On s’en doutait à la lecture des résultats des banques canadiennes au cours des derniers trimestres. Les financements d’entreprise par de nouvelles émissions d’actions et d’obligations ont été nombreux, et les divisions Marchés des capitaux des banques ont prospéré au cours de la dernière année. Mais la volatilité boursière, la résurgence de l’inflation et les hausses de taux viendront-elles mettre un frein à ces opérations de financement essentielles à la croissance économique ?

La robustesse de la reprise économique post-pandémie et l’abondance de liquidités créées par les mesures d’aide des gouvernements et les politiques extrêmement expansionnistes de la Banque du Canada ont été les principaux facteurs qui ont facilité le financement des entreprises.

Selon des chiffres fournis par Desjardins, 1038 transactions de capital-actions totalisant 58,3 milliards de dollars ont été réalisées en 2021 au Canada, dont 66 au Québec pour 8,3 milliards. Il faut retourner à 2016 pour retrouver un tel niveau d’activité.

On dénombre également 102 premiers appels publics à l’épargne (PAPE) au Canada en 2021 pour un montant total de 9,1 milliards de dollars, soit la meilleure des sept dernières années.

Et voici la COVID-19

Depuis l’arrivée de la COVID-19, nous avons connu deux bonnes années, quoique très différentes, explique Mathieu Talbot, vice-président, services aux entreprises et financement corporatif, chez Desjardins.

En 2020, la confirmation de la pandémie au printemps a mis temporairement un frein aux activités de financement alors que les craintes de faillite se multipliaient. Mais alors, les gouvernements sont intervenus rapidement, et les mesures d’aide directe aux entreprises ainsi que les liquidités injectées dans le système financier par la banque centrale ont relancé les transactions, qui ont alors à peu près égalé celles des deux années précédentes.

Retour de l’effervescence

Puis, en 2021, une reprise économique supérieure à ce qui était attendu a ravivé l’effervescence dans le secteur du financement par actions alors que le marché absorbait facilement tout ce qui se présentait.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Martin Robitaille, chef, financement corporatif Québec, Banque Nationale, Marchés des capitaux

Avec toutes ces liquidités disponibles et des taux d’intérêt très bas, l’environnement était idéal pour financer les besoins en capitaux de toutes les entreprises, explique Martin Robitaille, chef, financement corporatif Québec, Banque Nationale, Marchés des capitaux.

Comme la toile économique était porteuse, des entreprises ont saisi l’occasion pour optimiser leur structure de capital. « Elles ont profité des taux de rendement très bas du marché des obligations à long terme pour rallonger l’échéance de leur dette et des évaluations attrayantes pour émettre des actions », dit-il. Tous les ingrédients étaient réunis pour connaître une bonne année en 2021.

L’envers de la médaille

Mais connaîtrons-nous l’envers de la médaille cette année, et les entreprises désirant attirer du capital-actions pour faire croître leurs activités pourront-elles le faire ?

Les perspectives économiques pour 2022 comportent un bon lot d’incertitudes, note Mathieu Talbot.

Presque tous les observateurs s’entendent pour dire que la Banque du Canada entamera une série de hausses de taux d’intérêt au début du mois de mars. Quant aux marchés boursiers, ils traversent une période de volatilité inquiétante depuis le début de l’année.

Et c’est sans compter que l’économie est aux prises avec de fortes perturbations des chaînes d’approvisionnement, accompagnées d’un taux d’inflation nettement plus élevé que ce à quoi nous étions habitués depuis plusieurs années.

Il faut peut-être s’attendre à moins de transactions, souligne Mathieu Talbot. Dans un contexte de volatilité, les fenêtres d’opportunité tendent à s’ouvrir et à se refermer plus rapidement, ce qui complique la réalisation des transactions. « Mais les bonnes histoires continueront à trouver preneur », fait-il valoir.

L’offre de capitaux demeure abondante

Alors que la volatilité touche négativement les cours boursiers, la valorisation des entreprises n’en devient que plus attrayante pour les investisseurs, ce qui devrait les inciter à déployer les liquidités disponibles.

« Nombreux sont ceux qui ne voudront pas retenir leurs investissements », dit Martin Robitaille.

Malgré la hausse des taux d’intérêt, l’inflation et la volatilité, l’offre de capitaux demeurera abondante et l’environnement, prometteur pour le secteur du financement d’entreprise, selon lui.