Imaginez-vous passer en revue 6000 images aériennes et annoter la présence ou non de baleines pendant près de huit mois. C’est le contrat qu’a accordé le World Wildlife Fund Canada (WWF) au biologiste Bertrand Charry et à l’écologiste Emily Charry-Tissier en 2017. Tous deux se sont donné comme mission de modifier cette façon de faire rudimentaire et a trouvé la solution grâce à l’intelligence artificielle (IA).

Un service nécessaire pour la protection des baleines

Déterminer la présence de gros animaux marins à partir d’images aériennes est essentiel pour une panoplie d’organisations comme les ports, Pêches et Océans Canada, des entreprises pétrolières et d’autres organismes de protection de l’environnement. Les résultats de ces observations servent à établir, entre autres, des plans de gestion des zones marines protégées, à améliorer les trajets maritimes en les rendant plus sécuritaires pour les mammifères et même à des projets de développement.

PHOTO FOURNIE PAR WHALE SEEKER

Image aérienne de Whale Seeker

« Lorsqu’elle est faite à la main, l’analyse prend de 3 à 45 minutes par image. Oui, c’est un travail ennuyeux, mais ce n’est pas le principal problème. C’est une tâche subjective et il y existe d’énormes différences entre un observateur et un autre. Il n’y a pas de standards, et les risques d’erreurs sont réels. Pourtant, on peut octroyer un droit de construction basé sur ces données », explique Emily Charry-Tissier.

D’un parc à chiens à la création d’une entreprise

Constatant le problème, le tandem a cherché des solutions, mais celles-ci étaient hors de prix. « On voulait faire quelque chose, mais nous sommes des scientifiques et nous ne connaissons rien au monde de l’informatique », explique-t-elle.

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Bertrand Charry, Antoine Gagné et Emily Charry-Tissier, les trois cofondateurs de Whale Seeker, ne vendent pas du vent, mais une solution réelle pour détecter rapidement les baleines.

Au cours d’une promenade dans un parc à chiens, l’écologiste a fait la connaissance d’Antoine Gagné, un développeur informatique. Séduit par le projet du couple, il s’est associé à eux pour fonder Whale Seeker en 2018. Depuis sa création, la jeune pousse a énormément investi en recherche et développement. Son algorithme du nom de Möbius, alimenté par l’IA, est aujourd’hui en mesure d’analyser des images aériennes avec une grande fiabilité et une grande rapidité.

« C’est 80 % plus rapide qu’avec des annotations manuelles et fiable à 99 %. Lorsque l’algorithme n’est pas certain, un humain fait les vérifications et renvoie les corrections. L’intelligence artificielle apprend donc les nuances », explique l’entrepreneure. « Möbius ne remplace pas l’humain, mais fait en sorte qu’on utilise le jugement des experts quand il est nécessaire et que ceux-ci peuvent couvrir plus de terrain dans un temps limité, ce qui rend la détection des baleines plus rapide et plus étendue », ajoute-t-elle.

Rapide, accessible, mais aussi éthique

Pour ceux qui auraient peur que Möbius serve des intérêts contraires à la protection des baleines, sachez que Whale Seeker a été certifiée B Corp., une sorte de garantie que l’entreprise a atteint les normes les plus élevées en matière de performances sociales et environnementales, de transparence et de responsabilité.

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Whale Seeker fait de l’éthique une valeur capitale.

« Pour nous, l’éthique est très importante. Notre travail ne doit pas être utilisé pour la chasse à la baleine, la pêche illégale, le contournement de lois et réglementations environnementales et d’autres activités que nous percevons comme allant à l’encontre de nos valeurs fondamentales », dit Emily Charry-Tissier.

La détection en temps réel

Whale Seeker emploie aujourd’hui six personnes, dont des analystes de données, des développeurs de logiciels et des spécialistes de l’IA. Même si ses membres sont dispersés en Amérique du Nord, l’équipe parvient à continuellement innover. Pionnier dans la détection des baleines de taille moyenne à partir d’images satellites, Whale Seeker vise maintenant à amener Möbius vers une détection automatisée des baleines en temps réel et compte aussi utiliser l’infrarouge. « Nous sommes rendus là, il ne manque plus que les caméras », affirme l’écologiste.