Les fiscalistes vous le diront, plusieurs contribuables attendent l'arrivée de Pâques pour avoir l'illumination: «Ah, Seigneur, mes impôts ! « Et lorsque le congé pascal arrive tard, c'est l'enfer ! Tout le monde entreprend, à la dernière minute, ce chemin de croix annuel. Mais il ne faut pas brûler les étapes, même s'il ne reste que deux semaines avant la date butoir du 30 avril. «Les investisseurs ne se posent pas assez de questions avant de faire leurs déclarations de revenus. Cela fait en sorte qu'ils paient trop d'impôt, j'en suis certaine «, lance Natalie Hotte, fiscaliste pour les Ser v ices consei l s clients privés, chez Banque Nationale Groupe financier. Dès qu'on a un portefeuille de placements, à l'extérieur d'un compte enregist ré, il faut avoir des réflexes aiguisés. Car l'impôt est parfois un sport extrême. Pour vous en convaincre, voici 10 petites colles de dernière minute. Passez-vous le test ?

1. Comment calculer le gain ou la perte en capital lorsqu'on ne se souvient plus du coût d'achat ?

Q- «J'ai vendu des actions de mon ancien employeur en 2008. J'ai reçu un T5008 sans valeur d'achat, seulement le montant reçu pour la vente. J'avais acheté ces actions à l'aide de prélèvements sur ma paie. Je n'ai pas de preuve du coût d'achat. Je sais très bien que j'ai vendu à perte. Comment puis-je le prouver au gouvernement dans mon rapport d'impôt. Je suis découragé: je ne veux pas payer de l'impôt en plus de ma perte» R.G.

R- Voilà un casse-tête fréquent pour les investisseurs . Nombre d'entre eux n'ont aucune idée du coût d'achat des titres qu'ils revendent, par exemple parce qu'ils ont hérité des placements, ou simplement parce qu'ils ont perdu leurs relevés de transactions. Cela est pourtant essentiel pour calculer le gain ou la perte en capital, soit la différence entre le prix d'achat et le prix de vente, sur lequel ils doivent payer l'impôt.

Les institutions financières expédient à leurs clients un «relevé annuel de leurs opérations sur titres», qui indique le prix de vente des titres dont ils ont disposés. Parfois, le relevé indique aussi un coût d'achat. Mais on ne peut pas s'y fier les yeux fermés, surtout lorsqu'on a changé de conseiller. Dans ce cas, le coût d'achat correspond peutêtre à la valeur à laquelle les titres ont été transférés plutôt qu'au coût d'achat d'origine. Alors comment déterminer ce fameux coût d'achat? «Il faut l'estimer», répond Mme Hotte. Pour dénicher l'information, on peut suivre plusieurs pistes. D'abord, on peut s'enquérir auprès de son employeur. Ceux qui offrent d'importants programmes d'achat d'actions à leurs employés conservent souvent un relevé des acquisitions.

Si ce n'est pas le cas, on peut se replier sur ses vieux T4. Si le programme d'achat était considéré comme un avantage imposable, on en retrouvera la trace sur les feuillets fiscaux remis par l'employeur. Toujours rien? Il ne reste plus qu'une solution: évaluer le coût d'achat moyen au pif. Dans le cas présent, l'employé se souvient certainement du nombre d'actions qu'il achetait par année. Sur l'internet, il peut retracer le coût moyen de l'action, pour chacune des années de contribution, expose Mme Hotte. Certains sites web, comme Yahoo! Finance remontent jusqu'à 1995. Dites-vous bien que si vous n'avez pas l'information exacte, le fisc ne l 'a pas non plus. «L'important, dit Mme Hotte, c'est d'être raisonnable.»

2. Peut-on déduire les frais de gestion d'un fonds commun dans notre déclaration de revenus?

Q- «Il est écrit dans le guide d'impôt canadien que l'on peut déduire les frais financiers que l'on a payés pour gagner un revenu de placement. Par exemple, si un fonds commun de placement a un ratio frais de gestion de 2% et que j'ai 1000$ dans ce fonds est-ce que je peux déduire 20$?» N.R.

R- Non! Les frais de gestion des fonds communs ne sont pas déductibles dans la déclaration de revenus, comme le sont les honoraires payés à un conseiller financier qui gère directement votre portefeuille. Mais, il ne faut pas crier à l'injustice pour autant : les frais servent souvent à réduire les revenus à l'intérieur du fonds, seul l'excédent est attribué aux investisseurs qui doivent ensuite payer l'impôt. Reste que les fonds offrent moins de flexibilité sur le plan fiscal, ce qui est un de leur défaut.

3. Avez-vous ajusté le prix de vos unités ?

Parlant de fonds communs, voici un rappel important pour les détenteurs qui ont vendu des unités cette année. N'oubliez pas d'ajuster le prix de base de vos unités, pour tenir compte, entre autres, des unités achetées avec les distributions sur lesquelles vous avez payé des impôts au fil des ans. Sans quoi vous paierez trop d'impôt à la sortie. Si vous avez perdu la trace de ces distributions, passez un coup de fil à la famille de fonds.

4. Avec les dépôts à taux progressif, le fisc réclame plus d'impôt que le taux d'intérêt au départ. Est-ce normal ?

Oui, c'est normal. Règle générale, les contribuables doivent payer l'impôt chaque année sur les intérêts générés par leurs placements, même s'il s'agit d'intérêts composés qu'ils encaisseront seulement à l'échéance. Mais les placements à taux progressifs (ex: le taux grimpe de 1,5% la première année, jusqu'à 6% la dixième) sont assujettis à des normes spéciales, pour éviter que les investisseurs les utilisent pour reporter leur imposition à plus tard, explique Mme Hotte. Les détenteurs doivent payer l'impôt en fonction d'un taux d'intérêt moyen pour l'ensemble de la période. S'ils revendent leur placement avant l'échéance, sans profiter des taux d'intérêt les plus élevés des dernières années, ils pourront récupérer l'impôt payé en trop, lors des premières années. À l'opposé, les intérêts produits par les placements garantis à rendement variable (ex: CPG boursier dont le rendement est fonction de la Bourse) ne sont imposables qu'à l'échéance, puisque le rendement n'est quantifiable qu'à la fin de la période de détention, note la fiscaliste Danièle Boucher, dans le guide Réduisez vos impôts.

5. Si vous avez acheté une obligation durant l'année, sur quelle portion des intérêts êtes-vous imposable ?

Si vous avez acquis, à la mi-année, des obligations sur le marché secondaire, vous recevrez un feuillet T5 pour le montant des intérêts de l'année entière. Mais vous devrez déduire, comme frais financiers, l'équivalent des intérêts de la première moitié de l'année. De son côté, le vendeur ne recevra pas de feuillet, mais il devra quand même ajouter la moitié des intérêts à ses revenus. «Cela est souvent oublié «, constate Mme Hotte.

6. Avez-vous déduit vos intérêts sur un prêt à l'investissement ?

Si vous avez emprunté pour investir, les intérêts que vous avez payés sont déductibles d'impôt, sauf si vous avez investi dans un Régime enregistré d'épargne-retraite (REER), dans un Régime enregistrée d'épargne-études (REEE) ou dans un fonds de travailleurs (Fondaction, Fonds de solidarité) Capital régional et coopératif Desjardins.

7. Avez-vous ajusté vos prix de base ?

Quant aux commissions de courtage, elles permettent d'ajuster le prix de base du titre et ainsi de réduire le gain en capital à la revente. C'est simple mais souvent oublié.

8. Peut-on utiliser des pertes en capital pour effacer un gain sur la vente d'une maison ?

Oui. Les pertes en capital permettent d'effacer les gains en capital réalisés sur d'autres placements ou sur une résidence. Si vos pertes en capital dépassent vos gains, pour l'année 2008, vous pouvez effacer l'impôt sur des gains réalisés au cours des trois années précédentes (2008 est donc votre dernière chance d'effacer un gain qui date de 2005), ou encore reporter les pertes indéfiniment dans le futur. Les investisseurs qui ont accusé des pertes en capital, à cause de l'écrasement des Bourses, peuvent donc les utiliser pour effacer leur facture fiscale résultant de la vente d'un chalet ou d'un immeuble à revenus.

9. Comment doit-on tenir compte des gains ou pertes de change?

Lorsqu'ils vendent des placements étrangers, les investisseurs ont tendance à calculer leur gain en capital en devise étrangère, puis à le convertir en dollars canadiens en utilisant un seul taux change. Erreur! Ils doivent convertir le prix d'achat et de vente, en utilisant les taux en vigueur le jour même de chacune des transactions, et ensuite calculer le gain en dollars canadien. Les taux historiques sont disponibles sur le site web de la Banque du Canada.

10. Vos feuillets sont-ils en ordre?

Avant de finaliser votre déclaration, assurez-vous qu'il ne vous manque rien. Comparez vos feuillets de 2008 avec ceux reçus l'an dernier et avec vos relevés de comptes, pour être certain que les institutions financières vous ont envoyé tous les documents requis. Soyez vigilants. Les feuillets sont parfois erronés. Par exemple, un montant anormalement élevé, dans une petite case, aurait pu entraîner une facture d'impôt de 4000$ pour une cliente en 2008, raconte Mme Hotte. Heureusement, sa conseillère a repéré l'erreur. «Il faut avoir l'oeil!» avoue la fiscaliste.