Déjà très dégradée par la surchauffe des prix en immobilier, l’accessibilité financière à la propriété résidentielle au Canada continue de se détériorer à un rythme record en un quart de siècle.

« Le niveau d’accessibilité financière s’est dégradé de 3,2 points au deuxième trimestre de 2021, marquant la plus forte détérioration depuis le deuxième trimestre de 1994, il y a 27 ans », signalent les économistes Kyle Dahms et Alexandra Ducharme, de la Banque Nationale du Canada, dans leur rapport Suivi de l’abordabilité du logement publié mardi.

« Les paiements hypothécaires engloutissent maintenant 45 % du revenu d’un ménage représentatif au Canada, ce qui est supérieur à la moyenne de 43 % mesurée depuis 1980. »

Comment s’explique cette dégradation accélérée de l’accès à la propriété résidentielle au Canada ?

« Depuis deux ans, la croissance des revenus et la baisse des taux d’intérêt avaient été propices à l’amélioration de l’accessibilité immobilière », indiquent les économistes de la Banque Nationale.

« Mais ce n’est plus le cas en 2021, car la croissance des revenus est facilement dépassée par la hausse des prix des maisons, tandis que les taux d’intérêt hypothécaires ont également augmenté sur une base trimestrielle [de comparaison]. »

Par ailleurs, malgré de récents indices d’un certain ralentissement dans le marché de l’immobilier résidentiel, les économistes de la Banque Nationale ne s’attendent pas à une amélioration prochaine de l’accès pour les ménages et les particuliers au Canada.

« Les derniers rapports sur l’activité du marché de l’habitation laissent entrevoir que nous serions peut-être à un tournant. Les ventes de maisons ont ralenti, les prix semblent décélérer dans certains marchés, et les taux d’intérêt hypothécaires ont légèrement baissé ces dernières semaines », constatent les économistes Dahms et Ducharme.

En contrepartie, les indicateurs du marché de la revente de propriétés résidentielles, tels que le ratio entre le nombre d’inscriptions actives et le nombre de ventes réalisées, indiquent toujours un marché favorable à l’appréciation des prix des maisons.

Kyle Dahms et Alexandra Ducharme, économistes de la Banque Nationale

« Par conséquent, nous ne prévoyons pas d’amélioration de l’abordabilité au cours du second semestre de 2021 », disent les économistes de la Banque Nationale.

Montréal

Dans la région de Montréal, l’indice d’accessibilité financière à la propriété résidentielle calculé par les économistes de la Banque Nationale cote maintenant à son niveau le plus élevé depuis 2012.

À 32,1 %, cette mesure du paiement hypothécaire mensuel en pourcentage du revenu mensuel des ménages (PHPR) est aussi rendue plus élevée que la moyenne depuis 21 ans, au début de l’an 2000.

Ce niveau de PHPR s’élève à 35 % pour les acheteurs d’une propriété résidentielle unifamiliale, en hausse de 2,5 points depuis le début de l’année. Il cote à hauteur de 25,3 % parmi les acheteurs d’un logement en copropriété, en hausse de 1,5 point depuis le début de l’année.

Une augmentation de 1 % du revenu médian des ménages montréalais n’a pas suffi pour compenser la hausse des prix [en immobilier résidentiel] et des taux d’intérêt.

Kyle Dahms et Alexandra Ducharme, économistes de la Banque Nationale

« Sur une base annuelle, Montréal a vu l’accessibilité financière [à la propriété résidentielle] se détériorer davantage que l’indice composé des principaux centres urbains au Canada, bien que la ville soit restée plus abordable que la moyenne », mentionnent les deux économistes.

Selon les données recensées par les économistes de la Banque Nationale, les ménages de la région de Montréal ont besoin d’un revenu annuel d’au moins 100 489 $ pour être capables de financer adéquatement l’achat d’une propriété résidentielle unifamiliale au « prix représentatif » de 492 777 $, comme mesuré récemment dans le marché immobilier montréalais. Et en hausse forte de 21 % sur un an !

« C’est la plus forte croissance annuelle des prix à Montréal depuis 1983 », soulignent-ils dans leur rapport d’analyse.

Quant aux ménages et aux particuliers qui prévoient l’achat d’un logement en copropriété, les calculs des économistes de la Banque Nationale font état d’un revenu annuel d’au moins 72 688 $ requis pour le financement adéquat d’un achat au « prix représentatif » de 356 443 $. Ce prix est en hausse de 13,5 % sur un an.

Québec

Dans la région de Québec, l’accès financier à la propriété résidentielle comme mesuré par le PHPR est aussi en hausse depuis l’an dernier, « mais de façon plus modérée », notent les économistes Kyle Dahms et Alexandra Ducharme.

Rendue à hauteur de 22 %, la mesure du PHPR a regagné 1,2 point depuis le début de l’année. Il se situe à seulement six dixièmes de point de sa moyenne à long terme.

L’accessibilité financière à la propriété résidentielle a continué de se détériorer au cours du deuxième trimestre à Québec. En fait, cette augmentation du PHPR est la plus rapide depuis le troisième trimestre de 2013.

Kyle Dahms et Alexandra Ducharme, économistes de la Banque Nationale

« Cette hausse du PHPR s’explique par une hausse des prix des maisons plus rapide que celle du revenu des ménages, ainsi que par la récente hausse des taux d’intérêt, soulignent les économistes. Toutefois, cette détérioration [de l’accès financier à la propriété] dans la région de Québec demeure modeste en comparaison des principaux centres urbains au Canada. »

Selon les données recensées par les économistes Kyle Dahms et Alexandra Ducharme, les ménages de la région de Québec ont besoin d’un revenu annuel d’au moins 67 447 $ pour être capables de financer adéquatement l’achat d’une propriété unifamiliale au coût moyen de 330 742 $, en hausse de 12,8 % sur un an.

Pour les acheteurs d’un logement en copropriété, les calculs des économistes de la Banque Nationale font état d’un revenu annuel d’au moins 46 533 $ pour financer un achat au « prix représentatif » de 228 189 $, en hausse de 7,1 % sur un an.

Consultez le rapport de la Banque Nationale