Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Carole Berthiaume, de Fiera Capital.

Forte de 15 ans d'expérience en placement, Carole Berthiaume est vice-présidente et gestionnaire de portefeuille principale d'actions canadiennes chez Fiera Capital. En quelques années, la firme montréalaise s'est hissée parmi les plus importantes sociétés indépendantes de gestion au Canada, avec des actifs de 21 milliards.À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

On arrive à la fin de la période des résultats des entreprises. De ma perspective, c'est ce qui est le plus important. Dans une large proportion, on a vu que les bénéfices ont été meilleurs que prévus.

Même si plusieurs investisseurs se plaignent que cela provient davantage de la réduction des coûts des entreprises que de la croissance des revenus, je pense que c'est un signe de la bonne santé des sociétés. Les entreprises gèrent bien leurs activités et elles ressortent de la période difficile vécue l'an dernier d'une façon assez remarquable.

Par rapport aux récessions précédentes, les entreprises sont en meilleures situation financière actuellement. Cela veut dire qu'elles devraient rebondir plus vite quand la situation va s'améliorer. Elles pourront réembaucher, car elles auront la flexibilité

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

La semaine prochaine, avec l'Action de grâce aux États-Unis, nous allons surveiller les ventes au détail.

Déjà cette semaine, on a vu des statistiques en hausse (surtout à cause des ventes d'autos stimulées par le programme de primes à la casse). Mais en excluant les voitures et l'essence, les données étaient quand même conformes aux attentes.

Le «Black Friday» va nous donner une idée de l'état d'esprit des consommateurs américains. Le vendredi du week-end de l'Action de grâce est le jour où les Américains débutent vraiment leur magasinage des Fêtes. On dit «Black Friday» parce que c'est aussi le moment de l'année où plusieurs détaillants commencent à faire des profits (ils sortent du rouge et entrent dans le noir). Normalement, dès le lundi suivant, les marchés ont déjà une idée de la tendance.

Cette année, les commerçants ont commencé à réduire leurs prix pour stimuler les ventes. Mais l'envers de la médaille, c'est que les consommateurs attendent les soldes pour faire leurs achats, comme on l'a vu au cours des dernières années. Au moins les stocks sont beaucoup plus raisonnables de que l'an dernier, alors que les détaillants se sont faits coincer avec beaucoup de marchandise lorsque la crise a atteint son paroxysme durant l'automne.

Que feriez-vous avec 10 000 dollars à investir?

Depuis le début de l'année, les titres qui ont mieux fait sont les titres les plus risqués, ceux qui avaient très mal fait l'année précédente. Dès que la situation s'est améliorée, ce sont eux qui ont rebondi le plus, peu importe leurs bénéfices, leurs cash-flow...

Aujourd'hui, je pense que les plus belles occasions sont du côté des titres de qualité qui sont moins cycliques, qui versent des dividendes, qui ont de bons bilans, une évaluation boursière raisonnable, et qui ont relativement moins bien fait depuis le début de 2009.

Dans le secteur de la consommation, je pense à Metro qui vient d'annoncer de très bons résultats. Astral Media a aussi une évaluation boursière très raisonnable. Son titre profitera de la reprise économique et du rebond des ventes publicitaires.

Dans le secteur industriel, je pourrais nommer Toromont: une entreprise très bien gérée, avec un excellent bilan, qui vient de faire offre pour acquérir son concurrent Enerflex.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Les obligations à long terme. L'objectif quand on investit, c'est de protéger son pouvoir d'achat. Il y a un risque que le rendement des obligations ne compense pas l'inflation sur une longue période.

Au cours des prochaines années, il est possible que la croissance boursière soit moins forte que ce que l'on vient de connaître. Alors j'évite aussi les entreprises qui ont un bilan mal en point, qui ne dégagent pas de cash-flow. Je préfère des compagnies solides qui versent un dividende.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Les marchés sous-estiment la valeur des entreprises moins volatiles, qui ont un bon bilan, une croissance constante de leurs bénéfices, des cash-flows supérieurs à leurs besoins. À long terme, ce sont les entreprises qui surperforment. Il y a encore de très belles valeurs à la Bourse.

Mais présentement, les investisseurs focalisent sur les secteurs plus cycliques: l'énergie, les mines et métaux, etc. Ils regardent les prix des matières premières qui montent, et ça leur donnent une certaine confiance. Mais les prix sont aussi très volatiles.