Pour certains, une boîte de papiers-mouchoirs est une boîte de papiers-mouchoirs, sans plus.

Mais pour d'autres, le carmin de la boîte doit s'harmoniser avec le maïs de la chambre à coucher. Le motif de petits pois verts prend le chemin de la cuisine. Les petits poissons rouges celui de la salle de bains.

Car dans l'univers de l'emballage, les boîtes de papiers-mouchoirs sont des cas particuliers.

Contrairement aux boîtes de céréales ou de lessive, elles se trouvent partout dans la maison. Puisqu'elle ne livre aucun message, la boîte peut porter n'importe quelle couleur, n'importe quel motif. Bref, c'est également un accessoire de décoration.

 

C'est là tout le problème.

Il faut plaire au plus grand nombre, se fondre dans tous les décors.

Kimberly-Clark (Kleenex), dont c'est la spécialité, produit une large gamme d'emballages pour tenter de joindre autant de marchés. Les résultats sont souvent ternes, mais quelquefois plus surprenants, comme cette boîte carrée dont chaque face porte une fleur aux couleurs polarisées.

Les marques privées des chaînes de détaillants n'ont pas ce loisir, ni ce budget. «Ce qu'on fait nous tient à coeur mais on ne travaille pas six mois sur une boîte», constate Éric Gagnon, chef du design des marques privées de Metro. «On veut garder une pérennité pour quelques années et on ne veut pas non plus être trop branché.»

Metro a récemment refait ses deux gammes de boîtes de papiers-mouchoirs. La gamme supérieure, Irrésistible (c'est son nom), comporte six boîtes monochromes parcourues de stries et d'ellipses. «On a essayé d'arriver avec différents visuels mais la famille n'était pas suffisamment forte, explique Éric Gagnon. Pour cette raison, on a préféré conserver un seul graphisme, mais le décliner dans plusieurs couleurs. On a ainsi un visuel beaucoup plus fort. C'est sûr qu'il faut aimer, mais avec les différentes couleurs, on peut toujours en tirer son parti.»

Matière de goût

Professeur de graphisme fraîchement retraité de l'UQAM, Frédéric Metz affectionne particulièrement les boîtes de Life, la marque maison de Pharmaprix. «Elles changent tout le temps, mais c'est toujours du très beau graphisme, dit-il. Ce peut être une fleur agrandie énormément, une boîte toute grise ou toute blanche. Mais peu importe laquelle, elles ont un certain charme graphique.»

À l'opposé, il cite les Puffs. «Ils sont bons, malheureusement. Mais ils sont d'une laideur épouvantable.» Mentionnons encore la collection canadienne de Royale, qui montre des panoramas typiquement canadiens. Il est vrai qu'il y a eu pire: l'époque où on couvrait les boîtes de papiers-mouchoirs (et le rouleau de papier de toilette qui reposait sur la cuvette) d'une housse tricotée en Phentex.

«Il serait intéressant d'en faire un objet plus interactif, fait valoir Sylvain Allard, directeur du programme de design graphique à l'UQAM. Il pourrait y avoir des choses très ludiques à faire avec l'ouverture où le papier sort. Ce pourrait être une bouche, par exemple.» Une narine serait plus évocatrice mais moins élégante. «On pourrait aussi faire référence à un objet, comme les rouleaux d'un tordeur à linge, d'où sortirait le papier-mouchoir, poursuit-il. Il pourrait y avoir un dialogue entre le geste et l'image de la boîte.»

Dans son cours d'emballage, par exemple, où il incite les étudiants à optimiser l'utilisation des matériaux, Marie-Ève Groleau a conçu une boîte de papiers-mouchoirs dont la languette détachable n'est pas perdue. L'étudiante a eu du pif: cette pièce de carton est taillée pour se replier et former un petit étui, où on pourra ranger quelques papiers-mouchoirs pour sa poche ou son sac.