L'informatique dématérialisée, en nuage ou «infonuagique», est certainement une expression à la mode ces jours-ci. Comme toute nouvelle technologie, ce que nos voisins appellent le «Cloud Computing» promet de chambouler la relation entre les entreprises et leurs outils informatiques. Ce terme est toutefois si vaste qu'on peut facilement s'y perdre. Voici un survol qui permet d'y voir plus clair.

Qu'est-ce que l'infonuagique, au juste? Peu s'entendent réellement sur une définition précise de ce terme, même si les grandes lignes semblent faire l'unanimité: il s'agit d'un modèle qui, par l'entremise de serveurs connectés par l'internet, permet d'accéder au besoin à des ressources informatiques spécifiques, qu'il s'agisse de documents ou d'applications, qui se trouvent elles-mêmes sur des serveurs distants et non sur son propre système informatique. Autrement dit, tout se fait à partir d'une fenêtre de navigateur web: du traitement de texte au partage en équipe de documents de travail.

L'informatique dématérialisée est un mouvement irréversible

Alors que les deux tiers des entreprises utilisaient au moins un service du genre en 2007, elles sont aujourd'hui 90% à le faire, selon le cabinet d'analyse Gartner.

Des entreprises comme SAP, SalesForce, Microsoft et même Amazon sont parmi les géants de cette industrie dans le monde.

Ce mouvement n'est pas anodin: le cabinet IDC estime que d'ici deux à trois ans, 9% des 3,4 billions de dollars US (3364 milliards) dépensés annuellement en TI seront destinés à de tels services. Ça représente une coquette somme légèrement supérieure à 300 milliards de dollars.

Si ces chiffres semblent imposants, cette technologie émergente promet pourtant des économies substantielles aux entreprises qui l'utilisent.

Selon une étude interne réalisée plus tôt cette année par Microsoft, une PME qui adopte l'informatique en nuage plutôt que de s'équiper de sa propre infrastructure TI paiera jusqu'à 40 fois moins pour le même résultat. Dans le cas des grandes entreprises, il en coûtera 10 fois moins cher.

Ce qui explique pourquoi les plus petites entreprises sont plus promptes à adopter l'infonuagique, constate Éric Chouinard, cofondateur d'iWeb Technologies, à Montréal.

«Avec ça, les PME sont à trois clics de posséder toute l'infrastructure nécessaire pour immédiatement se mettre à concevoir leurs produits ou services. C'est toute une économie de temps et d'argent!» dit-il.

Trois «nuages»: infrastructure, plateforme et logiciel

Les grandes entreprises, elles, sont plus réticentes à se joindre à ce mouvement. Pour des raisons de sécurité et d'étalonnage, elles préfèrent procéder par étapes.

Cette adoption progressive a mené des fournisseurs comme IBM et Microsoft à répertorier leur offre en trois grands types de services dématérialisés, qui ont tous le même trait de base: ils visent à remplacer les solutions TI existantes par des outils aussi performants, mais moins coûteux, situés dans le nuage.

Le premier type de services peut être qualifié d'infrastructure sur demande, ou IaaS, pour Infrastructure as a Service. Des sociétés comme Amazon et Rackspace se sont spécialisées dans ce domaine. Sous la forme d'un abonnement mensuel, on occupe l'espace dont on a besoin sur des serveurs loués par ces fournisseurs.

C'est une solution abordable qui évolue avec l'entreprise. On réduit ou on augmente le nombre de serveurs ainsi loués selon nos besoins. On y dépose les applications et les données dont on a besoin pour faire fonctionner l'entreprise, qui doit cependant installer ses propres outils de gestion.

Le second type d'informatique dématérialisée s'occupe de fournir ces outils. Plutôt que d'offrir seulement le matériel informatique sur demande, il comprend le système d'exploitation et tout ce qui permet aux gestionnaires TI de bien superviser le fonctionnement de leur équipement. En plus de l'infrastructure matérielle, ces logiciels créent un environnement où les entreprises peuvent installer plus rapidement leurs applications d'affaires. Les experts surnomment ce type de services une plateforme web, ou PaaS, pour Platform as a Service.

Microsoft offre une telle solution sous la bannière Azure, alors que Google offre des applications (Google Apps) qui constituent pour plusieurs une autre offre de plateforme web.

Le troisième type de service dématérialisé est plus connu parce qu'il s'adresse aux entreprises ainsi qu'aux consommateurs de façon plus générale. Il s'agit des logiciels web, ces applications qu'on trouve sur la Toile et dont les fonctions remplacent celles d'un logiciel de bureau qui s'installe directement sur un poste de travail.

Ces logiciels de services sont offerts par plusieurs sociétés bien connues des internautes: d'Adobe à Zoho, en passant par Dropbox, Google et autres, elles sont nombreuses à proposer des suites bureautiques, des outils de stockage ou d'édition de documents texte, de photos, de vidéos ou autres qu'affectionnent des millions d'internautes, au bureau comme à la maison. La raison de cette popularité est simple: plusieurs de ces logiciels sont offerts gratuitement.

Vos données sont-elles en sécurité?

Gratuité ne garantit pas efficacité. Les services hébergés, qui promettent de conserver en sécurité les données d'une entreprise, doivent remplir leurs promesses. C'est le principal frein à l'adoption de l'informatique dématérialisée, particulièrement auprès des grandes entreprises qui ont le plus à perdre en confiant leurs données à des tiers.

Un sondage mené auprès des directeurs de l'informatique de grandes sociétés nord-américaines confirme que la sécurité et la confidentialité des données étaient leurs deux pires craintes devant cette nouvelle technologie.

Près de sept gestionnaires TI sur dix avouent être incapables de prouver à leurs supérieurs qu'un service hébergé chez un fournisseur est aussi sûr qu'une infrastructure TI interne.

«Les entreprises canadiennes font souvent affaire avec des fournisseurs situés aux États-Unis et craignent que le fameux Patriot Act permette aux fonctionnaires américains de fouiller dans leurs données en toute quiétude», explique Guy Barrette, président de la Communauté .NET Montréal, selon qui la crainte est non fondée. «Les gouvernements ne s'intéressent pas au genre de données que les entreprises utilisent couramment.»

Le vol de données peut provenir autant de l'intérieur de que l'extérieur d'une entreprise. Une étude réalisée l'an dernier par le fournisseur de services Verizon démontre qu'environ 70% de ces vols proviennent de sources extérieures à l'entreprise. Un peu plus de 20% des vols de données sont faits à l'interne.

Détail intéressant: le premier phénomène est en baisse, le second, lui, est en hausse et a presque doublé depuis cinq ans.

Bref, les données sont menacées de partout.