Petite entreprise, petit logo ?

Les PME ont moins de moyens, mais ont les mêmes besoins d’identité de marque que les plus grandes entreprises, toutes proportions gardées. Les mêmes principes et la même démarche sont mis en pratique à plus petite échelle.

« Le défi, c’est d’amener les entreprises à réfléchir à leur branding d’une façon plus stratégique qu’ils ont peut-être l’instinct de le faire », constate Stéphanie Kennan, présidente fondatrice de Bang Marketing.

Les PME représentent 80 % de la clientèle de la firme montréalaise, qui compte une vingtaine d’employés et 25 ans d’existence.

« Les petites entreprises, instinctivement, vont être davantage enclines à considérer l’exercice comme purement esthétique », observe sa présidente. « Le pire service à leur rendre, c’est de dire : “D’accord, on va te faire un logo esthétique parce que c’est ce que tu me demandes.” »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Stéphanie Kennan, présidente fondatrice de Bang Marketing

Ce qu’on essaie de faire avec nos clients, c’est leur faire comprendre qu’un logo, ça fait partie d’un tout. Le logo est un des éléments d’un branding. On a aussi le nom de l’entreprise, son slogan, l’univers graphique qui entoure le logo, les messages clés, la promesse de marque. Tous ces éléments, quand ils sont mis côte à côte, doivent raconter la bonne histoire.

Stéphanie Kennan

Pour les petites entreprises, les étapes qui mènent au bon scénario graphique demeurent sensiblement les mêmes, mais sont moins approfondies.

« On fait de la recherche, mais on va regarder sur l’internet plutôt que d’engager une firme spécialisée pour le faire, décrit Stéphanie Kennan. Si on fait des tests, on ne fera pas des tests exhaustifs qui vont prendre trois ou quatre mois sur tous les types d’applications possibles. »

Alors qu’un guide de normes graphiques pour une grande organisation peut s’étendre sur des centaines de pages, celui d’une PME pourra n’en compter qu’une quinzaine.

Une grande entreprise établira souvent ce que Stéphanie Kennan appelle « une police de la marque », qui s’assurera que les normes graphiques sont respectées à la lettre (et cette lettre dans la bonne police de caractères). En PME, il faudra accepter quelques écarts.

« C’est un peu normal, dit-elle. Je pense qu’il y a des compromis à faire, mais il faut savoir sur quoi les faire. »

Et surtout sur quoi demeurer intransigeant.

« On ne peut pas faire de compromis sur les discussions stratégiques », assène-t-elle.

« Mais après coup, je pense qu’il faut accepter que la marque d’une PME va évoluer, qu’on ne sera pas aussi rigide dans la façon de la gérer. »

Combien ça coûte, tout ça ?

Et quelle enveloppe la PME doit-elle prévoir ?

Si on veut faire une démarche stratégique, refaire son logo, créer un univers graphique, et avoir des normes de base une PME devrait prévoir un budget de 20 000 à 25 000 $. Je pense qu’avec ça, on peut faire toutes les étapes dont on a besoin, effectuer la création et fournir les outils.

Stéphanie Kennan

Des microagences ou des pigistes feront peut-être le travail pour moins cher.

« C’est un peu difficile pour le client de se retrouver », reconnaît-elle.

Mais de toute manière, le travail ne s’arrête pas là. « Après ça, il va quand même falloir penser à la déployer, cette marque-là ! »

Il faudra modifier le site web, refaire la papeterie, adapter le matériel publicitaire, peut-être installer une nouvelle enseigne.

« Dans certains cas, ils ont un graphiste à l’interne ou ils connaissent un pigiste de confiance, et ça leur coûtera moins cher de travailler comme ça », indique la présidente de Bang Marketing.

« D’autres vont vouloir tout confier à l’agence qui a développé la marque. Il y a des entreprises qui vont consacrer 50 000 $ en tout avec la stratégie et un certain déploiement. Certaines vont aller jusqu’à 100 000 $ la première année, selon ce qu’elles ont à déployer. »

Mais on peut prendre le problème à l’inverse, comme le suggère Catherine D’Amours, professeure-chercheuse à l’École de design de l’UQAM.

« Quelle enveloppe budgétaire le client a-t-il pour parler de sa marque, de son produit, de son expérience ? Ensuite, en fonction de cette enveloppe, le studio, l’agence ou le designer pigiste décide d’embarquer – ou pas – et de maximiser chaque sou qui va être investi. Ce qui est important, c’est que la PME comprenne la valeur de ce travail. »

Dans tous les cas, le succès et la satisfaction dépendent de la communication entre l’agence et la PME.

« On ne peut pas travailler avec la PME si on n’apprend pas à être agile et à l’écouter, en respectant sa réalité – et ce n’est pas la même d’une entreprise à l’autre », conclut Stéphanie Kennan.

« Il faut ensuite lui expliquer quelles sont les meilleures pratiques. Puis elle va prendre la décision qui correspond à sa réalité, à son budget, et on va essayer de l’amener le plus loin possible. »