En pleine vie active, la santé flanche et vous êtes contraint de cesser de travailler en raison d’une invalidité. Que faire ? L’utilisation de son REER peut-elle être une solution envisageable ? Les spécialistes interrogés sont unanimes : ce n’est pas le meilleur véhicule financier pour cela, mais d’autres solutions existent.

Retraite ou invalidité, peu importe la raison pour laquelle vous devez retirer de l’argent de votre régime enregistré d’épargne-retraite (REER), la règle reste la même : vous serez imposé sur le total de vos revenus après les crédits d’impôt. « Le REER, c’est de l’épargne de consommation reportée. La raison pour laquelle vous retirez vos REER n’est pas considérée comme un effet atténuant dans le calcul de vos revenus selon le gouvernement », explique Denis Preston, professeur à HEC Montréal et planificateur financier.

Pour bénéficier au maximum de son REER, il faut décaisser au moment où son taux d’imposition est minimal. « Il ne faut pas décaisser plus que le montant dont on a besoin, car les sommes dans le REER ne sont pas infinies. Aussi, il faut garder certaines questions en tête. Quelle est votre espérance de vie ? Avez-vous des enfants ? Quel est votre patrimoine ? Ce n’est pas au planificateur de décider, mais à vous d’évaluer le prix juste pour réaliser vos objectifs. Notre rôle est d’évaluer les impacts, et ce n’est pas une question simple. Tellement de variables entrent en ligne de compte », explique Marie-Frédérique Savard, planificatrice financière et directrice générale du cabinet Plandaction.

Plusieurs dispositions permettent aux actionnaires de Fondaction ou du Fonds de solidarité FTQ d’avoir accès à leur épargne dans des moments plus difficiles, par exemple, mais les règles de l’imposition seront malgré tout les mêmes.

Des ressources financières à court terme

Avant de retirer des sommes de son REER, il importe de considérer d’autres ressources comme les prestations de maladie de l’assurance-emploi ou l’assurance-invalidité. Encore là, Line Moreau, CPA, met un bémol à ces solutions. « L’assurance-emploi n’est pas éternelle, et l’assurance-invalidité ne couvre pas toutes les maladies. C’est aussi cher ; le truc est de commencer tôt à y souscrire. » À titre de solution, elle recommande de consulter un médecin afin d’aller chercher le crédit d’impôt pour personnes handicapées (CIPH).

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Line Moreau

Ce n’est pas le nom de la maladie qui détermine l’admissibilité au CIPH, mais plutôt les effets invalidants qui découlent de la maladie.

Line Moreau, CPA

L’option REEI

Pourquoi ce crédit est-il si important ? Parce qu’il peut donner droit à différentes mesures d’aide et, surtout, il donne accès au Régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI). Pour les personnes de moins de 49 ans, celui-ci permet d’épargner et de bénéficier de la Subvention canadienne pour l’épargne-invalidité (SCEI) pour bonifier le capital.

Guillaume Parent est président de Finandicap, un cabinet spécialisé en services financiers pour les personnes en situation de handicap et d’invalidité. Près de 10 % de sa clientèle est composée de gens qui ont à vivre avec une invalidité au milieu de leur vie. Né avec la paralysie cérébrale, il recommande la patience aux gens qui envisagent de demander le CIPH.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Guillaume Parent

Il y a deux fois moins de personnes au Québec qui demandent le CIPH que dans le reste du Canada, soit par méconnaissance ou par découragement. La difficulté, c’est que très peu de gens vont vous parler de votre situation financière quand vous avez des problèmes de santé qui affectent votre quotidien et aussi parce qu’il y a beaucoup de formulaires à remplir.

Guillaume Parent, président de Finandicap

Pour lui, l’accompagnement est primordial, surtout au regard des sommes en jeu. « La personne pourra cotiser au REEI grâce au Bon canadien pour l’épargne-invalidité (BCEI), et ce, même si elle n’a pas d’argent. Offert aux personnes ayant un faible revenu, c’est une subvention annuelle de 1000 $ jusqu’à concurrence de 20 000 $ à vie. Quant au SCEI, il est versé selon le revenu familial du bénéficiaire et en fonction du montant cotisé au régime, et ce, jusqu’à un montant de 3500 $ pour atteindre un maximum de 70 000 $ à vie », souligne-t-il.

Une chose est certaine : Guillaume Parent prévient qu’il n’y a pas de livre de recettes ni d’arc-en-ciel lorsqu’on vit une telle situation. « Il faut faire un immense reset sur son plan financier et repenser ses stratégies. »