En matière de finance durable, Montréal fait figure de leader. La métropole se classe première au Canada dans le secteur, et elle accueillera aussi le bureau nord-américain de l’International Sustainability Standards Board (ISSB). Survol d’un domaine où les femmes brillent.

Qu’est-ce qui caractérise la finance durable ?

Contrairement à son pendant traditionnel, la finance durable dépasse l’aspect financier. « Elle prend en compte les impacts sur l’environnement, les dimensions sociale et de gouvernance. Elle peut aussi considérer les éléments territoriaux », illustre Geneviève Morin, présidente-directrice générale de Fondaction. « Elle s’intéresse à l’effet plus global qu’a l’argent sur l’économie au-delà du simple rendement », résume cette dernière. Pour Anne-Marie Hubert, associée directrice pour le Québec chez EY, il s’agit d’une transformation profonde de la finance. « C’est un mouvement de fond qui a commencé en 2002 quand l’ONU a convoqué 25 investisseurs institutionnels, dont la Caisse de dépôt et placement du Québec, pour leur demander de placer leur argent de façon à contribuer aux objectifs de développement durable des Nations unies. Le groupe n’a pas arrêté de grandir depuis. »

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Geneviève Morin, présidente-directrice générale de Fondaction

Quelles sont les différentes approches ?

Différentes approches existent pour s’assurer de bâtir des fonds responsables, qu’on appelle ESG. « On peut utiliser des filtres pour éviter d’investir dans des entreprises qui ont de mauvaises performances de ce côté-là », souligne Geneviève Morin. On peut aussi faire de l’actionnariat engagé et demander des comptes aux entreprises. « On profite alors du fait qu’on est propriétaire d’actions pour intervenir, explique la PDG de Fondaction. Ç’a été utilisé beaucoup pour la divulgation de l’empreinte carbone ou pour la place des femmes aux conseils d’administration. » Une autre approche consiste à choisir les entreprises qui affichent les meilleures performances environnementales et sociales à l’intérieur d’un secteur donné. Par exemple, « au lieu de bannir les pétrolières, on choisit celles qui font le plus d’énergies renouvelables », dit Geneviève Morin.

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Anne-Marie Hubert, associée directrice pour le Québec chez EY

Quelle est son importance ?

On assiste depuis quelques années à une forte croissance des fonds responsables. « La finance durable prend de l’ampleur », remarque Anne-Marie Hubert. Selon les données de Bloomberg, 1600 milliards de dollars américains d’obligations alignées avec des pratiques ESG ont été émis en 2021. Les fonds ESG ont aussi attiré environ 600 milliards US l’an dernier, et leurs actifs ont connu une hausse de 53 % pour atteindre 2700 milliards US.

Pourquoi Montréal se démarque-t-il ?

Pour Anne-Marie Hubert, la finance durable fait un peu partie de l’ADN de Montréal. « La Caisse de dépôt est impliquée dans le mouvement depuis la première heure. Desjardins a des valeurs sociales et met de l’argent au service de la communauté depuis ses débuts. Même chose pour Fondaction. On a des modèles très spéciaux à Montréal, qui ont de l’influence et qui font en sorte qu’on a développé des compétences comme peu d’autres endroits dans le monde. » La présence d’une grande communauté scientifique aide aussi la métropole à se démarquer. « C’est une bonne nouvelle pour Montréal, croit Natalie St-Pierre, présidente de SDG Capital Corporation. Ça fait des années que ça se trame et qu’il y a des efforts en ce sens. »

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Natalie St-Pierre, présidente de SDG Capital Corporation

Qu’est-ce qui explique qu’on y retrouve tant de femmes ?

La finance durable est une « zone pionnière » pour les femmes, selon Natalie St-Pierre. « Les femmes ont vu les conséquences des changements climatiques de près, notamment en Afrique. Elles sont aussi traditionnellement plus portées à prendre soin des autres, à penser à la collectivité. » Anne-Marie Hubert y voit pour sa part une occasion sans précédent de marier la comptabilité et les valeurs sociales. Si les femmes l’ont d’abord investi, le secteur affiche aujourd’hui une plus grande parité. « Les préoccupations que les femmes ont amenées ont permis à plusieurs hommes de s’y intéresser, estime Geneviève Morin. C’est désormais assez bien réparti. »