Commencer à voir venir ses vieux jours, avec les coûts liés au CHSLD et ses legs à sa progéniture, peut être source de nombreuses questions et inquiétudes. Mais aller chercher les bonnes informations permet de voir clair et de prendre les bonnes décisions.

La situation

Célibataire et enfant unique, Marion* est propriétaire d’une maison et d’un chalet. Alors que sa mère est femme au foyer, son père est retraité du gouvernement provincial avec une pleine pension. Ils ont aussi plusieurs placements, notamment en régime enregistré d’épargne-retraite (REER) et en fonds enregistré de revenu de retraite (FERR). Alors qu’ils pensent à leurs vieux jours, ils commencent à vouloir se départir de leurs biens. Sa mère a vendu son chalet, et son père, ses parts de la terre familiale. Ses parents envisagent aussi de lui transférer leur maison complètement payée tout en continuant à y vivre et à l’entretenir le plus longtemps possible.

« Je pense que comme ils ont beaucoup d’actifs, ils ont peur de devoir payer cher lorsqu’ils seront en CHSLD et aussi qu’une grande partie de leurs avoirs parte en impôt à leur mort plutôt que de me revenir », indique Marion. Ils ne savent pas trop par quel bout commencer. « Je veux éviter d’attendre et de risquer d’avoir à prendre des décisions rapidement qui ne seraient pas dans notre intérêt, ajoute-t-elle. Mais tout cela est gros pour nous. Nous ne savons pas vers quel professionnel nous tourner. »

Les chiffres

Âge du père de Marion : 73 ans

Âge de la mère de Marion : 69 ans

Valeur estimée de la maison des parents de Marion : 400 000 $

La mauvaise idée du don de la maison

Alors que les parents de Marion ont accumulé leur patrimoine toute leur vie, c’est une très bonne idée de prendre le temps de réfléchir à comment ils le dépenseront pendant leurs vieux jours et comment ils le légueront, d’après Marie-Ève Mc Lean, planificatrice financière chez Proactif Services Financiers, à Saint-Jean-sur-Richelieu. « Ce sont des questions très importantes et le couple ne peut pas commencer simplement à tout liquider ses avoirs, parce que les deux sont encore jeunes et ils auront besoin d’argent pour vivre dans les prochaines années. »

Le premier élément à démystifier est l’idée de transférer la maison familiale à Marion. « D’un point de vue fiscal, ce n’est pas une bonne idée, affirme Marie-Ève Mc Lean. Une seule maison par année peut bénéficier de l’exonération fiscale pour résidence principale et il faut y habiter à l’occasion. Comme ce ne serait pas le cas pour Marion, elle serait imposée sur le gain en capital de la maison de ses parents lorsqu’elle déciderait de la vendre. »

Pis encore, les parents pourraient aussi avoir de l’impôt à payer en réalisant ce don.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Marie-Ève Mc Lean, planificatrice financière chez Proactif Services Financiers

Parce que pour le gouvernement, qu’on vende sa maison à un inconnu ou qu’on la donne à son enfant, il n’y a pas de différence : c’est la juste valeur marchande de la maison qui sera considérée.

Marie-Ève Mc Lean, planificatrice financière chez Proactif Services Financiers

Ainsi, il regarderait le gain en capital de la propriété, donc la différence entre le prix d’achat initial, ajusté aux coûts de certaines améliorations dans la résidence, par rapport à la juste valeur marchande de la maison. « Si la mère a déclaré son chalet comme résidence principale pendant des années, cela signifie que la maison sera considérée comme résidence secondaire pour ces années et le gain en capital de cette période sera imposé », précise-t-elle.

Si les parents gardent leur maison jusqu’à leur déménagement ou jusqu’à leur mort, ils bénéficieront de l’exonération fiscale pour résidence principale sur le gain en capital pour toutes ces années supplémentaires. « Ce n’est pas rien lorsqu’on regarde comment la valeur des propriétés a augmenté dans les dernières années, et en plus, ils sont jeunes, alors ils peuvent rester dans la maison encore 15 ans ou même 20 ans », précise Marie-Ève Mc Lean.

Elle souligne aussi que même si, par exemple, les parents vendent la maison à un étranger, investissent les profits dans des placements qu’ils légueront ensuite à Marion, l’impôt prendra son dû. « L’argent qu’ils investissent dans un CELI [compte d’épargne libre d’impôt], par exemple, est non imposable s’ils le lèguent à Marion, mais les revenus qui s’y accumuleront à partir de la date du décès du dernier parent le seront, explique la planificatrice financière. Puis, la somme reçue au moment de la vente de la maison dépasserait leurs droits de cotisation maximums au CELI, donc ils devraient investir le reste dans des comptes non enregistrés dont les revenus seraient imposables chaque année pour les parents. Il y aurait aussi de l’impôt à payer sur la plus-value de ces placements lors des retraits et au moment du legs à Marion », précise la planificatrice financière.

Le coût du CHSLD

Pour ce qui est du CHSLD, il faut savoir que le montant de la contribution à payer pour le logement et la nourriture, indexé chaque année, est de 2080 $ pour une chambre individuelle en 2023.

« C’est le même prix pour tout le monde et c’est une contribution, ce qui signifie que le coût réel est plus élevé et qu’il est assumé par le gouvernement, qui fournit aussi les soins », explique Marie-Ève Mc Lean.

Par contre, les gens qui ne sont pas en mesure de payer cette somme peuvent opter pour une chambre à deux, ou à trois ou plus. Pour les personnes défavorisées, il est également possible de demander une exonération ou une réévaluation de la contribution. Elle sera déterminée en tenant compte de la capacité de payer de la personne en regardant le total de ses avoirs liquides, de ses revenus mensuels et de ceux de son conjoint si elle est mariée ou unie civilement.

« Mais pour avoir droit à une exonération ou à une réévaluation, il faut vraiment avoir de faibles revenus, précise la planificatrice financière. Quelqu’un qui a un régime de retraite, comme le père de Marion, n’y aura pas droit. Il faut avoir aussi moins de 2500 $ en argent liquide. Et le gouvernement peut regarder deux ans en arrière pour vérifier la valeur du patrimoine. »

Réaliser un plan de retraite

Alors que les parents de Marion ont encore probablement plusieurs belles années devant eux, Marie-Ève Mc Lean leur conseille de se faire un plan de retraite, avec un plan de décaissement. « Ils doivent s’assurer d’avoir les liquidités nécessaires jusqu’à leur mort et s’ils veulent commencer à donner à leur fille de leur vivant, ils pourront le prévoir », précise-t-elle.

Elle donne l’exemple des REER et FERR. « C’est certain qu’ils doivent sortir de l’argent graduellement, parce que s’ils sortent tout d’un coup, leur taux d’imposition sera élevé en raison de leurs autres revenus. Mais en faisant un bon plan de décaissement, ils pourraient par exemple sortir un peu plus que ce dont ils ont besoin chaque année et verser ces sommes à leur fille. »

Et ils auront l’esprit tranquille. « Qui sait, peut-être qu’ils n’iront même pas en CHSLD parce qu’ils pourront rester dans leur maison, affirme la planificatrice financière. On ne peut pas tout prévoir. Mais, chose certaine, ils doivent s’assurer de bien gérer leur patrimoine pour protéger leur qualité de vie. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, le prénom utilisé est fictif.

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