Les femmes sont trop peu nombreuses dans le secteur de l’intelligence artificielle (IA), ce qui risque de créer des biais dans les algorithmes qui rythment désormais la vie de plus en plus de personnes. Selon Joëlle Pineau, qui œuvre dans le secteur, les jeunes filles devraient suivre systématiquement un cours d’informatique.

La scène se déroule à la fin des années 1990, alors que Joëlle Pineau était au baccalauréat en génie du design des systèmes à l’Université de Waterloo... Elle, qui est à présent directrice du laboratoire FAIR sur l’IA de Meta à Montréal, effectuait un stage au Laboratoire de recherche en vol, où était développé un système de reconnaissance vocale pour les pilotes d’hélicoptères. Après une batterie de tests, les chercheurs s’aperçoivent d’un biais trop important pour valider leurs essais : ils ont testé uniquement des voix masculines ! Le système serait inapte pour une utilisation par une femme pilote...

C’est la stagiaire elle-même, Joëlle Pineau, qui prend les commandes de l’hélicoptère – « sous la supervision d’un pilote expérimenté », précise-t-elle – pour enregistrer sa voix dans les conditions réelles de vol, seul moyen de capter les variations vocales dues au stress.

À présent, l’intelligence artificielle (IA) a pris une place considérable dans nos vies, mais les femmes demeurent peu présentes dans ce secteur. Au Québec, un professionnel de l’IA sur cinq est une femme, selon un rapport de TechnoCompétences.

Exposer les femmes à l’informatique

Cette proportion n’étonne pas Joëlle Pineau, également professeure à l’École d’informatique de l’Université McGill. La plupart des femmes diplômées en informatique ont décidé de leur orientation durant leurs études, alors que les hommes diplômés savaient dès leur arrivée à l’université qu’ils iraient dans ce domaine, selon une étude interne de l’université.

Le manque de femmes est tel que l’industrie de l’IA doit résoudre les biais créés au moment de la création des algorithmes. « On développe des produits utilisés par des milliards de personnes », rappelle Joëlle Pineau.

Pourtant, être une femme dans le domaine de l’IA n’est pas plus difficile que dans d’autres secteurs, au contraire. « C’est un milieu qui offre énormément de flexibilité, notamment dans le milieu de la recherche universitaire », souligne celle qui a fondé une famille de quatre enfants.

Moi-même, je n’aurais jamais cru trouver ça intéressant, le langage des machines, mais c’est super intéressant ! L’intelligence artificielle offre la possibilité de résoudre des problèmes dans n’importe quel domaine : en éducation, en santé, en transport…

Joëlle Pineau, directrice du laboratoire FAIR de Meta à Montréal

Selon la spécialiste en robotique et en apprentissage automatique, les femmes ne sont pas suffisamment exposées à l’informatique, ce qui explique leur faible présence dans ce domaine et, conséquemment, dans le secteur de l’IA. « Les jeunes filles doivent être exposées à l’informatique. Après, elles décideront de poursuivre ou non. »

Sa fille aînée vient d’entreprendre des études universitaires. Et même si elle n’est pas attirée par ce domaine, ses parents, tous deux professionnels de l’IA, ont réussi à la convaincre de suivre un cours d’informatique... « pour essayer ! »