Le pont de l’autoroute 25 fêtera son 10anniversaire ce mois-ci. Après une décennie marquée par une montagne de plaintes d’automobilistes et des demandes d’actions collectives, la grogne continue. De quoi assombrir l’évènement.

Réalisé en partenariat public-privé (PPP), ce pont à péage constituait un « test » pour les PPP au Québec, avait déclaré le premier ministre de l’époque, Jean Charest, le jour de l’inauguration.

On pourrait aussi dire que c’est un test pour la zénitude des nombreux automobilistes qui l’empruntent.

Car même si le pont reliant Montréal et Laval a 10 ans, il continue d’accueillir de nouveaux usagers assidus. Pensez aux personnes qui déménagent ou changent d’emploi, par exemple. D’autres y passent occasionnellement, lors des vacances ou pour aller rencontrer un être cher.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Le pont de l’autoroute 25

Donc, ce n’est vraiment pas tout le monde qui possède un compte client et qui comprend bien comment fonctionne la facturation. Chez Option consommateurs, on me confirme que les usagers du pont se plaignent encore des coûts.

L’homme d’affaires Michel Handfield, que son travail amène à traverser le pont régulièrement, a été estomaqué en découvrant à combien s’élèvent les frais de recouvrement si on ne répond pas assez vite à son courrier.

« Ces montants de 40,24 $ ne m’empêcheront pas de manger ce soir… mais ils vont assurément nuire à mon sommeil tellement mon indignation est grande ! », m’a-t-il écrit.

Rappelons les tarifs et le fonctionnement : un passage coûte 2,78 $ ou 3,46 $ selon l’heure de la journée, si notre voiture est équipée d’un transpondeur. Sans cet objet, le tarif s’établit à 6,25 $ ou à 6,93 $, à condition d’être détenteur d’un compte client. Dans ces deux cas, la somme est débitée de son compte prépayé.

Les automobilistes qui ne sont pas enregistrés auprès du gestionnaire du pont (Concession A-25) paient plus cher, soit 8,56 $ ou 9,24 $. Après quelques jours, ils reçoivent la facture par la poste.

Après avoir vendu sa voiture munie d’un transpondeur, Michel Handfield a emprunté quelque temps un véhicule qui n’en était pas équipé. C’est à ce moment-là qu’il a reçu des factures pour ses passages. Il a alors tardé à régler son solde pour toutes sortes de raisons et s’est retrouvé à devoir payer les frais de recouvrement de 35 $ plus taxes, soit 40,24 $.

Les frais de recouvrement (imposés après 30 jours) représentent 1447 % du tarif le plus bas pour traverser le pont, qui est de 2,78 $, a calculé M. Handfield. Même s’il convient que de tels frais doivent être dissuasifs, ceux-ci sont « disproportionnés », juge-t-il.

C’est aussi l’opinion du cabinet Grenier Verbauwhede Avocats, qui a demandé l’autorisation d’exercer une action collective au sujet de ces frais. La Cour supérieure le lui a refusé, mais la décision a été portée en appel. L’audience s’est tenue et une décision est attendue prochainement, précise l’avocat qui pilote le dossier, Cory Verbauwhede.

Celui-ci argue que les frais actuels contreviennent à la fois à la Loi sur la protection du consommateur et au Code civil.

À titre d’exemple, Hydro-Québec, Bell ou Vidéotron exigent des intérêts de l’ordre de 1 à 3 % par mois.

Deux autres actions collectives ont été autorisées au sujet des frais de réapprovisionnement des comptes prépayés (1,16 $ ou 2,88 $ par mois). L’avocat au dossier, Benoît Gamache de BG Avocats, plaide que ces « frais disproportionnés ne sont rattachés à aucun service et ne sont pas autorisés [par le ministère des Transports] ».

Si les astres s’alignent, l’audition commune (le procès) devrait se tenir en 2022. Jusqu’ici, estime MGamache, les automobilistes ont payé des frais de réapprovisionnement totalisant 26 millions de dollars.

Une autre demande d’action collective au sujet de l’affichage du prix du passage a été abandonnée, m’a confirmé le cabinet Simkin Légal.

Une entente à l’amiable de 4,85 millions a par ailleurs été conclue en 2016 dans le cadre de l’action collective déposée par l’Union des consommateurs. Celle-ci concernait les frais administratifs qui n’étaient pas mentionnés sur les panneaux de signalisation mais qui étaient imposés aux automobilistes ne possédant pas de transpondeur.

Dans une déclaration écrite, Concession A25 affirme avoir « mis en place plusieurs mesures pour accommoder l’ensemble de sa clientèle concernant les paiements ». Et on m’a informée que « pour les usagers occasionnels, différentes options sont présentement en évaluation, dont une éventuelle application mobile, afin de mieux les desservir et de leur offrir d’autres alternatives ». Fort bien.

Quant à la grille tarifaire qui entrera en vigueur le 1er juin prochain, elle nous apprend que le passage, les frais d’administration et de réapprovisionnement grimperont de quelques sous. Les frais de recouvrement, eux, demeureront à 35 $.

Alors, le 21 mai, on célèbre les 10 ans du premier PPP du Québec ?