Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, François Beauregard, de Richardson GMP...

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Pour le mois d'avril, l'indice ISM des services (non-manufacturier) a été beaucoup plus faible qu'on pensait, soit 52,8 alors qu'on s'attendait à environ 58. L'ISM manufacturier a été assez bon ce mois-ci (toujours au-dessus de 60 en avril, malgré deux légères baisses mensuelles consécutives). Mais l'économie américaine repose beaucoup plus sur les services que sur le manufacturier.

L'ISM (Institut for Supply Management) est fondé sur un sondage réalisé auprès de milliers de directeurs d'achats dans toutes sortes d'industries aux États-Unis. L'indice est un excellent indicateur concomitant: son graphique se colle presque à celui de l'indice S & P500 de la Bourse américaine. Au dessus de 50, l'indice signale que l'économie est en expansion. À 52, l'ISM nous donne donc l'image que l'économie est toujours en croissance, mais moins rapide. Ça donne l'impression qu'il y a un essoufflement. C'est déconcertant.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Je vais continuer de suivre l'indice ISM pour vérifier si les données du mois dernier ont été seulement un incident de parcours ou si la tendance à la baisse s'installe. Si l'ISM pour le mois de mai sort en bas de 50, au début de juin, ce ne sera pas une bonne nouvelle.

Que feriez-vous avec 10 000 $ à investir?

J'investirais dans des obligations de qualité de pays émergents. On a la fausse perception qu'un pays comme le Brésil est un peu broche à foin. C'est faux! Les pays émergents sont beaucoup moins endettés que les pays occidentaux. Ils n'ont pas eu à s'endetter pour sauver les meubles durant la crise financière. Dans ces pays-là, l'inflation est plus élevée, donc les taux d'intérêt sont structurellement plus élevés.

Il y a des obligations émises par les gouvernements ou par les grandes sociétés d'État dans les pays émergents qui sont de bonne qualité, qui versent des revenus tout de même appréciables (5-6%) et qui sont encore mal évaluées par le marché. Pour monsieur et madame Tout le Monde, il faut investir par le biais d'un fonds communs de placement ou d'un fonds négocié en Bourse. En principe, il vaut mieux investir à l'étranger tout en étant couvert contre les fluctuations de la devise. Mais si le portefeuille contient une grande variété d'obligations dans différentes devises, les fluctuations de taux de change ont tendance à s'annuler.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Présentement, ce n'est pas une bonne idée d'avoir des obligations gouvernementales canadiennes à court terme (1-2 ans). Les taux de la Banque centrale du Canada vont monter petit à petit en 2011-2012. Si j'ai besoin d'argent liquide pour m'acheter une maison bientôt, eh bien soit! Mais si j'ai une optique d'investissement à long terme, ce n'est pas une bonne idée. À ce moment-là, il faudrait mieux avoir avoir des obligations de sociétés, des obligations à taux flottants, des obligations d'autres pays.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Je pense qu'on sous-estime la gravité des problèmes de dettes souveraines en Europe. On a pelleté beaucoup d'argent dans des pays comme la Grèce. Maintenant, on pense que c'est fini et on n'en parle plus. Mais c'est une question qui reste difficile à régler pour l'Europe.

C'est difficile pour une Banque centrale unique d'avoir une politique adaptée à des réalités nationales qui sont très différentes les unes des autres. C'est un mécanisme qui n'est pas très efficace. Il reste des problèmes structurels qui sont loin d'avoir été réglés. C'est inévitable que ça revienne dans les manchettes, que ça soulève de nouvelles inquiétudes. On va en entendre parler encore longtemps: ce sera un thème récurrent.