Vaut-il mieux rembourser son hypothèque le plus vite possible ou investir ? En 2017, deux experts s’étaient penchés sur cette question à la demande de La Presse. Dans un nouveau contexte de hausse des taux hypothécaires, de volatilité boursière et d’inflation, ils ont refait leurs calculs.

INVESTIR

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Brigitte Felx, planificatrice financière, première directrice régionale, stratégie de distribution-entreprise, gestion mondial d’actifs, Banque Royale du Canada (RBC)

Brigitte Felx, planificatrice financière, première directrice régionale, stratégie de distribution-entreprise, gestion mondiale d’actifs, Banque Royale du Canada (RBC)

En 2017, la spécialiste conseillait d’investir plutôt que de liquider à tout prix son prêt hypothécaire, notamment lorsque le prêt ne coûte pas cher. Elle précisait cependant que chaque portrait financier est unique et qu’il faut faire un plan avec son planificateur.

On gagne à investir : oui

Prenons le même scénario hypothétique qu’en 2017 : une personne de 42 ans ayant un revenu stable annuel de 75 000 $, une hypothèque de 250 000 $ avec un amortissement sur 20 ans et des paiements toutes les semaines accélérés. La réponse n’a pas beaucoup changé.

Considérant que cette personne a un montant d’épargne annuel de 15 000 $, doit-elle le placer dans l’hypothèque ou dans un REER ? Les calculs sont clairs : dans un REER. Il y a une différence de 108 247 $ en faveur de l’investissement dans un REER.

Même avec les taux d’intérêt élevés actuels de 6 %, on vient prouver qu’avec le remboursement de l’impôt du REER qu’on investit dans un CELI, on gagne plus à long terme avec ces investissements qu’en remboursant l’hypothèque.

On gagne à faire des calculs : oui

Quand on ne prend pas la peine de s’asseoir et de calculer avec les vrais montants, on a l’impression que si le taux d’hypothèque est plus élevé, on doit rembourser cette dette. Mais avec les intérêts composés et le fait de baisser son taux marginal d’impôts avec les REER, il est plus rentable de travailler des deux côtés : minimiser l’impact des impôts et construire son épargne à long terme en prévision de la retraite. Faire un plan avec son planificateur est payant.

Mettre tous ses œufs dans le même panier : non

Il faut se questionner. Quels seront mes besoins de revenus à la retraite et où vais-je les prendre ? Si je mise sur ma propriété, cela suppose que le marché immobilier va tenir, qu’il va me donner une croissance continue sur ma propriété. Ce qui n’est pas sûr. Deuxièmement, si les revenus proviennent uniquement de la propriété, il faudra peut-être la vendre pour obtenir des liquidités. À moins de pouvoir obtenir une marge de crédit ou une hypothèque inversée. Dans le cas de la vente de la propriété, il faudra se reloger. Le capital restant va-t-il être suffisant ? Troisièmement, si j’ai des objectifs successoraux, peut-être que de miser uniquement sur la propriété ne fonctionnera pas.

Investir des sommes régulièrement : oui

Il y a une stratégie qui fonctionne bien sur le plan de la volatilité des marchés et de l’inflation. On a découvert à travers des analyses sur une période de 50 ans qu’il faut privilégier les achats périodiques par sommes fixes plutôt qu’une fois par année. Au lieu de cotiser en fin d’année pour un REER, il est plus payant à long terme de cotiser tous les mois. Ça fait une différence, parce que chaque mois, je rentre dans le marché, donc le coût de ma part varie chaque fois.

PAYER L’HYPOTHÈQUE

PHOTO STÉPHANE LESSARD, ARCHIVES LE NOUVELLISTE

Daniel Laverdière, actuaire, planificateur financier à la retraite et Fellow de l’IQPF

Daniel Laverdière, actuaire, planificateur financier à la retraite et Fellow de l’Institut québécois de planification financière [IQPF]

En 2017, le spécialiste en poste à la Banque Nationale Gestion privée 1859 privilégiait le remboursement de l’hypothèque, car les rendements faramineux n’existaient pas et qu’il fallait faire le double de l’intérêt du prêt pour les placements non enregistrés.

Investir dans des placements non enregistrés : non

Est-ce que l’on doit rembourser l’hypothèque d’une résidence qui est non déductible d’impôt ou placer son argent dans des placements non enregistrés, c’est-à-dire hors REER et CELI ? C’est évident qu’il faut rembourser sa dette, parce que mathématiquement, ça ne fonctionne pas. Dans un fonds commun de placement moyen, quand tu fais 6 % pendant 20 ans, en réalité, tu fais 4 %, parce que les frais de gestion sont d’environ 2 % et que tu dois payer de l’impôt sur les rendements. Pour les certificats de placement garanti (CPG) et les obligations, les taux sont toujours plus bas que les taux hypothécaires et il y a de l’impôt à payer. Les obligations ont des frais de gestion.

Battre les taux hypothécaires avec les CELI et les REER : rarement

En CELI ou en REER, tu dois aussi comparer le taux de rendement et le taux hypothécaire. Quand tu investis en actions, tu as l’espoir de faire plus que le taux d’emprunt, surtout avec des fonds indiciels à peu de frais. Historiquement, les actions ont toujours été plus hautes que le taux d’emprunt. Selon les normes de l’IQPF, il faut compter 4,3 % en moyenne pour une hypothèque et 6,2 % en actions canadiennes moins les frais et moins l’impôt. La marge est faible pour les gains.

Quand tu es en revenu fixe, ce n’est pas possible. Historiquement, le revenu fixe est plus bas que le taux d’emprunt. À moins d’avoir négocié en 2020 un taux sous les 2 %. Si tu as une hypothèque à 6 % et un placement à 5 %, tu es perdant de 1 %.

Si tu disposes d’une somme en surplus, dans presque tous les cas, la réponse est de rembourser l’hypothèque.

Privilégier un fonds d’urgence : oui

Le fonds d’urgence dans un CELI va toujours passer en premier, même si tu es perdant à cause des taux de rendement plus bas que celui de l’hypothèque. Si tu perds ton emploi, que tu as tout mis sur l’hypothèque, tu n’auras pas de compte de banque pour passer à travers les six prochains mois. Avoir un compte accessible en cas d’urgence est primordial.

Se laisser distraire par l’inflation et les taux : non

On ne doit pas changer sa stratégie en fonction des taux et de l’inflation qui fluctuent. Faire un placement, c’est pour le long terme. Pas pour ressortir des marchés dans six mois. Quand on a une hypothèque et des placements, il est plus rentable d’être 100 % en actions.

Il y a plein de gens avec une hypothèque et un portefeuille équilibré, 50 % obligations et 50 % actions. C’est rassurant, mais en réalité, ils ont un trou dans leur piscine avec ces obligations qui leur font perdre de l’argent. Ils auraient avantage à vendre ces 50 % d’obligations et rembourser leur hypothèque.