La protection de l’environnement n’est pas uniquement la responsabilité des écologistes et des scientifiques. Le secteur financier a maintenant son mot à dire. De là la finance durable. Mais concrètement, comment cela se traduit-il ? Discussion avec Éric-Olivier Savoie, président de Banque Nationale Investissements (BNI).

Finance durable, de quoi s’agit-il ?

« Les acteurs du secteur financier se sont engagés à promouvoir une croissance économique durable et inclusive en tenant compte des critères ESG (Environnement, société et gouvernance), et cette volonté a été enchâssée en 2021 dans la Déclaration de la place financière québécoise pour une finance durable, dit Éric-Olivier Savoie. Au départ, une vingtaine d’institutions financières adhéraient à la Déclaration, mais à peine quelques mois plus tard le nombre de signataires avait doublé, et ces institutions représentaient 1350 milliards de dollars d’actifs sous gestion. »

Comment ces institutions participent-elles ?

« Le secteur de la finance peut aider à promouvoir une croissance économique durable à long terme d’abord en favorisant une allocation du capital vers les entreprises qui ont à cœur le respect de ces critères ESG dans leurs activités. Les institutions prêteuses et les sociétés d’investissement sont invitées à diriger les capitaux vers les sociétés qui incluent ces facteurs dans leurs procédés de production et de distribution. »

Concrètement, qu’est-ce que ça donne ?

« Les signataires de la Déclaration mettent en place plusieurs programmes favorisant ces objectifs. Un des piliers sur lesquels reposera la finance durable sera le développement d’une expertise locale. Chez BNI, par exemple, l’idée consiste à se doter d’ici 2025 d’une équipe qui sera chargée du développement de la finance durable. Déjà une centaine de personnes s’affairent à la chose à la Banque Nationale. C’est un engagement des signataires de favoriser l’établissement et la croissance d’équipes et d’unités d’affaires locales en finance durable. »

À quoi s’affairent-ils ?

« Concrètement, le secteur financier québécois est engagé à soutenir le développement local de produits et services en finance durable. Cela consiste entre autres à créer des fonds communs de placement et des fonds négociés en Bourse dont les investissements seront dirigés principalement vers les entreprises qui respectent les critères ESG dans leurs activités. »

Qu’en est-il pour le Québec ?

« Les signataires de la Déclaration s’engagent également à encourager et à favoriser la croissance de fonds gérés par des gestionnaires établis localement possédant une expertise de pointe en investissement responsable. Il peut s’agir de gestionnaires québécois, mais on veut également inciter les firmes de gestion américaines et internationales à établir des bureaux au Québec en leur confiant des mandats de gestion. Cela, sans négliger le talent local. BNI, par exemple, s’est fixé une cible de 5 milliards de dollars d’actifs qu’elle s’est engagée à confier à des gestionnaires locaux signataires de la Déclaration. Déjà 80 % de cette somme a été déboursée. »

Que faire avec les réticents ?

« La finance durable est un grand projet de société à long terme qui se heurte inévitablement à plusieurs obstacles. On n’a qu’à citer la participation encore très importante de plusieurs institutions financières dans la production d’énergies fossiles. L’intention des participants québécois à la finance durable n’est pas de forcer un arrêt immédiat de ces pratiques, mais plutôt de participer à la transition de l’économie québécoise et canadienne vers les énergies propres en favorisant le développement d’avenues de solution en fonction d’objectifs à moyen et long terme. C’est la responsabilité du secteur financier de faire partie de la solution, et on doit le faire de façon concertée. »