Une voiture n’est généralement pas si facile à financer stratégiquement, spécialement lorsqu’on est à la retraite et que les taux d’intérêt sont élevés comme en ce moment. Heureusement, lorsqu’on a un peu d’épargne, on peut y arriver sans trop de mal. Mais encore faut-il piger au bon endroit.

La situation

Lisette*, 64 ans, est retraitée et reçoit 33 600 $ net par année de son régime de retraite et de ses rentes gouvernementales. Elle a une voiture qui date de 2010 qui fonctionne encore bien et elle désire la garder encore un peu. Par contre, elle commence déjà à prévoir l’achat de la nouvelle. Alors que ses enfants lui conseillent de prendre une location, Lisette a 30 000 $ dans son régime enregistré d’épargne-retraite (REER) et elle envisage de sortir cette somme, qui sera imposable, pour acheter une Toyota Corolla. Elle prévoit donc avoir 18 000 $ net pour sa voiture et alors qu’elle économise environ 2000 $ par année dans des placements sûrs, elle pense prendre ces sommes annuelles à venir pour sa voiture. Comme son loyer lui coûte 800 $ par mois, il lui reste suffisamment d’argent pour faire un voyage par année et pour gâter ses petits-enfants. Elle a aussi un coussin de 30 000 $. « Je ne veux pas y toucher, ce sera ce que mes enfants auront à mon décès, précise-t-elle. À part de ça, je n’ai pas d’actifs, mais pas de dettes non plus. Je n’ai pas grand-chose, mais étant donné que j’ai été mère célibataire une bonne partie de ma vie sans vraiment d’aide du père, je trouve que je m’en suis bien sortie. »

Les chiffres

Lisette, 64 ans

Revenus de retraite annuels nets indexés : 33 600 $

REER : 30 000 $

Économies : 30 000 $

Coût du loyer mensuel : 800 $

Prévoir son coup

Alors que la voiture de Lisette fonctionne encore bien, Léa Saadé, planificatrice financière et vice-présidente régionale, gestion de patrimoine, à la Financière des professionnels, souligne que c’est une très bonne chose de commencer sa réflexion maintenant plutôt qu’attendre d’être dans l’urgence et de devoir prendre une décision précipitée.

« Je tiens aussi à la féliciter d’avoir élevé ses enfants seule et de ne pas s’être endettée et d’avoir même pu économiser des sommes pour eux, tout en pouvant gâter ses petits-enfants et se payer un voyage par année alors qu’elle a la santé et l’énergie pour le faire, affirme-t-elle. C’est tout à son honneur. »

Louer ou acheter ?

La planificatrice financière souligne aussi que pour décider s’il est préférable d’acheter ou de louer une voiture, il faut regarder plusieurs facteurs. « Si on parle d’une personne qui a une entreprise et qui peut déduire ses frais de location de ses revenus, cela peut être intéressant, précise-t-elle. Mais ce n’est pas le cas de Lisette. Puis, il faut regarder les taux d’intérêt. En ce moment, ils sont très élevés : entre 5 et 7 % environ pour louer, alors qu’avant, ils étaient à 0 %. Il faut aussi regarder si la personne veut garder la voiture longtemps, ce qui semble être le cas de Lisette. Elle aurait donc intérêt à acheter. »

REER ou CELI ?

Aux yeux de Léa Saadé, vider le REER n’est pas la bonne option pour Lisette, qui souhaite acheter une voiture. « Un REER, c’est bon pour avoir des sous pour la retraite, pour un retour aux études, ou pour une mise de fonds pour acheter une propriété, mais pas pour acheter une voiture, parce qu’elle devra payer trop en impôts, surtout qu’elle risque de tout sortir d’un coup », précise-t-elle.

L’autre élément important à regarder est le coussin de 30 000 $. « J’espère qu’il est déjà investi dans un compte d’épargne libre d’impôt (CELI) pour que les rendements soient faits à l’abri de l’impôt, affirme la planificatrice financière. Si ce n’est pas le cas, je conseille à Lisette de tout de suite transférer cette somme dans un CELI qui serait, par exemple, un compte d’épargne à intérêt élevé pour qu’elle puisse pouvoir y faire des retraits en tout temps. »

C’est dans ce compte que la planificatrice financière conseille à Lisette de piger pour acheter sa voiture.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Léa Saadé, planificatrice financière et vice-présidente régionale, gestion de patrimoine, Financière des professionnels

C’est tout à son avantage, parce qu’elle pourra sortir des sommes de ce compte [CELI] sans payer d’impôts dessus.

Léa Saadé, planificatrice financière et vice-présidente régionale, gestion de patrimoine, Financière des professionnels

Pourtant, Lisette a dit clairement qu’elle ne voulait pas toucher à ce coussin pour le léguer à ses enfants. « Oui, mais elle a le même montant dans son REER qu’elle pourra leur léguer, précise-t-elle. Et cette somme pourra continuer à fructifier encore plusieurs années. »

De plus, elle pourra étaler dans le temps les retraits de son REER, ou de son fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) lorsqu’il sera transformé, afin de réduire sa facture fiscale.

Autres éléments à regarder

Léa Saadé conseille aussi à Lisette de vérifier la valeur d’échange de sa voiture qui roule encore bien. « Parfois, on peut être surpris », précise-t-elle.

La planificatrice financière recommande également à Lisette de regarder quelques éléments pour sa succession. « Elle doit s’assurer, par exemple, que dans son testament et dans son assurance vie, si elle a en une, les bénéficiaires sont ses enfants, indique-t-elle. Il y a bien des gens qui ont déjà été en couple qui oublient de faire changer leur succession lorsqu’ils se séparent, et c’est l’ex qui récolte tout au décès. »

Aussi, Léa Saadé amène l’attention de Lisette sur son loyer. « Elle est chanceuse, elle ne paye pas trop cher, affirme-t-elle. Mais elle doit tout de même garder en tête que c’est toujours possible qu’elle soit forcée de déménager, pour différentes raisons, comme une éviction. Probablement alors que le prix de son nouveau loyer serait plus élevé. Elle doit donc être consciente de ce risque et penser à ce qu’elle ferait dans ce cas. »

C’est une autre bonne raison pour Lisette de continuer à faire fructifier ses avoirs et de limiter le plus possible sa facture fiscale chaque année. « Elle place ses économies dans des placements sécuritaires et c’est correct, indique Léa Saadé, mais elle doit tout de même s’assurer d’aller chercher le meilleur rendement possible. Ainsi, elle sera mieux outillée pour faire face aux différentes situations qui peuvent se présenter à elle. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, le prénom utilisé est fictif.