Implantées au nord du 49e parallèle, Hydro-Québec et la mine Raglan font partie des employeurs qui supervisent l'hébergement et le déplacement de leurs travailleurs dont le domicile est dans le sud de la province. Mineurs, machinistes, ingénieurs ou gestionnaires: ils sont des milliers à mener une vie «en haut» et une vie «en bas».

Puisqu'aucune route ne se rend à Raglan, situé à 1800 km de Montréal, la minière s'est dotée de deux Boeing 737 pour faire voyager ses employés. «Environ 850 personnes font du «fly in, fly out» chez nous, explique Céliane Dorval, coordonnatrice aux communications. Nos appareils ont 76 places pour les passagers et le reste sert à transporter du matériel. Nous avons quatre vols par semaine. L'avion part de Montréal le matin, s'arrête à Rouyn-Noranda et repart à 12h30 vers le nord.»

Employant jusqu'à 1000 travailleurs à la Baie-James lors des périodes de pointe, Hydro-Québec possède une flotte de trois avions gérés par Air Creebec. «Au moins 80% de nos employés demeurent en Abitibi-Témiscamingue ou au Saguenay-Lac-Saint-Jean, et le reste vit ailleurs au Québec, souligne Lynn Massicotte, conseillère en relations avec le milieu pour la société d'État. Nos vols relient les aéroports de Montréal, Québec, Bagotville, Rouyn-Noranda et Chibougamau, avant d'atterrir aux aéroports de Nemiscau, La Grande Rivière, La Grande-3, La Grande-4 et Fontanges.»

À la mine, les employés ont majoritairement des horaires rotatifs «3-2-2-3»: trois semaines de travail, deux semaines de congé, deux semaines de travail, trois semaines de congé. «Nous voulons que les travailleurs passent 50% du temps au travail et le reste à l'extérieur, précise Mme Dorval. Plusieurs d'entre eux voyagent pratiquement tout le temps quand ils sont en congé. Certains sont sans domicile fixe lorsqu'ils retournent dans le sud de la province. D'autres vivent à l'extérieur du pays, comme un de nos employés qui retourne dans sa maison au Colorado.»

À contre-courant

Ce genre d'horaire atypique ne convient pas à tout le monde. «Nos travailleurs sont en dehors de leur vie familiale une semaine sur deux», rappelle la porte-parole d'Hydro-Québec, dont la plupart des employés travaillent huit jours consécutifs, avant de profiter de six jours de congé. «Ceux qui préfèrent être à la maison tous les soirs vont refuser ces conditions.»

Les employeurs se trouvent à gérer des microsociétés. «La mine Raglan opère un complexe d'hébergement, avec tous les services d'une municipalité qui en découlent: gestion des routes, entretien des eaux, production électrique, offre de loisirs, etc.», explique Céliane Dorval.

Comment convaincre la main-d'oeuvre qualifiée de s'exiler une semaine sur deux pour le travail? La porte-parole de la mine Raglan reste vague. «Nos salaires sont concurrentiels et les employés ont de bons avantages sociaux.» Chez Hydro-Québec, on parle ouvertement d'une prime d'éloignement. «Un technicien qui travaille à Montréal ou à Rouyn-Noranda aura le même salaire de base qu'un autre à la Baie-James, répond Lynn Massicotte. Par contre, on offre des allocations d'environ 200$ par paie [toutes les deux semaines], afin de compenser l'éloignement du milieu familial. On offre également un montant pour les frais de communications.»

Obligée de composer avec l'éloignement et la concurrence des mines, Hydro-Québec fait bien des efforts pour recruter et retenir ses travailleurs. «Comme nos installations exigent une grande spécialisation, on a tout intérêt à garder nos employés le plus longtemps possible. Quand ils arrivent chez nous, c'est comme s'ils recommençaient de zéro pour apprendre toutes nos particularités. Ça prend quelques années avant qu'ils soient parfaitement autonomes.»

PHOTO FOURNIE PAR MINE RAGLAN