Le quotidien des PME est rempli de défis avec la pénurie de main-d’œuvre qui s’est empirée ces dernières années et l’inflation, notamment. Pas le temps de penser innovation dans un pareil contexte ? C’est plutôt le contraire : l’innovation est essentielle à la survie des entreprises dans cet environnement tumultueux. Comment s’y prendre ?

Innover lorsque le contexte d’affaires est difficile... ce n’est pas la première fois que South Shore, un fabricant de meubles de Sainte-Croix, dans Chaudière-Appalaches, relève le défi. En 2004, alors que plusieurs entreprises québécoises du domaine s’avouaient vaincues devant la concurrence chinoise, South Shore a fait ses premières ventes en ligne de meubles préassemblés.

« L’innovation a déjà sauvé l’entreprise une fois et depuis, nous savons que nous devons toujours innover, que ce soit avec de nouveaux produits, nos processus ou notre modèle d’affaires », affirme Nicole Basenach, vice-présidente, expérience consommateur, chez South Shore.

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Nicole Basenach, vice-présidente, expérience consommateur, chez South Shore

Aujourd’hui, l’entreprise expédie 1 million de meubles par année en Amérique du Nord grâce notamment à Amazon et à Wayfair. Pour fabriquer tous ces produits, South Shore, qui compte près de 1000 employés, ne peut pas s’en tenir à se plaindre du manque de main-d’œuvre. Elle doit trouver des solutions.

Nous avons automatisé et robotisé certaines tâches. Nous avons travaillé avec des centres de recherche et des firmes de robotique pour adapter des robots à notre contexte. Mais il reste encore beaucoup à faire.

Nicole Basenach, vice-présidente, expérience consommateur, chez South Shore

D’ailleurs, l’ingénieur responsable de l’innovation travaille sur un nouveau procédé de finition numérique qui sera implanté à la fin de l’année. Cet ingénieur fait partie de la cellule innovation, dont le noyau comprend six personnes clés, dont la leader qui s’assure que les projets avancent.

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South Shore expédie 1 million de meubles par année en Amérique du Nord.

« Pour innover, il faut avoir des ressources consacrées à l’innovation qui peuvent sortir du quotidien de l’entreprise pour travailler sur des projets, affirme Nicole Basenach. Il faut aussi pouvoir se tromper. Nous avons d’ailleurs un budget réservé pour ce travail plus risqué. Pour être innovante, une entreprise ne peut pas juste regarder la rentabilité à court terme. »

Comment accélérer l’innovation ?

Aux yeux de Luc Sirois, innovateur en chef du Québec, South Shore est un bel exemple d’entreprise innovante pour plusieurs raisons. « Il faut avoir quelqu’un qui se consacre complètement, ou du moins en grande partie, à l’innovation dans l’entreprise, indique-t-il. Si l’innovation ne fait pas partie de la description de tâches de quelqu’un, rien n’avancera parce que tout le monde finira toujours par avoir autre chose de plus urgent à faire. »

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Luc Sirois, innovateur en chef du Québec

Il considère aussi comme essentiel que l’entreprise se donne l’espace et la latitude pour essayer des choses. « Et cela veut dire aussi laisser tomber les pistes qui ne fonctionnent pas, ce qui n’est pas si facile avec notre culture de vouloir toujours tout réussir ce qu’on entreprend », remarque Luc Sirois.

Il ajoute que l’innovation doit également être une priorité du PDG pour que les employés s’y investissent vraiment.

Or, Luc Sirois s’inquiète de constater que les entreprises québécoises ont pris encore plus de retard en matière d’innovation pendant la pandémie. Il cherche à comprendre pourquoi. En pleine tournée des régions pour rencontrer les entrepreneurs, il réalise que le manque de main-d’œuvre est souvent le grand frein.

Des entrepreneurs m’ont dit qu’ils avaient acheté des robots, mais qu’ils n’avaient personne pour les programmer et les installer. Pourrait-on mutualiser le personnel innovant ? Par exemple, un ingénieur, un designer, un programmeur pourraient partager leur temps entre différentes entreprises dans un secteur.

Luc Sirois, innovateur en chef du Québec

Se faire accompagner

Il reste toutefois encore plusieurs entrepreneurs qui ne savent pas quels choix faire pour avoir les meilleurs résultats en matière d’innovation.

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Sylvie Pinsonnault, première vice-présidente, stratégies, innovation et développement durable, chez Investissement Québec-CRIQ

« L’entrepreneur pris dans le quotidien n’a pas beaucoup de temps pour se pencher sur les transformations à faire et nous sommes là pour l’accompagner », affirme Sylvie Pinsonnault, première vice-présidente, stratégies, innovation et développement durable, chez Investissement Québec-CRIQ.

Alors que l’argent est au rendez-vous pour les entreprises québécoises qui veulent innover, elle précise que le financement pour ce genre de projet doit être flexible.

« Nous offrons un moratoire sur le remboursement du capital qui peut aller jusqu’à 48 mois parce que nous savons qu’il faut du temps avant de voir les bénéfices d’un projet d’automatisation ou de robotisation », ajoute-t-elle.

Sylvie Pinsonnault insiste toutefois sur l’importance d’aller de l’avant. « Il faut accélérer le rythme pour maintenir la compétitivité des entreprises, parce que la concurrence est mondiale, ajoute-t-elle. Puis, il faut penser à faire les changements les plus verts possible, parce que là aussi, c’est important pour rester compétitifs. De plus en plus, les appels d’offres contiennent des éléments sur le développement durable. Nos entreprises doivent suivre le mouvement planétaire. »