Le professeur à la retraite Claude Laferrière est loin d'être convaincu de l'intérêt, pour la majorité des contribuables du Québec, de contribuer au compte d'épargne libre d'impôt (CELI).

«Le CELI est un outil inventé pour les personnes âgées à l'aise», affirme-t-il.

Plutôt que de cotiser à un CELI, les personnes actives avec enfants ont intérêt à investir dans un REER ou encore à rembourser leurs dettes, hypothécaires et autres, soutient l'auteur des fameuses courbes du taux effectif marginal d'imposition.

Le taux effectif marginal d'imposition est le taux d'imposition des derniers dollars gagnés en tenant compte à la fois des taux d'imposition sur le revenu et des divers programmes sociaux fondés sur le revenu. Au Québec, le régime d'imposition est ainsi fait que le taux réel d'imposition de certaines catégories de contribuables dépasse 70% et atteint même 100% à l'occasion.

Récemment, un rapport de la Banque CIBC concluait qu'en raison des taux effectifs marginaux d'imposition élevés auxquels font face les contribuables retraités, un grand nombre d'entre eux devraient considérer investir dans le CELI plutôt que dans le REER.

Contrairement au REER, les retraits dans le CELI ne sont ni imposables ni considérés dans le calcul du revenu net, lequel détermine l'admissibilité aux programmes sociaux fondées sur le revenu.

Un Tiens vaut mieux ...

Dans ce contexte, il était intéressant d'avoir l'opinion de l'expert des taux effectifs marginaux d'imposition au sujet du CELI.

M. Laferrière, qui passe l'hiver en République dominicaine, a répondu à nos questions par courriel.

«En somme, le CELI est fait pour moi, un «vieux». Je ne travaille plus, donc, je ne crée pas d'espace REER. Je n'ai plus de dettes, ce qui me laisse des économies. Je peux en placer 15 000$ dans un CELI sans payer d'impôt. Le bonheur est pour moi», écrit-il.

Pour les personnes actives, le CELI est beaucoup moins avantageux, avance-t-il.

Pourquoi? La réponse se trouve dans le dicton: «Un Tiens vaut mieux que deux Tu l'auras.»

Avec le REER, l'épargnant profite à la fois d'une déduction d'impôt immédiate et, pour un grand nombre de contribuables ayant des enfants, d'une augmentation des allocations ou crédits reliés à une panoplie de programmes sociaux. Toutefois, la facture est refilée plus tard lors des retraits dans le REER.

Avec le CELI, c'est le contraire. L'épargnant ne profite de rien dans l'immédiat. Par contre, il ne sera pas pénalisé lors des retraits. Entre le dépôt et le retrait, l'argent fructifie à l'abri de l'impôt.

«Le taux effectif marginal d'imposition futur est justement futur, c'est-à-dire incertain, voire inconnu. Il faut présumer des taux à long terme. Quels seront les taux d'imposition dans 20, 25 ou 30 ans? Quelles seront les mesures sociales et seront-elles encore déterminées sur le revenu familial?», demande-t-il.

Célibataire retraité

La personne active, surtout si elle a des enfants, aura donc avantage à choisir le REER cette année.

Le prof reconnaît plus d'attraits au CELI pour le célibataire qui approche de l'âge de la retraite. Dès qu'un ménage seul gagne plus de 45 000$, son taux effectif marginal d'imposition équivaut au taux d'imposition sur le revenu, puisqu'il n'a droit à aucune mesure sociale. Il devient alors probable que son taux effectif marginal d'imposition à la retraite soit plus élevé.

«Ses revenus à la retraite seront les prestations de sécurité de la vieillesse et le montant maximum du régime des rentes. Sur la base des données actuelles, il ne paiera pas d'impôt (dans la mesure, où il retire les sommes de son CELI plutôt que de ses REER). Il paiera l'assurance médicaments, mais aura droit à la totalité des prestations sociales (offertes aux retraités).»

Pour les retraités d'aujourd'hui et de demain, le CELI est une mesure introduite trop récemment pour avoir un impact significatif. Mais dans 10 ou 20 ans, il y aura lieu de voir, admet M. Laferrière.