Le 30 mars 1981, le maire Jean Drapeau avait dévoilé la nouvelle identité visuelle de la Ville de Montréal, une rosace rouge sur fond blanc.

Dans les médias, l’éclat de la présentation avait été en partie terni par l’attentat contre le président Ronald Reagan, survenu le même jour, et par la facture de 360 000 $ (1,2 million en dollars de 2024) du créateur du logo, le graphiste Georges Huel.

Quelques jours plus tard, dans La Presse, le journaliste Guy Pinard relevait qu’en 1977, un collaborateur de longue date de Georges Huel avait conçu un logo analogue pour une caisse populaire. Son coût : 7000 $.

PHOTO FOURNIE PAR LA VILLE DE MONTRÉAL

L’identité visuelle de la Ville de Montréal, dévoilée le 30 mars 1981

Dans le déferlement de comparaisons plus ou moins boiteuses qui s’ensuivit, un autre article a mentionné un moule à pâte à modeler en plastique de forme similaire qui, lui, n’avait coûté que 69 cents.

  • Les logos de la Caisse populaire Saint-Alphonse-d’Youville et de la ville de Montréal mis en opposition en une de La Presse, le 8 avril 1981.

    PHOTO ARCHIVES BANQ

    Les logos de la Caisse populaire Saint-Alphonse-d’Youville et de la ville de Montréal mis en opposition en une de La Presse, le 8 avril 1981.

  • Le 18 avril 1981, La Presse alignait des logos, images et produits qui montraient diverses ressemblances avec le nouveau logo de Montréal, y compris un moule à pâte à modeler valant 0,69 $.

    PHOTO ARCHIVES BANQ

    Le 18 avril 1981, La Presse alignait des logos, images et produits qui montraient diverses ressemblances avec le nouveau logo de Montréal, y compris un moule à pâte à modeler valant 0,69 $.

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Pourtant, plus de 40 ans plus tard, la rosace persiste et signe. « C’est un excellent logo. Il a très bien passé le temps », constate Hélène Godin, présidente-directrice générale de La Factry, école des sciences de la créativité.

Cette opinion est partagée par Catherine D’Amours, professeure-chercheuse à l’École de design de l’UQAM, designer et artiste multidisciplinaire : « Pour moi, c’est un logo qui a bien vieilli », juge-t-elle.

« Ce logo a coûté extrêmement cher, relève-t-elle. C’était énorme pour l’époque. Mais je pense que c’est un travail qui a été fait avec différentes étapes dans le processus de création, et ces étapes lui ont permis d’être bien pensé et d’avoir une stratégie qui lui permettait de bien évoluer dans le temps. »

Qu’est-ce qu’un bon logo ? Pourquoi dure-t-il ?

Un logo comme une personne

Un logo n’existe pas dans l’absolu. Une identité ne se résume pas à un joli dessin.

« Un logo, ça s’inscrit dans un système identitaire, formule Catherine D’Amours. Souvent, on pense qu’un logo, ça vit tout seul et ça se dessine sur un coin de table. Bien au contraire, ça s’inscrit dans quelque chose qui est beaucoup plus grand et qui va servir à véhiculer beaucoup plus qu’une marque : un système de valeurs. »

Hélène Godin aime comparer une marque à une personne. « On va dire d’une personne qu’elle est cohérente dans ce qu’elle dit et dans ce qu’elle fait. Une marque, c’est un peu la même chose. »

D’abord designer graphique, elle avait travaillé chez Cossette et été directrice de création chez Sid Lee.

« Une marque, c’est un ensemble vivant et complexe formé d’images, de mots, de comportements », explique-t-elle.

Comme une personne, la marque évolue. Son identité se confirme et s’affirme.

La valeur d’une marque se définit dans le temps. Si on compare une marque à une personne, elle pourrait dire que sa valeur grandit au fur et à mesure de ses actions. Elle réside dans l’originalité de sa proposition de valeurs : qu’apporte-t-elle au monde ?

Hélène Godin, présidente-directrice générale de La Factry

Cette proposition doit se concrétiser dans un symbole graphique efficace. Les créateurs y parviennent avec méthode.