Bien que l’industrie aérospatiale soit en redémarrage en vue de la reprise anticipée, les écoles de formation peinent à attirer des candidats pour pourvoir les 5000 postes laissés vacants depuis le début de la pandémie.

« C’est pas mal critique, constate Éric Dionne, directeur de l’École des métiers de l’aérospatiale de Montréal. Je suis inquiet de ne pas pouvoir livrer assez de main-d’œuvre qualifiée et compétente aux employeurs qui ont des besoins urgents. »

Et pourquoi les élèves boudent-ils les stages de formation offerts par l’établissement scolaire de la rue Chauveau, dans l’est de Montréal ?

« Avec la crise [sanitaire] et les avions qu’on a vus cloués au sol, soumet-il. Plusieurs [candidats] ont décidé d’aller vers d’autres secteurs, se sont dirigés vers les technologies de l’information ou la construction. »

Il déplore en outre l’absence dans ses classes des élèves étrangers qui ont fait le choix d’aller étudier en Ontario, où les délais pour obtenir la citoyenneté canadienne sont beaucoup plus courts qu’au Québec.

Tous ces facteurs réunis font en sorte que l’école, qui reçoit normalement de 400 à 500 élèves, n’en compte plus que 220.

« À titre d’exemple, pour la session d’automne 2021 en usinage, il n’y a eu qu’un seul groupe de 20 étudiants, se désole le directeur. On est loin de la moyenne de trois et même de cinq groupes. Et pourtant, les besoins [des employeurs] sont immenses, là comme dans d’autres spécialités. »

Les employeurs m’appellent constamment [pour trouver de la main-d’œuvre]. Tous les métiers ont une très forte demande, que ce soit l’usinage, la mécanique, la tôlerie, le câblage.

Éric Dionne, directeur de l’École des métiers de l’aérospatiale de Montréal

Changer les perceptions

Même son de cloche chez Aéro Montréal, où la PDG, Suzanne Benoît, assiste à un désintéressement des étudiants « à un bien mauvais moment, alors qu’on sent que ça reprend dans l’industrie », précise-t-elle.

« Il y a une perception [négative] qu’on devra changer pour attirer des candidats, reconnaît-elle. On semble penser que l’industrie est à terre, mais dans la réalité, ce n’est pas le cas, bien au contraire ! »

Suzanne Benoît ne cache pas que ce manque de candidats pour assurer la relève constitue un frein pour les grands acteurs de l’industrie. Et, tout comme le directeur de l’École des métiers de l’aérospatiale, elle se dit peinée de voir le Québec « perdre des cohortes d’étudiants étrangers » au profit de l’Ontario.

« C’est un problème sérieux, pointe-t-elle. C’est la compétitivité du Québec qui est en jeu. On a besoin d’étudiants bien formés pour travailler dans nos entreprises. »

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Suzanne Benoît, PDG d’Aéro Montréal

La PDG observe par ailleurs que « les métiers changent », tout comme le profil des étudiants. « Il faut former des employés qui vont travailler sur les moteurs hybrides et électriques, conçoit-elle. Il y a aussi les biocarburants, la robotique, l’intelligence artificielle. »

Elle voit également beaucoup de potentiel d’emploi pour les étudiants qui vont se tourner vers la cybersécurité, l’analyse de données. « L’enjeu, ça demeure l’innovation, c’est le nerf de la guerre », fait-elle valoir.

Faire voler les avions

Chose certaine, relève pour sa part Pascal Désilets, directeur de l’École nationale d’aéronautique (ENA), au cégep Édouard-Montpetit de Longueuil, le meilleur moyen de recruter des étudiants, c’est de... faire voler les avions.

« Tout tourne autour de l’espoir que l’activité reprenne, et on voit des signes encourageants », résume-t-il.

En attendant, il doit composer avec une baisse des inscriptions de trois ans en vue de l’option d’un diplôme en études collégiales (DEC), soit en avionique, soit en maintenance d’aéronefs, soit en génie de l’aérospatiale.

« La diminution a été de 20 % au plus fort de la pandémie, estime-t-il. Ça tend toutefois à se replacer, mais on ne remplit pas nos cohortes dans les formations aux adultes. »

Il n’en demeure pas moins que l’école « roule à 60 % de sa capacité », avec 800 élèves, alors qu’elle pourrait en accueillir 1300.

En savoir plus
  • Emplois dans l’industrie aérospatiale
    43 400 avant la pandémie 36 100 au printemps 2020
    38 000 à l’hiver 2022
    Source : Aéro Montréal