Dans l’infolettre L’argent et le bonheur, envoyée par courriel le mardi, notre journaliste Nicolas Bérubé offre des réflexions sur l’enrichissement, la psychologie des investisseurs, la prise de décisions financières. Ses textes sont repris ici les dimanches.

Ma collègue Marie-Eve Fournier a publié la semaine dernière une chronique qui a fait du bruit sur le fait que Desjardins a baissé le taux d’intérêt offert aux tout-petits.

Au moment où les taux d’intérêt explosent partout dans le monde, le taux offert par Desjardins aux enfants économes est passé de 1,1 % à 0,1 % par année sur les comptes d’épargne. Et ça, c’est pour les comptes de 500 $ et plus. Le taux est encore plus ridicule pour les comptes de 499 $ et moins.

Consultez la chronique « Desjardins réduit l’intérêt des tout-petits »

Je l’admets : j’ignorais que Desjardins offrait encore ce programme aux écoliers. Je me disais que les bas taux d’intérêt et les transactions électroniques avaient sûrement eu raison de ce programme scolaire que j’utilisais à l’époque où Montréal avait une équipe de baseball et que le Kraft Dinner était bon pour la santé.

Mais non, aux dernières nouvelles environ 90 000 élèves participent à cette tradition qui dure depuis plus d’un siècle, avec ses petites enveloppes dans lesquelles on dépose des sous et des billets de banque pliés.

Pour moi, le problème ne vient pas du fait que Desjardins a abaissé les taux offerts aux enfants — même si ce n’est pas idéal. Il vient du fait qu’on acceptait de recevoir 1,1 % sur son épargne en premier lieu.

Bien sûr, je ne critique pas les parents des 90 000 enfants. Ils ont le bon réflexe : vouloir faire apprendre l’épargne à leurs enfants, et leur inculquer des habitudes qui pourront, avec un peu de chance, les suivre toute leur vie.

Mais réussit-on à avoir leur attention avec 1 % de croissance sur leur épargne ?

C’est pour cette raison que je n’ai pas ouvert de compte d’épargne à mon fils. Je refuse l’idée selon laquelle l’argent qu’on met de côté doit nous rapporter moins que l’inflation.

Un enfant qui investirait 5 $ par semaine à 1,1 % aurait 2762 $ au bout de 10 ans. De cette somme, 162 $ sont des intérêts — soit le « salaire » de l’investisseur.

Un enfant qui investirait 5 $ par semaine dans un portefeuille composé à 60 % de fonds négociés en Bourse (FNB) indiciels diversifiés et à 40 % d’obligations (portefeuille qui a rapporté 8,59 % par année en moyenne depuis 50 ans) aurait 4206 $ au bout de 10 ans. De cette somme, 1606 $ sont de la croissance.

Un point de départ pas mal plus accrocheur pour inciter son enfant à ne pas dépenser tout son argent dans des cartes Pokémon ou une paire d’Air Jordan.

Dans mes discussions avec mon garçon, je lui dis qu’une entreprise est divisée en parts de gâteau, et que nous, les investisseurs, achetons ces parts de gâteau.

Avec le temps, le gâteau grossit, et donc nos parts grossissent aussi. Plus nous sommes patients, plus nous pouvons voir nos parts grossir.

Les parts ne grossissent pas toujours. Cette année, elles rapetissent. Mais ça fait aussi partie des apprentissages. Ces 8,59 % ne tombent pas du ciel. On doit les mériter en étant patient.

Comment faire pour que son enfant devienne investisseur ?

Il n’est pas permis au Canada de posséder un compte d’investissement avant l’âge de 18 ans.

Une des façons de se conformer à la loi est donc pour les parents d’ouvrir un compte de courtage à escompte, d’y investir l’argent de leur enfant, et de lui transférer les placements à ses 18 ans (idéalement pour qu’il ou elle les mette dans un CELI, et donc que les sommes puissent croître à l’abri de l’impôt à partir de ce moment).

Le parent paiera sans doute un peu d’impôt lorsqu’il transférera les placements à son enfant adulte, mais à moins d’y avoir investi d’immenses sommes, l’impôt devrait être minimal.

Aussi, il faut faire attention : plusieurs institutions financières exigent un solde minimum dans les comptes de courtage à escompte, en deçà duquel elles prélèvent des frais qui tournent autour de 100 $ par année.

C’est pourquoi je préfère des services comme Wealthsimple Invest, que l’on peut commencer à utiliser avec un seul dollar à investir. Et il y a même la possibilité de choisir un portefeuille d’entreprises socialement responsables.

Comme l’a écrit Benjamin Franklin : « L’argent fait de l’argent. Et l’argent que fait l’argent fait de l’argent. »

Desjardins l’a compris. Assurons-nous que nos enfants le comprennent aussi.

Réaction d’une lectrice

Je vous demandais récemment si vous faisiez des investissements spéculatifs. La question a interpellé Michel-Claude Demers, de Québec, qui écrit :

« NON, je n’investis plus de manière spéculative. Je me suis brûlé les ailes il y a plusieurs années en mettant 5000 $ dans le démarrage d’une entreprise à l’invitation d’un ami. Étant encore plus convaincu (ou plus fou ?), il avait même mis sa maison en garantie pour un prêt destiné à l’entreprise en question. Il a perdu sa maison et moi mes 5000 $. Leçon durement apprise que j’ai transmise à mes trois enfants qui eux non plus n’investissent pas de manière spéculative. »

L’humain a la faculté d’apprendre de l’expérience des autres. Ne la laissons pas passer.

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