Les rares appartements disponibles à la location sont offerts à des prix de fou, tout comme les condos, maisons et immeubles à revenus qui ont pris énormément de valeur ces dernières années. Dans cette folie immobilière, les coopératives d’habitation peuvent être une solution intéressante qui mériterait d’être exploitée.

On compte 1300 coops d’habitation au Québec. Pour Patrick Preville, directeur général de la Fédération de l’habitation coopérative du Québec (FHCQ), c’est trop peu. « Je pense qu’au fil du temps, si on avait permis aux coops de se développer, ce n’est pas de 1300 coops qu’on parlerait, c’est peut-être de 3000, 5000, 10 000 coops. » Ardent défenseur de ce modèle d’habitation, M. Preville soutient qu’au fil du temps, les coops ont été dénaturées et contraintes à vivre en solo, sans possibilité de croître.

Pas seulement du logement social

Le directeur général de la FHCQ insiste : les coops d’habitation, bien qu’elles offrent des logements à prix abordables, ne sont pas des logements sociaux. « Les OBNL et les coops d’habitation ont deux missions totalement différentes », martèle-t-il. Habiter dans une coop, c’est prendre part à un projet communautaire, c’est s’impliquer dans son milieu de vie, c’est gérer les biens communs, c’est avoir une vision commune de partage et de qualité de vie. Les résidants ne sont pas de simples locataires, ce sont des membres qui prennent part aux décisions, qui s’impliquent dans l’administration du bien immobilier et du vivre-ensemble.

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, COLLABORATION SPÉCIALE

Pierrette Trudel

Pierrette Trudel, résidante du Village Côte-des-Neiges, première coopérative d’habitation à Montréal, en sait quelque chose. « Habiter une coop, ça ne se résume pas à balayer un corridor ou donner une couple d’heures par semaine », affirme celle qui a investi de nombreuses heures en tant que membre et, pendant de nombreuses années, en tant qu’administratrice.

Un modèle incompris

Parce que le concept est mal compris, les programmes de développement qui ont été mis sur pied au fil des ans par la Société d’habitation du Québec (SHQ) ont dénaturé le modèle des coopératives d’habitation et bafoué certaines valeurs de base, dont la mixité sociale.

Dans les conventions d’exploitation, c’est écrit noir sur blanc que la coop doit être attribuée à un ménage à faible revenu ou à revenu modeste. C’est vraiment une contrainte importante en ce qui concerne qui peut habiter dans une coop.

Patrick Preville, directeur général de la Fédération de l’habitation coopérative du Québec

Pierrette Trudel renchérit : « Dans les années 1970, quand ils ont offert aux coopératives des subventions pour accepter des gens qui avaient des difficultés financières et parfois sociales, il y a eu comme une espèce de mouvement où le point un des coopératives, ce n’était pas la participation, former une minisociété, mais c’est devenu accueillir des gens en difficulté, ce qui fait qu’on a perdu notre identité de base, en partie. »

Se réinventer pour perdurer

Bien que le financement se fasse attendre, Sandra Turgeon, directrice générale de la Confédération québécoise des coopératives d’habitation (CQCH), affirme qu’une bonne dizaine de projets de coopératives d’habitation sont dans le collimateur, en plus des projets de coopératives de propriétaires, un modèle qui donne accès à la propriété. « Ce qui rend son unité abordable, c’est que le fond de terrain appartient à la CQCH et son mouvement. On retire du prix de chacune des unités 25 % de la valeur pour s’assurer de rester en bas du prix courant. C’est nouveau, nouveau », explique-t-elle.

On s’est engagés pour en livrer 1000 unités d’ici cinq ans. En ce moment, il y a trois projets qui sont en cours de réalisation.

Sandra Turgeon, directrice générale de la Confédération québécoise des coopératives d’habitation

Si le nombre de coopératives d’habitation est stable au Québec, des initiatives comme les coopératives de propriétaires devraient permettre une certaine croissance dans les prochaines années.