On apprenait le 7 novembre que, d'ici 2015, Alcoa Canada investira 2,1 milliards dans trois municipalités du Québec: Baie-Comeau, Deschambault et Bécancour. Il s'agit de faire passer les alumineries québécoises de la multinationale au XXe siècle. On éliminera du même coup des problèmes environnementaux et le rapport coût/bénéfice sera considérablement amélioré.

«Nos installations, avoue Pierre Morin, président et chef de la direction d'Alcoa Canada, sans être carrément désuètes, commençaient à être moins efficientes. Question coût/bénéfice, nos alumineries québécoises se situaient globalement au 50e rang mondial. Nos analyses ont montré qu'en implantant d'importantes transformations par étapes d'ici 2015 nous passerions au 37e rang.»

Et pourquoi pas tout simplement fermer la porte et se mondialiser quelque part en Asie ou en Amérique du Sud? D'autres l'auraient fait. «Par souci de diversification, répond M. Morin. Alcoa ne veut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier, dans la même région. Le principe de base, c'est que les usines doivent être performantes, où qu'elles soient.»

Au Québec, où travaillent 3200 des 3900 employés d'Alcoa Canada, les 2,1 milliards signifient la pérennité de ces emplois. Le patron estime que l'investissement massif allonge la durée de vie utile des alumineries québécoises de 25 à 30 ans. «Tenez, ajoute M. Morin, si je vous disais que notre contrat d'approvisionnement en électricité avec Hydro-Québec est prolongé jusqu'en 2040.»

Baie-Comeau seconde mouture

À Baie-Comeau on n'y va pas avec le dos de la cuiller. On investira 1,2 milliard pour changer le processus de production lui-même. Jusqu'ici, on procède selon ce qui s'appelle des séries de cuves Söderberg. On introduit l'alumine (un oxyde d'aluminium) dans une cuve où se trouvent des électrodes robustes. On applique un puissant électrochoc à l'alumine en solution fluorée. Une partie de l'anode en carbone réagit avec l'alumine grâce à l'énergie du choc et de l'aluminium se forme sur la cathode.

Ce procédé, où l'anode est «cuite» sur place, remonte à 1886. Il a deux désavantages. Premièrement, il a un rendement modeste. Secondement, il relâche dans la nature des hydrocarbures aromatiques polycycliques, HAP, hautement indésirables, ainsi que des gaz à effet de serre, notamment du dioxyde de carbone.

On passera donc à un nouveau procédé d'électrolyse de l'alumine, procédé dit à anode précuite. Du coup, on élimine trois séries Söderberg qui, ensemble, produisaient 160 000 tonnes d'aluminium et on les remplace par une seule unité à anode précuite qui livrera la même marchandise sans aucune émission de HAP. Le dioxyde diminuera quant à lui de 40%. Les décisions sont prises, approuvées par le conseil d'Alcoa, et les budgets sont réservés.

L'usine de Baie-Comeau est particulière puisqu'elle produit les quatre types de formes finales d'aluminium requises par les diverses clientèles d'Alcoa: lingots en forme de T, plaques, billettes et tiges ou câbles enroulés. Ses clients sont principalement les marchés de l'aérospatiale et aéronautique, de la construction, de l'automobile et des transports. Chacun veut son aluminium livré selon une forme géométrique particulière. Baie-Comeau peut satisfaire tout le monde.

Étapes suivantes

Au début de 2012, le conseil d'administration statuera sur un autre projet. Il concerne l'unité de production de Deschambault. «Là, souhaite Pierre Morin, on passerait de 25 à 30 000 tonnes par an.» On a besoin pour ce faire de monter à 450 000 ampères la quantité d'énergie électrique passant dans le gros commutateur. Le conseil devra lâcher 150 millions de dollars.

Plus tard en 2012, le conseil verra réapparaître ces messieurs d'Alcoa Canada pour réclamer un autre 150 millions. «Là, nous jonglons encore avec plusieurs hypothèses. En gros, nous voulons augmenter la capacité au Québec de 25 à 30 000 tonnes supplémentaires. Il y a diverses façons d'y arriver.»

On pourrait soit augmenter l'ampérage de l'une ou l'autre des trois unités, soit augmenter le nombre de cuves à Deschambault. C'est à l'étude. Mais Pierre Morin assure que la décision sera prise l'an prochain.

Restent environ 600 millions des 2,1 milliards. Ils iront à des travaux d'entretien et de maintenance. On veut mettre le quai de Baie-Comeau à niveau. Ça va coûter 75 millions. Il y a notamment les fours de Deschambault et de Bécancour à réparer pour environ 100 millions. N'empêche, on est loin du «face-lift». Surtout quand on pense que dans les cinq dernières années, Alcoa avait investi 350 millions au total au Québec.