Si l'émetteur de votre carte de crédit vous envoie un chèque en blanc, ne croyez surtout pas qu'il vous fait un cadeau.

Le produit

Des chèques offerts par les sociétés de cartes de crédit.

Le hic

En pratique, l'utilisation du chèque coûte plus cher que le taux promotionnel de 0,9%.

 

«Croyez-moi, je ne retomberai plus dans le panneau.» - Charles

Au bout du compte

Ces chèques sont considérés comme des avances de fonds. Les clients ont droit au taux d'intérêt promotionnel uniquement si le solde de leur carte de crédit est à zéro et s'ils ne portent aucun nouvel achat à leur carte. C'est écrit en petits caractères! Mais cette pratique douteuse sera bientôt interdite.

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Si l'émetteur de votre carte de crédit vous envoie un chèque en blanc, ne croyez surtout pas qu'il vous fait un cadeau. Les intérêts associés à l'utilisation de ces chèques sont plus élevés qu'on veut bien vous le faire croire.

Charles l'a constaté à ses dépens... et il jure qu'il ne tombera plus dans le piège. Récemment, il a reçu de l'émetteur de sa carte un chèque qu'il pouvait utiliser pour régler n'importe quel achat (épicerie, services publics, dépenses de voyage, même un prêt auto) ou encore pour rembourser le solde d'une autre carte de crédit.

L'offre était assortie d'un taux d'intérêt promotionnel de 0,9% jusqu'en juillet. Pour profiter de ce crédit bon marché, Charles a utilisé le chèque. Quand il a reçu son relevé de compte, il a payé ses achats du mois courant, mais pas le chèque, qui ne lui coûtait presque rien en intérêts, croyait-il. Eh bien, non! Le mois suivant, l'émetteur de sa carte lui a facturé près de 50$ en intérêts.

Charles est tombé en bas de sa chaise. Un préposé lui a expliqué que les versements servent toujours à rembourser le solde dû au taux d'intérêt le plus bas (en l'occurrence la valeur du chèque à 0,9%), avant le solde au taux le plus élevé (en l'occurrence les achats portés sur sa carte à 19,5%). D'ailleurs, c'était écrit en petits caractères au verso de la publicité, dans les modalités d'utilisation du fameux chèque.

Voilà donc pourquoi le paiement de Charles n'a pas servi à rembourser ses achats mensuels, mais plutôt une partie de la somme empruntée à l'aide du chèque. «Me voyant pris pour payer toujours un taux d'intérêt de 19,5% sur mes nouveaux achats, j'ai remboursé la totalité du compte sur-le-champ», raconte Charles. Sage décision.

Reste que ce tour de passe-passe fait en sorte que les clients ne bénéficient jamais pleinement du taux promotionnel de 0,9%, sauf si le solde de leur carte est à zéro et qu'ils ne s'en servent pour aucun achat. Et comme ces chèques sont considérés comme des avances de fonds, les intérêts s'appliquent dès l'utilisation (pas de délai de grâce) et certains émetteurs imposent même des frais calculés en pourcentage de la somme empruntée.

Heureusement, cette pratique douteuse sera mieux encadrée grâce aux nouvelles règles sur les cartes de crédit dévoilées jeudi dernier par le ministre des Finances Jim Flaherty.

Désormais, lorsque plusieurs taux d'intérêt s'appliqueront à différentes tranches de dette sur la même carte de crédit, les émetteurs auront deux possibilités. Ou bien ils appliqueront le remboursement en priorité aux dettes qui coûtent le plus cher en intérêts (la formule la plus avantageuse pour le client); ou bien ils appliqueront le paiement à chacune des tranches dues, selon la proportion qu'elles représentent par rapport au solde impayé (par exemple, la moitié à 19,5%, l'autre moitié à 0,9% d'intérêt).

«C'est un très bon pas en avant», juge Me Élise Thériault, conseillère juridique à Option Consommateurs. Autre belle avancée: les relevés de compte devront préciser combien de temps il faudra aux clients qui ont un solde impayé pour s'acquitter de leur dette s'ils font seulement le paiement minimum.

Par contre, plusieurs autres mesures annoncées par Ottawa ne sont que de la poudre aux yeux, croit Me Thériault. Et certaines mesures sont déjà en vigueur au Québec, grâce à la Loi sur la protection du consommateur.

L'avocate déplore que le gouvernement n'ait pas carrément imposé de plafond aux taux d'intérêt, comme en Europe, où le taux des cartes de crédit ne peut dépasser le taux directeur de plus d'un certain pourcentage.

Au Canada, les émetteurs de cartes ont le champ libre. «Les institutions financières sont cependant obligées de se plier au Code criminel et de respecter le plafond de 60% d'intérêt», note Amélie Sirois, porte-parole de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada.

Même si le taux directeur n'a jamais été si faible, plusieurs émetteurs de cartes ont relevé leur taux dernièrement, notamment Canadian Tire (de 18,99% à 19,5%) et Sears (de 18,9% à 19,9%).

La tendance est à l'externalisation des frais, note aussi Mme Thériault. Cela signifie que les émetteurs ajoutent toutes sortes de frais qui gonflent le taux d'intérêt par la bande. Par exemple, Sears vient de rehausser les frais sur les avances de fonds, et Canadian Tire a modifié sa méthode de calcul des intérêts.

Option Consommateurs estime que ces frais doivent être présentés dans le taux de crédit total, ce qui n'est pas le cas en ce moment. Pour cette raison, l'organisme a entrepris des recours collectifs contre une série d'institutions financières.

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