Le commun des mortels en entend surtout parler à cause de ses débouchés pour les téléphones intelligents et de l’actualité entourant le géant chinois Huawei, mais l’arrivée de la 5G est à la veille de déclencher une révolution dans le monde industriel.

L’usine de demain fourmillera de milliers d’objets connectés et de robots, agissant de concert sans être reliés par des câbles. Commandés par une intelligence artificielle, ils seront capables de coordonner leurs manœuvres à la fraction de seconde près. Leurs opérateurs auront accès en temps réel à une myriade de données et d’indicateurs qui leur permettront d’ajuster immédiatement leurs procédés.

Si l’intelligence artificielle et l’internet des objets ont déjà commencé à entrer dans les usines, ces innovations sont freinées, pour le moment, par l’absence de réseaux internet assez performants. La 4G ou le WiFi ne peuvent accueillir qu’un nombre limité d’objets au même endroit, à cause de leur bande passante trop petite. Leur délai de transmission trop grand pose aussi problème pour réaliser certaines opérations, par exemple pour piloter des manœuvres à distance.

La 5G viendra combler les principales lacunes des réseaux actuels, en offrant une connexion presque sans latence et en augmentant le nombre de machines qu’il sera possible de connecter dans un même endroit. « [Avec la 4G], on a déjà goûté à l’entreprise intelligente, mais on va vraiment passer à la vitesse supérieure avec la 5G », explique Quentin Hibon, directeur du développement des affaires chez Mitacs, organisme offrant des programmes de recherche et de formation pour soutenir l’innovation des entreprises.

« Ça va permettre un usage bien plus développé de l’intelligence artificielle, et plein d’autres [applications] qui sont en train de se développer. » Il évoque par exemple l’utilisation de jumeaux numériques, des répliques de machines qui permettent de s’entraîner et d’essayer de nouvelles configurations en réalité virtuelle, sans endommager les originales.

Qui dit objets connectés dit data. La 5G va permettre des vitesses de téléchargement beaucoup plus élevées, ce qui va permettre de récolter en temps réel des données beaucoup plus précises.

Quentin Hibon, directeur du développement des affaires chez Mitacs

En ce moment, Quentin Hibon travaille à convaincre les entreprises québécoises d’adopter la 5G. Son arrivée dans le monde manufacturier est d’après lui inévitable, au même titre que l’a été par le passé l’arrivée de l’informatique ou de l’internet. « À moyen terme, illustre-t-il, certaines entreprises pourraient trouver que la 5G n’est pas nécessaire et continuer de fonctionner comme elles le font en ce moment. » À long terme, par contre, il estime qu’elles ne pourront soutenir la concurrence avec les entreprises qui auront fait la transition.

74 %

Proportion des entreprises interrogées par le cabinet Ernst and Young, dans le cadre d’une étude mondiale sur la 5G réalisée en mai, qui ont déclaré qu’elles pensaient adopter la 5G d’ici cinq ans.

L’adoption de la 5G par l’industrie a déjà commencé ailleurs dans le monde, notamment en Allemagne, où le gouvernement a permis aux entreprises manufacturières de bâtir leur propre réseau 5G sur des fréquences privées. Au Canada, les licences permettant d’exploiter les fréquences liées à la 5G ont été mises aux enchères à l’été : les entreprises canadiennes de télécommunication ont déboursé au total 8,9 milliards de dollars pour les obtenir.