Influenceurs de la finance et jeunes millionnaires ne jurent que par les fonds négociés en Bourse (FNB), véritable mine d’or 4.0 selon eux. Si les FNB sont si extraordinaires, pourquoi vend-on encore des fonds communs ? Voici l’avis de cinq spécialistes.

C’est quoi, un FNB ?

Un fonds négocié en Bourse (FNB) est un fonds d’investissement dont les titres sont négociés comme des actions en Bourse, indique l’AMF. Les FNB classiques ont pour but de répliquer un indice boursier, par exemple le TSX 60 ou le S&P 500. Les FNB peuvent aussi suivre un secteur en particulier (pharmaceutique, technologie) et des marchandises (or et pétrole). Comme l’objectif n’est pas de battre l’indice, la gestion est dite passive, ce qui entraîne des frais de gestion moins élevés.

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Comparer des pommes avec des oranges

Le premier argument avancé par ceux qui prônent le recours aux FNB, ce sont leurs coûts incroyablement plus bas comparés à ceux des fonds communs de placement. Or s’il est vrai qu’investir dans un FNB coûte moins cher, il faut savoir d’où vient le mégarabais, préviennent tous les experts de la finance que La Presse a consultés.

La majorité des FNB recopient un indice boursier et ne sont pas gérés de façon active par un spécialiste. Un grand nombre de FNB au Canada suivent l’indice. La plupart du temps, l’épargnant est seul en ligne devant son ordinateur pour acheter ses FNB.

La majorité des fonds communs de placement sont gérés de façon active par un spécialiste. La plupart du temps, l’épargnant achète ses fonds communs avec l’aide d’un employé d’une institution bancaire ou d’une firme privée.

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Sébastien Vallée, directeur principal, développement et gestion des solutions de placement, au Mouvement Desjardins

« On fait la comparaison entre un FNB acheté de façon autonome et un fonds commun de placement acheté avec du conseil, puis on dit qu’il y a une méchante différence entre les deux. Mais on compare des pommes avec des oranges. Si un courtier en valeurs mobilières propose des FNB à ses clients, il va facturer aussi des frais pour ses services, des frais associés au conseil », soutient Sébastien Vallée, directeur principal, développement et gestion des solutions de placement, au Mouvement Desjardins.

Faire de la moto n’est pas pour tout le monde

Annamaria Testani, vice-présidente, ventes nationales, à la Banque Nationale Investissements, qui vend à la fois des FNB et des fonds communs, aime bien utiliser l’exemple de la motocyclette pour vulgariser les deux produits.

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Annamaria Testani, vice-présidente, ventes nationales, à la Banque Nationale Investissements

« Si tu prends une motocyclette, tu vas te rendre plus vite au bureau, parce que tu auras plus d’agilité et plus de liberté. La moto coûte aussi moins cher à l’achat qu’une auto et moins cher d’essence », illustre-t-elle.

« Mais la moto n’est pas faite pour tout le monde, poursuit-elle. Il y a plus de risques, plus de gestion à faire, on doit être un sacré bon conducteur pour la manier à travers le trafic de la ville. Les FNB, c’est la même chose. »

Elle suggère donc à ses clients de se questionner. Avez-vous les compétences pour conduire vous-même vos placements ?

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Alain Desbiens, directeur des FNB chez BMO Gestion mondiale d’actifs

Pour piloter en solo, il est préférable de maîtriser des concepts de base, croit Alain Desbiens, directeur des FNB chez BMO Gestion mondiale d’actifs, qui a contribué à faire connaître les FNB au Canada.

« Si on n’est pas capable de répondre à des questions comme son horizon de temps, sa tolérance au risque, la relation entre les risques et le rendement, savoir qu’il ne faut pas se fier aux 12 derniers mois, alors on devrait vraiment demander du conseil », affirme-t-il en soulignant qu’à peine de 10 % à 12 % des gens investissent par eux-mêmes.

« Ce n’est pas parce qu’on a un doctorat en biochimie qu’on est à l’aise avec l’investissement. »

L’antinausée des épargnants

L’an dernier au Canada, 60 % des gestionnaires n’ont pas réussi à battre l’indice boursier. Sur 10 ans, c’est encore pire, 83 % des gestionnaires ont fait moins que l’indice.

Ces statistiques catastrophiques devraient pousser tous les Canadiens à ouvrir un compte de courtage en ligne et à acheter un FNB qui leur assure l’indice boursier. Sauf que la Bourse embarque les épargnants dans des montagnes russes et beaucoup n’ont pas le cœur assez solide pour résister à l’envie de sortir du véhicule dès la première descente.

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Martin Pépin, gestionnaire de portefeuille chez Gestion de patrimoine TD

L’objectif d’un fonds commun de placement est d’avoir un rendement plus stable avec une volatilité moindre que celle d’un indice bousier.

Martin Pépin, gestionnaire de portefeuille chez Gestion de patrimoine TD

M. Pépin rappelle qu’en février 2020, des fonds communs ont baissé, mais moins que les indices boursiers. « C’est ça que les clients aiment, parce qu’on est émotifs et voir les portefeuilles baisser nous fait mal. »

La plupart de ses clients qui font 8 % ne cherchent pas les 2 % ou 3 % supplémentaires qu’ils pourraient faire avec un FNB qui suit l’indice, explique-t-il. « C’est sûr que les clients veulent faire du rendement, mais pas le même que l’indice boursier, parce que l’indice peut monter très haut, mais aussi descendre très bas de - 20 % ou - 30 %.

« Ça ne dérange pas le client de laisser de l’argent sur la table quand le marché est à la hausse et de protéger son capital quand le marché est à la baisse », assure-t-il.

Les plans de vie changent

Si vous investissez maintenant dans un FNB et que vous regardez le résultat seulement dans 10 ans, vous aurez plus de rendement que si vous aviez mis l’argent dans un fonds commun de placement. Par contre, vos plans changeront peut-être entre-temps.

« Parfois, les gens décident d’acheter une maison et ce n’était pas dans les plans. Parfois, un client est tombé malade et il a besoin d’argent pour adapter sa maison et avoir des soins, donne en exemple Martin Pépin. Vous avez 59 ans, vous voulez prendre votre retraite dans trois ans, vous aviez un portefeuille de 1 million et vous êtes descendu d’un coup à 700 000 $. C’est très embêtant. »

Quand on préfère aller chez le dentiste

On peut rénover sa maison soi-même ou installer son lave-vaisselle soi-même, mais l’envie peut faire défaut. Si, pour certains, aller chez le dentiste est moins douloureux que de gérer ses finances personnelles, imaginez ouvrir un compte de courtage en ligne…

En 2021, la somme de l’épargne des Canadiens est de 5500 milliards d’actifs (comptes taxables et comptes enregistrés), dont 2000 milliards placés dans des fonds communs et 325 milliards dans des FNB, soulève Alain Desbiens, chez BMO Gestion mondiale d’actifs. Bien que les FNB aient progressé (en 2010, ils représentaient 40 milliards des actifs), les fonds communs restent plus pratiques pour bon nombre de Canadiens.

« Pour les gens qui n’ont pas beaucoup d’actifs, les fonds communs sont intéressants, parce que c’est facile de mettre 50 $ ou 100 $ par mois, de faire un prélèvement automatique. C’est plus compliqué en matière de structure de faire ça avec un portefeuille de FNB », explique Alain Desbiens.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Sylvain B. Tremblay, d’Optimum Gestion de placements

« Pour l’investisseur avisé, qui n’en est pas à ses premières armes, les FNB sont une panacée, poursuit Sylvain B. Tremblay, d’Optimum Gestion de placements. Mais les gens qu’on sert ne veulent pas s’occuper de la gestion de leurs affaires même s’ils ont accumulé beaucoup d’argent. Et, souvent, rendus à la retraite, ils n’ont pas envie de passer la journée devant un écran à suivre des actions. »

La meilleure recette

Les détenteurs de fonds communs sont-ils des ringards de la finance personnelle qui ratent la ruée vers la richesse ?

« Dans les deux cas, ce sont des solutions qui répondent à des besoins différents, alors l’un n’est pas supérieur à l’autre. Et maintenant, on voit des portefeuilles où les deux sont présents », affirme Sébastien Vallée, directeur principal, développement et gestion des solutions de placement, au Mouvement Desjardins.

« Je pense que c’est une mode qui est là pour de bon. C’est un changement en profondeur, parce que les frais de gestion étaient trop élevés. Pourquoi la cybermonnaie est-elle arrivée ? Parce que les institutions ont tendance à charrier. Or il y a toujours des gens qui vont avoir besoin de conseils », soutient Sylvain B. Tremblay, chez Optimum Gestion de placements.

« Il y a beaucoup de marketing qui a été fait au cours des dernières années sur les frais de gestion. Les FNB représentent une solution. C’est bien, mais pas à 100 %. Dans ma gestion de patrimoine, j’utilise des FNB indiciels, mais aussi des fonds communs de placement qui vont m’aider à diminuer ma volatilité », indique Martin Pépin, gestionnaire de portefeuille chez Gestion de patrimoine TD.

« Je crois que c’est de bonne guerre de demander à son planificateur ou conseiller : est-ce que je bénéficie, moi, de cette approche indicielle avec des FNB indiciels classiques ou des FNB indiciels avec les critères ESG [environnement, société et gouvernance] ? Si je suis en fonds communs, est-ce qu’il y a une possibilité d’augmenter la partie d’indicialisation par des fonds communs indiciels en succursale ? », suggère Alain Desbiens, directeur des FNB chez BMO Gestion mondiale d’actifs.

« La recette pour faire de l’argent, ce n’est pas un FNB ni un fonds commun. La recette, c’est de commencer dès l’âge de 16 ans et investir une petite somme chaque semaine », croit Annamaria Testani, vice-présidente, ventes nationales, à la Banque Nationale Investissements.