Après avoir vécu la retraite rêvée à se la couler douce sur une plage des Caraïbes, Étienne* réalise qu’il s’ennuie et rentre à Montréal pour redémarrer sa vie.

La situation

À 52 ans, en décembre 2020, Étienne a décidé de vendre son condo à Montréal pour aller prendre sa retraite au Mexique. Dans un condo près d’une plage, acheté à 200 000 $, Étienne profitait d’un coût de la vie plus bas qu’au Québec en compagnie de son mari mexicain Alejandro*. Cette retraite convoitée par tant de Québécois lui coûtait 2000 $ par mois tout inclus.

Il avait alors 650 000 $ d’actifs en régime enregistré d’épargne-retraite (REER), compte d’épargne libre d’impôt (CELI), compte de retraite immobilisé (CRI) et certificats de placement garanti (CPG) non enregistrés.

« J’ai vécu la dolce vita durant presque un an sur les plages des Caraïbes pour finalement décider que la retraite était trop tôt », écrit-il.

En décembre 2021, Étienne jette à la mer son plan de retraite. Il vend son condo au Mexique et rentre vivre à Montréal en logement avec Alejandro, qui devient à sa charge et en voie d’obtenir sa résidence permanente.

« Une autre raison de revenir au Canada était de lui donner sa résidence et la possibilité d’avoir une meilleure vie tout en ayant du temps ensemble, précise-t-il. Au Mexique, les gens travaillent 50 heures par semaine pour l’équivalent canadien de 2 $ l’heure et n’ont pas de temps pour la famille. »

Alejandro veut éventuellement trouver un poste de vendeur à 30 000 $ par année et n’a aucun actif pour l’instant. Ceux d’Étienne ont fondu de 100 000 $ à cause de la baisse des marchés boursiers.

Les chiffres

Étienne, 54 ans

REER : 350 000 $
CPG : 250 000 $
CELI : 75 000 $
CRI : 75 000 $
RRQ estimée à 60 ans : 837 $ par mois
Loyer : 1600 $/mois
Coût de vie : 2500 $/mois
Droits de REER non utilisés : 108 000 $
Droits de CELI non utilisés : 6500 $

Dès son retour, Étienne travaille à son compte comme consultant avec un revenu de 150 000 $ par année, puis se laisse tenter par un poste d’employé à 120 000 $ afin de bénéficier des assurances collectives.

« Est-ce que j’ai bien fait de faire ce changement pour les assurances, mais avec un revenu inférieur ? se demande-t-il. L’option de reprendre le travail à mon compte est toujours envisageable, car j’ai gardé mon incorporation. »

Étienne explique qu’il a fait ce choix, car son conjoint et lui ont des enjeux de santé. « Je fais de l’anxiété, ce qui coûte en médicaments 160 $ par mois, tandis que mon conjoint, V. I. H. stable, prend des antirétroviraux à 1300 $ par mois. »

Pour ce qui est de sa deuxième retraite, Étienne n’envisage pas de la prendre en même temps qu’Alejandro, puisqu’il est actuellement âgé de 29 ans. « Maintenant que j’ai fait une croix sur le Mexique et qu’on a repris notre vie au Canada, mes plans pour l’avenir sont encore à définir, mais ils ne seront pas plus ambitieux que de vivre comme je vis présentement : avoir certaines activités personnelles, du temps avec mon conjoint et faire quelques voyages. »

Comme Alejandro n’est pas à l’aise dans une grande ville, le couple souhaiterait déménager à la campagne et adopter un chien. « Devrais-je acheter une propriété ou garder mes investissements pour la retraite et rester en logement ? », cherche-t-il à savoir afin de planifier ce nouveau départ.

L’analyse

Pierre-Raphaël Comeau, conseiller expert en gestion de patrimoine pour la gestion privée de la Banque Laurentienne, a voulu vérifier si, d’un point de vue mathématique, Étienne avait fait le bon choix en optant pour le poste d’employé avec des assurances collectives.

« Le régime du gouvernement couvre leurs types de médicaments à 65 % au lieu de 80 % dans son régime collectif, précise-t-il. La différence est de 225 $ par mois, mais, à son compte, il gagne un revenu net supplémentaire de 1313 $ par mois. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Pierre-Raphaël Comeau, conseiller expert en gestion de patrimoine pour la gestion privée de la Banque Laurentienne

D’un point de vue purement mathématique, il est donc plus payant pour Étienne de travailler à son compte. D’autant plus que le fonds de retraite offert par son employeur n’est plus une incitation pour lui, car il pourrait retourner à la retraite.

« Mais la vraie question n’est pas là », assure Pierre-Raphaëlle Comeau.

Être travailleur autonome, ce n’est pas le même rythme de vie qu’être salarié. Souvent, ce n’est pas le même stress non plus. C’est plus une question de choix de style de vie que de finance pure.

Pierre-Raphaël Comeau, conseiller expert en gestion de patrimoine pour la gestion privée de la Banque Laurentienne

Choisir de passer plus de temps avec son nouveau conjoint qui s’acclimate à un nouveau pays, un nouveau climat, un nouvel environnement et une nouvelle langue pourrait peser plus lourd que les 1000 $ de plus par mois.

Locataire ou propriétaire

Étienne a confié qu’il pourrait acheter une propriété à 500 000 $ grâce à une mise de fonds de 200 000 $. Avec les taux du marché actuel, une mensualité sur une hypothèque de 300 000 $ amortie sur 25 ans est à moins de 10 % d’écart de son coût de loyer actuel, soit 1627 $, estime Pierre-Raphaël Comeau. « Oui, il y a d’autres dépenses associées à l’entretien d’une maison, mais ils ont suffisamment de liquidités pour y faire face », assure le planificateur.

Encore une fois, il s’agit d’une question de choix de style de vie.

« Est-ce que les investissements feront un meilleur rendement que l’immobilier dans les 20 prochaines années ? Bien malin qui saurait le prédire », expose le spécialiste.

Le plan de retraite

Si Étienne achète une propriété en juillet 2023 à 500 000 $, qu’il poursuit ses mêmes habitudes d’épargne (REER, CELI et fonds de retraite d’employé) et qu’Alejandro a des revenus annuels de 30 000 $, Étienne quitterait alors le marché du travail à 65 ans en soutenant sans problème un coût de vie de 2000 $.

À sa mort à 95 ans, il laisserait même à Alejandro une somme de 890 000 $ ainsi que ladite propriété.

Comme la planification financière, c’est aussi voir l’humain au-delà des chiffres, précise Pierre-Raphaël Comeau, il tient à rappeler à Étienne qu’il peut déjà financièrement réaliser ses projets, mais doit réfléchir à l’essentiel…

« L’important maintenant, c’est de trouver son bonheur. Prendre sa retraite jeune sous les palmiers dans les Caraïbes, c’est beau et romantique dans les films, mais le bonheur n’est pas « taille unique », illustre le planificateur. Parfois, on se rend compte que le vrai bonheur est fait des petites choses. Étienne est chanceux de l’avoir réalisé assez rapidement et de pouvoir réorganiser sa vie pour en profiter pleinement », croit-il.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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