L’obtention de financement par des femmes entrepreneurs est plus difficile que pour les hommes, selon un récent rapport de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI). Au banc des accusés, des stéréotypes persistants, des secteurs d’économie sous-estimés et une hésitation à se lancer dans le capital de risque.

La moitié des entrepreneures (51 %) croient qu’obtenir du financement est un défi important. Et lorsqu’elles le font, 22 % de leurs demandes sont refusées – alors que la moyenne est de 15 % pour l’ensemble des entreprises, selon le rapport de décembre 2023 de la FCEI.

Par ailleurs, une récente étude canadienne* révèle que seulement 0,6 % des entreprises majoritairement détenues par des femmes sont financées par du capital de risque contre de 2 à 4 % de celles détenues en majorité par des hommes.

C’est tout de même un fossé énorme. Ce qui est le plus choquant, c’est que s’il y a une majorité d’hommes dans l’équipe, le chiffre passe de 0,6 % à 3,2 % !

Christina Constantinidis, professeure en entrepreneuriat de l’UQAM

Biais liés aux stéréotypes

Comment expliquer cet écart ? Et quels sont les obstacles au financement d’entreprises menées par des femmes ?

Mme Constantinidis souligne que les causes sont multiples. D’abord, la question des biais liés aux stéréotypes est bien réelle... des deux côtés de la table. D’un côté, la femme entrepreneure a tendance à se percevoir comme pas assez crédible ou compétente pour demander du financement. « Elle se tourne plutôt vers ses proches pour demander de l’argent ou elle s’autofinance », note la professeure.

Et de l’autre, un biais vient du côté des investisseurs dans les banques qui ne voient pas les femmes comme des entrepreneures « sérieuses ». Cela serait dû, entre autres, à la forme de communication, explique la professeure.

Les femmes ont tendance à ne pas se survendre et à apporter des nuances lorsqu’elles font une présentation à des investisseurs potentiels, indique Christina Constantinidis, qui appuie ses propos sur une étude menée aux États-Unis à ce sujet en 2017. Cela peut être perçu comme un manque de confiance ou de compétitivité.

Économie sociale

Le secteur d’activité entre aussi en jeu lorsqu’il est question des défis de financement des entrepreneures. Les femmes se retrouvent souvent à la tête de petites entreprises où les besoins et les objectifs sont différents. Cela peut parfois être moins attractif pour les investisseurs.

« Elles se tournent vers les secteurs des ressources humaines, de la santé, de l’enseignement, dit Mme Constantinidis et, généralement, elles désertent le secteur des sciences, technologies, génie et mathématiques. Elles sont aussi beaucoup au cœur de projets innovants en économie sociale. »

Boudées par les investisseurs, ces projets sont pourtant à la base d’importantes transformations sociétales, par exemple en environnement, en immigration et en éducation.

Des solutions

En plus de donner plus de visibilité aux entreprises à vocation sociale et de mieux former les financeurs dans les institutions et les banques, Christina Constantinidis parle de l’importance du réseau. « Les contacts et la mixité des réseaux, pour se faire connaître, c’est crucial ! »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Ruth Vachon, présidente et directrice générale du Réseau des femmes d’affaires du Québec

Selon Ruth Vachon, présidente et directrice générale du Réseau des femmes d’affaires du Québec, les solutions prennent racine dans les écoles et les maisons. « Elles doivent avoir confiance en elles et en leurs moyens, déclare Mme Vachon. Elles doivent avoir le goût du risque, une ouverture à se lancer et de la facilité à se vendre. Pour évoluer, elles doivent être accompagnées et soutenues par des gens qui vont les aider et les pousser. »

Les institutions financières auraient avantage à mettre en place des programmes complets de mentorat.

Laure-Anna Bomal, économiste de la FCEI

Dernier frein à l’augmentation du nombre de femmes dans le milieu de l’entrepreneuriat ? La conciliation travail-famille, les tâches et la charge mentale, avance Ruth Vachon. Elle rappelle les plus récents chiffres de Statistique Canada : 17 % des entreprises sont détenues majoritairement par des femmes au Canada comparativement à 16,1 % il y a 12 ans.

« Le chemin parcouru par les femmes entrepreneurs est incroyable... mais il ne paraît pas encore tellement dans les chiffres ! »

* Consultez l’« État des lieux de l’entrepreneuriat féminin au Canada 2023 », du Portail de connaissances pour les femmes en entrepreneuriat