Monsieur en est à son second mariage. Épuisé par tant de joies matrimoniales, il meurt. Il laisse deux femmes survivantes et cinq enfants issus de ces unions. Gare à la guerre entre toutes ces personnes si le testament ne tient pas compte des besoins et des réalités de chacun.

«La famille reconstituée est un terrain piégé pour le testateur», constate Marie-Claude Armstrong, avocate spécialisée en droit de la famille et associée chez Lavery, de Billy. «On peut avoir les meilleures intentions et créer un gâchis de première magnitude.»

C'est ce qui arrivera, par exemple, si madame établit par testament qu'à son décès, son deuxième mari et son grand garçon, né du premier lit, seront coliquidateurs de ses biens. Le testament de madame est de plus assez vague sur la façon de disposer de ses biens.

«Il est évident que ces deux coliquidateurs-là vont tout droit au conflit majeur, déplore Me Armstrong. Comment administrer les biens avant de les remettre aux autres héritiers? Quels biens vendre et à quel prix? Bien de ces décisions requièrent le consensus des héritiers. Ces deux liquidateurs sont chacun attachés affectivement à deux groupes différents d'enfants. Voilà toute une machine à mésententes durables!» Il aurait donc mieux valu prendre un liquidateur extérieur aux deux familles.

Même les meilleures intentions peuvent mener à la bisbille. Monsieur s'est remarié et a cru diplomatique de laisser la belle résidence secondaire à sa deuxième femme, mais à titre d'usufruit. La résidence sera toutefois la propriété commune des enfants du premier lit.

Madame a donc l'usage plein et entier de la résidence jusqu'à sa mort, mais sans jamais en être la propriétaire. Ce sont les enfants de la première femme qui sont les propriétaires - et qui, à ce titre, sont responsables de son entretien.

On imagine les problèmes. Par exemple, madame est prise d'une frénésie de rénovations, et balance la facture aux propriétaires, même s'ils n'avaient pas préalablement approuvé les travaux. Grincements de dents en perspective.

Ce n'est pas juste!

Monsieur meurt et a prévu par testament le partage parfaitement égal de ses biens entre ses enfants issus de deux mariages. Mais voilà: les enfants du premier lit sont adultes, professionnellement stables et sans soucis financiers, tandis que la fille issue du second mariage a 18 ans. Elle souhaite faire un doctorat en microbiologie.

Elle se retrouve avec une part qu'elle estime insuffisante pour ses besoins actuels et futurs. Peut-elle réclamer davantage? «Elle a l'article 684 en sa faveur, répond Me Karen Kean-Jodoin, associée chez Robinson Sheppard Shapiro. Cela lui permet, dans les six mois après le décès du testateur, de réclamer de la succession une contribution supplémentaire.»

Cette contribution dite alimentaire doit être fixée d'un commun accord par la succession. Si les enfants adultes du premier lit refusent, on s'en va tout droit au tribunal.

Le tribunal jugera alors des besoins de la créancière et du temps qu'il lui faudra pour devenir autonome. Le tribunal tiendra aussi compte de ses actifs. Mais le tribunal considérera aussi tout autre avantage reçu de son père dans les trois ans précédant le décès de celui-ci. Et il existe des règles juridiques complexes qui limitent la libéralité du tribunal envers l'héritière soi-disant lésée.

Finalement, un précieux conseil, donné par Me Marie Annik Walsh, associée chez Dunton Rainville et présidente de l'Association des avocats et avocates en droit familial du Québec. «Dans ces cas de familles reconstituées, souvent le testament date d'avant le remariage. On économise peut-être quelques sous en ne retournant pas chez le notaire, mais on laisse une migraine financière à ses héritiers. Il vaut beaucoup mieux remettre ses dernières volontés à jour.»