Dans l’infolettre L’argent et le bonheur, envoyée par courriel le mardi, notre journaliste Nicolas Bérubé offre des réflexions sur l’enrichissement. Ses textes sont repris ici le dimanche.

C’était l’assemblée annuelle des actionnaires de Berkshire Hathaway la fin de semaine dernière à Omaha, au Nebraska. Pour les investisseurs du globe, c’était l’occasion d’entendre ce que Warren Buffett, 92 ans, et Charlie Munger, 99 ans, avaient à dire sur le conglomérat qu’ils dirigent depuis 1965, et sur une foule d’autres sujets, allant d’Elon Musk à l’intelligence artificielle en passant par la façon de mener une bonne vie.

Au cours de leur carrière, les deux milliardaires autoréalisés ont eu un impact sans doute inédit sur des générations d’investisseurs. Si ce n’est déjà fait, je recommande à tous les esprits curieux de lire la biographie The Snowball : Warren Buffett and the Business of Life, écrite par Alice Schroeder, et Damn Right ! : Behind the Scenes with Berkshire Hathaway Billionaire Charlie Munger, de Janet Lowe. Le documentaire Becoming Warren Buffett, de HBO, est aussi excellent, et il est en diffusion gratuite sur YouTube.

Regardez Becoming Warren Buffett

Voici certains passages annotés de l’assemblée annuelle cette année.

À propos du rôle des émotions :

Nous prenons constamment de mauvaises décisions d’investissement. […] Mais je ne peux pas me rappeler que nous ayons pris, dans l’histoire de Berkshire, une décision basée sur l’émotion. […] Vous ne voulez pas être une personne non émotive dans toutes les sphères de la vie, mais vous voulez certainement l’être en investissement, ou en affaires.

Warren Buffett

Tout au long de sa carrière, Warren Buffett a parlé de l’importance pour l’investisseur de ne pas se laisser mener par ses émotions. Mais, concrètement, qu’est-ce que ça veut dire ? Les deux émotions les plus fortes ressenties par un investisseur sont la peur et l’avidité. Je mets la peur en premier, car c’est l’émotion la plus puissante, et elle est extrêmement corrosive à long terme.

Avoir peur en investissement est comme essayer d’avancer en voiture en actionnant constamment le frein à main : celui qui le fait est désavantagé par rapport à celui qui a appris à ne pas le faire.

Par exemple, dans une chute boursière, quand nous voyons la valeur de notre actif s’effondrer, la peur peut prendre le dessus et nous pousser à vendre, souvent au pire moment. Comme on a pu le voir en 2020 et à nouveau en 2022, des baisses vont survenir. C’est une certitude, au même titre que la mort et les impôts. Ça ne sert à rien de s’empoisonner la vie avec ça.

À propos d’Elon Musk :

Elon Musk aime relever des défis impossibles. Il a réussi dans la vie en entreprenant des choses extrêmement difficiles. Nous sommes différents… Warren et moi, on cherche à relever les défis les plus faciles que nous puissions déterminer.

Charlie Munger

Munger répète ici une idée qui lui est chère, celle qu’investir correctement n’a pas à être compliqué, et surtout ne nécessite pas de boule de cristal. Les entreprises les plus importantes dans le portefeuille d’actions de Berkshire Hathaway sont Coca-Cola, la compagnie d’assurance Geico, Bank of America et Apple, notamment. Des entreprises qui ont atteint une certaine maturité, qui ne nécessitent pas d’investissements massifs et dont les clients reviennent année après année. Buffett et Munger sont parfaitement à l’aise d’engranger des profits et de laisser Elon Musk faire des nuits blanches pour révolutionner plusieurs industries compliquées et coûteuses.

À propos de l’iPhone :

PHOTO ANDREW KELLY, ARCHIVES REUTERS

L’iPhone est le produit le plus populaire de l’histoire.

Des gens dépensent 1500 $ pour s’acheter un iPhone, et 35 000 $ pour s’acheter une deuxième voiture, et s’ils avaient à choisir entre les deux, ils renonceraient à leur deuxième voiture [et garderaient leur iPhone].

Charlie Munger

Cela reprend le thème de la simplicité. L’iPhone est le produit le plus populaire de l’histoire, et les gens vont continuer de l’acheter parce qu’il est extrêmement performant, et parce que c’est difficile et compliqué de quitter l’écosystème d’Apple. Warren Buffett est heureux de posséder une partie de l’entreprise qui vend aux gens un produit qu’ils jugent essentiel dans leur vie. En revanche, investir dans une entreprise de véhicules est plus difficile, car le niveau d’attachement des consommateurs est moins élevé, la compétition internationale est plus forte et « personne ne sait qui sera au sommet dans 5 ou 10 ans », a dit Buffett. Donc même s’il s’agit de deux entreprises qui font appel à la technologie, Apple est un meilleur choix pour Buffett que Tesla, par exemple.

À propos de l’intelligence artificielle :

Ce qui m’inquiète, c’est qu’une fois que ça a été inventé, on ne peut pas le désinventer… Ça peut tout changer dans le monde, mais ce qui ne changera pas, c’est la façon dont les gens pensent et se comportent.

Warren Buffett

Comme beaucoup de monde, Warren Buffett est impressionné par les avancées en matière d’intelligence artificielle, mais il ne peut faire autrement que se demander comment cela sera utilisé pour faire le mal. Il fait un lien avec l’arme atomique, inventée durant la Seconde Guerre mondiale. « C’était important de l’inventer, et nous ne pourrions faire autrement, mais est-ce que c’est positif pour les 200 prochaines années ? »

À propos du caractère :

Je ne connais personne qui était gentil et qui est mort sans amis. Mais je connais beaucoup de gens qui avaient de l’argent et qui sont morts sans amis.

Warren Buffett

Des études ont démontré que de simplement penser à l’argent nous rendait moins altruistes. Il semble y avoir quelque chose dans ce sujet qui active notre côté animal, notre désir de marquer le plus grand nombre de points possible et de tout garder pour nous. Warren Buffett a trouvé une façon de court-circuiter cette prédisposition il y a quelques années en s’engageant à remettre 99 % de sa fortune à des œuvres de charité à sa mort. En date de l’an dernier, Buffett, dont l’actif net est de 113 milliards de dollars américains, avait déjà donné 48 milliards de dollars à des organismes caritatifs au cours de sa vie.

Aussi, personne ne se souviendra de notre taux d’épargne ou du pourcentage de notre rendement boursier après notre décès. Mais plusieurs se souviendront de nos paroles et de notre caractère.

À propos des fonds indiciels :

Les fonds indiciels sont un excellent outil d’investissement, car les frais de gestion sont faibles.

Warren Buffett

Vous commencez à me connaître, je ne pouvais pas passer sous silence le fait qu’encore une fois, Warren Buffett a offert son conseil favori aux gens qui ont de l’argent à investir : achetez des fonds indiciels et passez à autre chose.

En achetant des fonds négociés en Bourse (FNB) indiciels, il est possible d’obtenir les rendements du marché, et d’en soustraire les frais de gestion les plus faibles de l’industrie (souvent 0,25 % ou moins par année, contre près de 2 % pour des fonds communs de placement gérés activement).

Sur une période de plusieurs décennies, et en adoptant les bons comportements d’investisseur (ne pas vendre lors des chutes, faire des achats réguliers, etc.), un investisseur pourra avoir de bien meilleurs résultats s’il garde ses frais de gestion au strict minimum. Warren Buffett a déjà annoncé que 90 % des millions qu’il laissera en héritage à sa femme seront investis dans un fonds indiciel Vanguard qui suit l’indice du S&P 500, et que le reste sera placé dans des bons du Trésor américain. Un tel portefeuille de placement a des frais de gestion de 0,04 % par année. Difficile de faire mieux.

Vos trucs pour économiser

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le scooter électrique peut être un moyen de transport économique.

La semaine dernière, je vous demandais vos trucs pour économiser dans le domaine du transport. Voici certaines réponses reçues.

Lucille écrit : « VUS hybride, scooter électrique, vélo et marche. Parfait pour notre ville de 7500 habitants. »

Christian écrit : « Même si j’ai les moyens de m’acheter un VUS, une Volvo ou une BMW, je privilégie une compacte économique en essence. J’économise, au bas mot, 4000 $ à 5000 $ par année. »

René écrit : « J’habite dans une ville mal desservie par les transports en commun, et j’ai abandonné la propriété d’une voiture il y a 25 ans. Je marche, j’ai recours aux transports en commun, au train et occasionnellement à la location de voiture si nécessaire. Le mot clé est planification. Lorsque je vais dans un endroit ou une direction, je pense avant de partir à tout ce que je dois ou peux faire en chemin. J’ai toujours un sac, de manière à pouvoir ramener quelque chose. Je n’en suis pas mort ! Mon CELI ne s’en porte que mieux. »

La question de la semaine

Quelles sont vos plus grandes leçons en matière d’investissement ?

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