Ils aiment les gadgets technos, les sorties, les voyages, mais sont étranglés par les dettes et leurs projets, comme l'achat d'une maison, sont freinés par la précarité d'emploi. La génération Y est-elle condamnée à vivre dans le rouge ?

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La voiture comme symbole de liberté et de réussite, c'est fini. Les milléniaux achètent 29 % moins d'autos que les générations précédentes au même âge, et certains se passent même de permis de conduire.

Proportion des 14-34 ans sans permis

2000 : 21 %

2010 : 26 %

Source : U.S. Federal Highway Administration

Proportion des voitures achetées par les 21-34 ans

1985 : 38 %

2010 : 27 %

Source : R.L. Polk & Co

Ils veulent se servir d'une auto selon leurs besoins, pas nécessairement en posséder. « Dans 25 ans, l'autopartage sera la norme, et les propriétaires de voiture seront minoritaires », prédit Jeremy Rifkin, auteur et économiste américain.

GÉNÉRATION PRÉCARITÉ

Un emploi permanent ? Ça fait tellement années 80 ! Les milléniaux, qui ont la réputation d'être collés à leurs appareils mobiles, sont aussi mobiles dans leur vie professionnelle. Un nomadisme qui plombe leurs revenus. C'est pourquoi, notamment, ils délaissent les voitures. Bienvenue dans l'univers financier de la génération Y.

JAMAIS SANS MON CELL

Accros à leurs appareils mobiles, 55 % des milléniaux font des recherches en ligne avant un achat, comparativement à 44 % du reste de la population. De plus, 22 % sont influencés par les avis des autres internautes.

Les investisseurs de la génération Y sont 1,5 fois plus nombreux à s'informer sur les produits et à suivre leurs placements sur leurs appareils mobiles.

Source : Google Consumer Survey, 2013

PAS DE BAS DE LAINE

Les caisses de retraite publiques seront-elles à sec quand les milléniaux seront vieux ? Les emplois assortis d'un régime de retraite sont de plus en plus rares, moins accessibles aux jeunes. Et les régimes existants sont moins généreux.

Emplois donnant accès à un régime de retraite

1977 : 46 %

2011 : 39 %

Les jeunes travailleurs sont 30 % moins nombreux que leurs aînés à avoir accès à un régime de retraite de leur employeur.

Source : Statistique Canada

Selon la firme d'actuaires Aon, 75 % des employeurs ont fermé leur régime aux nouveaux employés, et 45 % ont converti leur régime à prestations déterminées en régime à cotisations déterminées.

À QUAND UN EMPLOI STABLE ?

Dur, le marché du travail, pour la génération Y ? Pas plus que pour la génération précédente au même âge. Mais leurs emplois sont souvent précaires et à temps partiel.

Chances de trouver un emploi pour les 25-34 ans :

1984-1988 : 90 %

2014 : 93 %

Durée du chômage :

1984-1988 : 22 semaines

2014 : 18 semaines

Source : BMO Marchés des capitaux, 2014

32 % des 25-29 ans ont un emploi atypique (ni permanent ni temps plein).

Pour la moitié d'entre eux, il s'agit d'un emploi temporaire.

Source : Institut de la statistique du Québec, 2014

LES POCHES VIDES

Les Y seront-ils plus pauvres que leurs parents ? Les travailleurs plus âgés ont toujours eu un revenu supérieur à celui des plus jeunes, mais l'écart s'agrandit.

Écart de salaire en faveur des 50-54 ans, comparativement aux 25-29 ans

1984-1989 : + 47 %

2006-2010 : + 64 %

« Les jeunes travailleurs sont les grands perdants de la montée des inégalités entre les générations depuis 30 ans. »

Source : Conference Board du Canada, 2014

UN TOIT À SOI

L'achat d'une maison est un rêve inaccessible pour bien des Y. Malgré les faibles taux d'intérêt, les propriétés coûtent aujourd'hui deux fois plus cher aux jeunes familles qu'il y a 32 ans, si l'on tient compte du revenu disponible.

Coût des maisons :

1984 : 4,5 fois le revenu médian

2011 : 10 fois le revenu médian

Hausse du taux de propriété entre 1984 et 2012 :

Chez les 25-34 ans : + 1 %

Pour l'ensemble de la population : + 7 %

Source : BMO Marchés des capitaux

ON EST RESPONSABLES

Pas moins de 51 % des milléniaux se considèrent comme des consommateurs responsables, recherchant des produits équitables, écologiques ou non testés sur les animaux, selon la firme Abacus. Ils sont prêts à payer 16 % de plus pour un produit équitable.

Les jeunes sont aussi plus nombreux à pratiquer la consommation collaborative (autopartage, vélos en libre-service, échange de maisons, friperies, etc.).

ÉDUQUÉS ET ENDETTÉS

Les Y étudient plus longtemps, et ça paraît sur leur dette, puisque les droits de scolarité ont grimpé trois fois plus vite que les prix à la consommation depuis 1984.

Ménages de moins de 35 ans ayant un prêt étudiant :

1999 : 24 %

2012 : 28,6 %

Le montant médian est de 10 000 $.

Combien de 25-34 ans ont-ils des dettes ?

1984 : 82 %

2012 : 84,4 %

Source : BMO Marchés des capitaux, 2014

DES TRAVAILLEURS MOINS NANTIS QUE LEURS PARENTS

Des enfants ? Oui, bien sûr, dans quelques années. Une maison ? Ça serait bien. Mais comment convaincre un banquier de nous prêter quand on passe d'un contrat à l'autre, et qu'on dépend du chômage dans les intervalles ?

« On ne pense pas pouvoir acheter une maison avant d'avoir deux emplois stables », confie Sylvain Perron, 30 ans. Ce qui pourrait être long, puisque sa copine, Catherine Houbart, n'a pas encore terminé sa maîtrise. Et puis, où s'installer quand on ne sait pas où sera la prochaine occasion professionnelle ?

Sylvain, qui travaille dans un organisme de défense de l'environnement, a déjà changé d'emploi plusieurs fois depuis la fin de ses études. On lui offre généralement des contrats d'un an, deux s'il a de la chance. Catherine s'attend à la même chose quand elle aura terminé sa formation en écologie et urbanisme.

« Je ne pense pas avoir une job à temps plein avec des assurances et un fonds de pension au cours de ma vie. De toute façon, je n'ai pas l'intention de faire toute ma carrière au même endroit, ce n'est pas ce que recherche notre génération. » - Sylvain Perron

PRÉCARITÉ À LONG TERME

Les milléniaux ne chôment pas plus que leurs aînés. « Mais les emplois disponibles pour eux sont de moins bonne qualité », souligne Jacques Hamel, professeur de sociologie à l'Université de Montréal, qui ausculte depuis longtemps les comportements des jeunes.

Leurs emplois sont précaires, offrent moins d'avantages sociaux, comme des régimes de retraite et des assurances collectives, et les salaires offerts ont peu augmenté, malgré la progression du niveau d'éducation.

Indexé en fonction de l'inflation, le revenu médian des 25 à 34 ans est passé de 33 900 $ en 1984-1988, au sortir de la récession, à 34 700 $ en 2011, selon une étude de BMO Marchés des capitaux.

Mais les jeunes ménages sont aujourd'hui plus endettés, notamment en raison de leurs études plus longues. Et l'achat d'une maison pèse plus lourd sur leur budget, malgré les faibles taux d'intérêt.

« Avant, chaque génération améliorait son sort par rapport à la précédente. La génération Y est la première qui n'atteindra peut-être pas le même niveau de vie que ses parents. » - Jacques Hamel, professeur de sociologie à l'Université de Montréal

« Plusieurs devront renoncer à un certain luxe dans lequel ils ont été élevés, par exemple ceux qui ont grandi en banlieue, avec deux parents qui travaillent, deux autos, une piscine, etc. », pousuit M. Hamel.

Eux-mêmes enfants des banlieues, Catherine et Sylvain ne cherchent pas à adhérer à ce mode de vie. Ils se satisfont de leur petit trois-pièces, dans une coopérative du quartier Hochelaga-Maisonneuve, où ils paient un loyer imbattable parce qu'ils acceptent de mettre la main à la pâte. Ils tentent de consommer de façon responsable, parce qu'ils sont sensibles à la protection de l'environnement.

Et ils ont choisi de se passer de voiture. « J'avais une vieille auto, puisque c'était nécessaire pour mon emploi précédent, mais je m'en suis débarrassé, raconte Sylvain. On utilise Communauto et les transports en commun, c'est moins cher et plus pratique. Ça fait une grosse différence sur le budget, ce qui me permet d'épargner. »

TRICOTER SON BAS DE LAINE

Oui, Sylvain épargne depuis qu'il a commencé à travailler. Pour pouvoir un jour acheter une maison, mais aussi en prévision de ses vieux jours. « On se fait tellement dire qu'il n'y aura plus d'argent pour nous dans le bas de laine que je ne prends pas de risque », dit-il.

« On fait des blagues sur le fait qu'on n'aura pas de retraite, ajoute Catherine. Quand on sera en résidence, à 85 ans, on va sortir avec notre marchette pour aller travailler au dépanneur en face. »

Mais le couple sait qu'il est une espèce rare. « On n'est peut-être pas représentatifs des gens de notre âge, reconnaît le jeune homme. Aux amis qui ont des bébés, on donne en cadeau de l'argent pour mettre dans un régime d'épargne étude. Ça les étonne, mais ils sont bien contents. »