L’aluminium occupe-t-il une place de choix au Québec ? Oui, en matière de fabrication et d’innovation. Mais pour ce qui est d’utiliser ce métal allié autour de soi, dans la vie de tous les jours, nous sommes en retard, selon plusieurs acteurs du milieu. Explications.

François Racine, PDG d’AluQuébec, et Alexandre de La Chevrotière, PDG de Maadi Group, sont catégoriques : la règle du plus bas soumissionnaire qui a cours dans les appels d’offres nuit au rayonnement de l’aluminium au Québec.

Bref, que ce soit dans les infrastructures, le domaine de la construction ou chez les manufacturiers, on utilise peu d’aluminium au Québec. Beaucoup moins, du reste, qu’en Europe et qu’aux États-Unis, affirme François Racine.

Pourtant, dit-il, le Québec est le quatrième producteur d’aluminium au monde, avec environ de 3 % à 4 % de la production mondiale. La Chine fournit près de 60 % de l’aluminium métallique sur la planète.

Le Québec brille certes à l’international, notamment par la présence ici des producteurs Alcoa, Alouette et Rio Tinto, mais aussi grâce aux nombreux centres de recherche et aux autres équipementiers qui innovent sans cesse pour améliorer et rendre plus verts les processus de fabrication de ce matériau recyclable à l’infini.

Fleurons

De manière plus timide, mais notable, le Québec fait sa marque ici et à l’étranger avec le concours de manufacturiers innovants. Des entreprises comme Verbom, Maadi Group et Navark font partie du lot.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE FACEBOOK DE VERBOM

Grâce à sa technologie unique, Verbom peut créer des pièces complexes en aluminium.

Grâce à ses installations de Sherbrooke et Valcourt, Verbom produit des pièces complexes pour des clients comme Tesla, Jaguar et Harley-Davidson. Son secret : le thermoformage. Cette technologie, pour laquelle elle détient un brevet, lui permet de créer des pièces complexes en aluminium, entre autres de carrosserie, de même que des réservoirs à essence pour motos.

Seul hic, les feuilles d’aluminium que la PME québécoise utilise sont importées d’Asie et d’Europe. « Nos fournisseurs achètent des lingots fabriqués au Québec, puis nous les renvoient en feuilles », explique Yvon Laplante, vice-président.

L’une des solutions d’approvisionnement, dit-il, serait de bâtir un laminoir au Québec afin d’y produire des feuilles d’aluminium. « Mais ça coûte une fortune à construire et je ne sais pas s’il y a assez de demande au Québec », explique celui qui, d’ici cinq ans, prévoit transformer 10 000 tonnes d’aluminium par année.

Passerelles et navettes fluviales

Maadi Group, une entreprise de 25 employés spécialisée dans la fabrication de passerelles et d’équipements de marina (quais, structures flottantes, etc.), effectue près de 90 % de ses ventes aux États-Unis et ailleurs sur le globe. L’un des contrats les plus marquants de la PME aux huit brevets : une passerelle en aluminium qui relie deux plateformes de forage, au beau milieu de la mer de Chine, au large des Philippines.

Pour Alexandre de La Chevrotière, PDG de Maadi Group, la seule façon d’intégrer l’aluminium dans les objets et les bâtiments qui nous entourent est d’en imposer l’utilisation. « Il va falloir que ça passe par le gouvernement », dit-il.

L’entrepreneur, qui est également ingénieur et architecte naval, déplore d’ailleurs une certaine forme de « non-évolution » de l’aluminium au Québec.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Alexandre de La Chevrotière, PDG de Maadi Group

Des études ont été faites il y a 20 ans sur l’importance d’utiliser ce matériau durable chez nous. Or, rien n’a bougé.

Alexandre de La Chevrotière, PDG de Maadi Group

Un autre exemple d’entreprise québécoise ayant choisi l’aluminium comme matériau de prédilection : Navark. Cette PME exploite une vingtaine de navettes fluviales pour piétons et cyclistes entre le lac Saint-Pierre et le lac Saint-François.

PHOTO FOURNIE PAR NAVARK

Long de 18 m et pouvant accueillir 100 passagers (piétons et cyclistes), le Navark XL5 est le plus récent navire construit par la PME québécoise Navark. Entièrement en aluminium, il peut soutenir une vitesse de 25 nœuds.

gagné aux avantages de l’aluminium, Normand Noël, président de Navark, s’est lancé dans la fabrication de ses propres embarcations. L’entreprise vient de mouiller un nouveau bateau et en termine un autre.

Cette prise en charge lui permet de s’offrir des bateaux pour le tiers du prix, indique l’entrepreneur. En marge du conflit en Ukraine, Navark s’attend à des difficultés d’approvisionnement en aluminium. « Il faudrait peut-être augmenter la production ici, par exemple avec de nouveaux alliages », suggère Normand Noël.