Malgré l'adoption soutenue de services infonuagiques par les entreprises et les consommateurs canadiens, les entreprises d'ici spécialisées dans ce domaine semblent destinées à demeurer marginales, à moins de se faire acheter par un plus gros joueur étranger.

Les PME canadiennes elles-mêmes préfèrent les services américains de Salesforce, d'Amazon ou de Google plutôt que d'explorer des solutions locales.

Naturellement, tout le monde se défend en jouant la carte de l'ubiquité du nuage informatique: c'est la nature même des services et des applications web que de n'avoir aucune attache géographique.

N'empêche que dans ce cas-ci, ce qui plaît aux acheteurs locaux semble poser un défi de taille aux spécialistes locaux. Dans la mesure où une acquisition par une société étrangère est une mauvaise nouvelle, ce qui ne semble pas toujours être le cas.

Ainsi, en décembre dernier, quand le géant américain Salesforce, spécialiste des services de bureautique en nuage, a mis la main sur la société torontoise Rypple, Dan Debow, qui a fondé l'entreprise américaine, a minimisé la situation, estimant que cela allait accélérer la croissance des activités canadiennes.

«C'est grave quand une société achète la propriété intellectuelle et licencie les employés, mais c'est le contraire qui se produit en ce moment: les entreprises achètent et continuent d'embaucher», a déclaré Dan Debow, cofondateur de la société Rypple.

Créer des géants, tout un défi

Le phénomène n'est pas exclusif aux PME du secteur infonuagique. Ce sont toutes les TIC qui semblent avoir adopté cette logique: atteignons la taille idéale afin de vendre à un concurrent étranger. Dans un rapport sur la question publié en mars, la firme Ernst&Young indique que l'achat de sociétés canadiennes par leurs homologues américains s'est accéléré l'an dernier. Alors que seulement 15 transactions ont eu lieu en 2010, on en compte 27 en 2011.

Les transactions importantes ont été faites par des noms bien connus du secteur des services web: Google et Salesforce, entre autres.

Alors que l'informatique se dirige massivement vers les services web, les entrepreneurs canadiens semblent avoir perdu toute ambition de créer le prochain Nortel ou le prochain Research in Motion.

Est-ce surprenant, compte tenu de leur déclin brutal ponctuant plusieurs années d'acharnement à percer le marché mondial?

Peut-être pas à première vue, mais ça pourrait coûter cher à plus long terme. «Peu de sociétés canadiennes mettent l'énergie requise afin de devenir de grands leaders ayant 100 millions et plus en revenus. Vendre son entreprise, c'est bien, mais ce qui nous tue, au Québec et au Canada, c'est que nous avons très rarement les moyens d'être des acquéreurs», conclut Chris Arsenault, partenaire du fonds iNovia Capital, à Montréal.