plumes et s'effondre, la même chose arrive à ceux qui comptent sur elle», a-t-il indiqué dans son jugement.

De l'importance de la franchise

Importante, la franchise? Les chiffres ne mentent pas.

Selon une étude commandée par le CQF et publiée en 2012, le franchisage au Québec a généré en 2011 un chiffre d'affaires de près de 24 milliards, soit 8,7% du produit intérieur brut de la province. «La moitié des ventes au détail aux États-Unis se font en franchise, fait valoir Pierre Garceau. C'est une force incroyable. Au Canada et au Québec, on se situe entre 35 et 40%.»

En 2011, le Québec comptait 315 franchiseurs, regroupant 11 366 commerces ou points de service, dans 71 secteurs économiques différents. Quatre secteurs se taillent la part du lion. La restauration, l'aide ménagère, la pharmacie et l'entretien automobile accaparent 52% des commerces du secteur de la franchise.

La franchise occupe plus de 170 000 personnes au Québec, soit 4,3% des emplois de la province. «C'est un créateur d'emplois», insiste Pierre Garceau.

Et peut-être plus important encore: «C'est un créateur de chefs d'entreprise.»

LA FRANCHISE EN CHIFFRES

- 315 franchiseurs

- 11 366 commerces et points de vente ou de service

De ce nombre, 7455 sont détenus par des franchisés

- 170686 emplois

- 23,8 milliards de chiffre d'affaires

Source : Étude sur le poids relatif de la franchise dans l'économie québécoise, janvier 2012, Conseil québécois de la franchise