Une bioraffinerie unique en Amérique du Nord pourrait être construite à La Tuque en 2020. En transformant des résidus de coupes forestières, cette usine produirait alors entre 110 et 210 millions de litres de biodiesel directement utilisable dans les véhicules à moteur diesel. À elle seule, la bioraffinerie de La Tuque pourrait satisfaire de 2,3 à 4,3% de la consommation totale de diesel au Québec.

Le potentiel de la Mauricie

Pourquoi installer une telle bioraffinerie à La Tuque? « Parce qu'à elle seule, la Mauricie recèle un potentiel annuel de 650 000 à 1,2 million de tonnes de résidus forestiers », répond Patrice Mangin, titulaire de la Chaire de recherche sur la bioéconomie/bioénergie régionale à l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), dont une des missions est de réaliser le projet de bioraffinerie de La Tuque.

«Nous sommes très sérieux dans nos démarches pour l'implantation d'une bioraffinerie à La Tuque, a récemment souligné Normand Beaudoin, maire de La Tuque. C'est un projet d'avenir très important pour notre région.»

À la pointe de la recherche

Le développement du projet de bioraffinerie permet déjà d'approfondir et de fédérer les connaissances en la matière. «Nous avons beaucoup appris, notamment sur les stratégies de collecte des résidus, explique Patrice Mangin. Nous nous positionnons présentement comme des chefs de file mondiaux dans le domaine.»

«C'est la première fois que les forestiers et les ingénieurs se parlent», observe Evelyne Thiffault, professeure au département des sciences du bois et de la forêt de l'Université Laval et membre du Centre de recherche sur les matériaux renouvelables. La chercheuse travaille sur l'allocation de fibres entre les différents preneurs (bioraffinerie, industrie des pâtes et papiers, scieurs). «Plus l'intégration des besoins est considérée tôt dans la chaîne d'approvisionnement, plus on apporte un intérêt aux différents preneurs de fibres, explique Mme Thiffault. Les coûts d'accès aux forêts peuvent être répartis entre les joueurs plutôt que rester à la charge d'un seul.»

L'enjeu de la collecte

Un des obstacles majeurs à la rentabilité du projet est la capacité à rapporter les résidus forestiers les plus éloignés de l'usine, et ce, au coût le plus bas possible. Une des stratégies étudiées est la transformation sur place de certains résidus en huile pyrolytique. Dès cet automne, les chercheurs seront équipés d'un pyrolyseur mobile pour vérifier l'intérêt de transformer les déchets verts situés à plus de 50 kilomètres de l'usine en une huile, plus facilement transportable. Le liquide sera ensuite converti lui-même en biocharbon de bois, utilisable pour des applications en agriculture, en métallurgie et en médecine.

La chasse aux investisseurs

L'ambition de Patrice Mangin est de mettre en oeuvre le projet de bioraffinerie jusqu'au transfert à des investisseurs, prévu en 2018 ou en 2019. D'ici là, il multiplie les rencontres pour vendre l'idée de la bioraffinerie de La Tuque. De 650 millions à 1 milliard de dollars seront nécessaires pour construire l'usine.

Une société pétrolière a déjà montré de l'intérêt, affirme M. Mangin. «Leur vice-président développement a fait une présentation au conseil d'administration de la pétrolière», précise Patrice Mangin, qui refuse toutefois de nommer la firme.

Au début du mois de septembre, Patrice Mangin et Normand Beaudoin s'envoleront vers l'Europe pour une mission commerciale, afin de faire connaître le projet de bioraffinerie à des investisseurs en France, en Allemagne et en Finlande. Dans ce dernier pays, la bioraffinerie de Lappeeranta a démarré sa production commerciale de diesel renouvelable à base de bois au début de l'année. L'entreprise UPM prévoit de produire 120 millions de litres de biodiesel par année.