(Herzogenaurach) Solder la rupture avec le rappeur américain Kanye West, remettre la Chine en ordre de marche et écouler partout des stocks surabondants : le nouveau patron d’Adidas ,Bjorn Gulden, aura fort à faire en 2023 après une année de marasme pour la marque aux trois bandes.

« En 2023, nous devons créer la base pour être à nouveau performants », a déclaré Bjorn Gulden devant la presse, vêtu d’un sweatshirt blanc.

Il vient de quitter le rival Puma, qu’il dirigeait depuis 2013 et qui a affiché en 2022 un résultat record, pour rejoindre Adidas, qui a accusé de son côté un recul annuel de 83 % du bénéfice net, à 254 millions d’euros, comme annoncé dès février.

La guerre russe en Ukraine a conduit à démanteler la filiale en Russie, la Chine confinée a vu les ventes s’effondrer et la fin de la collaboration fructueuse avec Kanye West – connu sous le nom de Ye – après des propos antisémites tenus par le rappeur ont en particulier pesé sur l’exercice.

« Perdre Yeezy a été très difficile », puisqu’il s’agit d’une des personnes « les plus créatives dans le monde », a souligné M. Gulden.

L’arrêt en octobre des ventes des baskets « Yeezy » a déjà fait perdre 600 millions d’euros de ventes.

Conséquence directe, la collection conçue avec Kanye West s’est arrêtée et des millions de paires de baskets dorment depuis dans des entrepôts éparpillés dans le monde, en attendant d’être bradées un jour… ou simplement détruites.

« Aucune décision n’a été prise » à cet égard, a martelé M. Gulden, car le sujet « est complexe » avec des aspects juridiques et environnementaux, notamment.

En cas de destruction du stock, le manque à gagner serait de 1,2 milliard d’euros en matière de ventes cette année.

Selon le scénario qui va s’imposer, le groupe s’attend in fine à afficher en 2023 au mieux un résultat d’exploitation (EBIT) nul et au pire un solde négatif de 700 millions d’euros, dans un environnement géopolitique et macroéconomique compliqué, comme indiqué en février.

« Tout pour réussir »

Adidas a « tout pour réussir » à terme, est convaincu le patron danois qui est retourné chez son ancien employeur dans les années 1990.

Il en veut pour preuve un parc d’usines ultramodernes, un statut d’employeur coté sachant attirer les talents, des produits performants, de la course aux sports collectifs, et en grande partie recyclables.

Côté « lifestyle », Adidas a récemment conclu des partenariats avec les griffes Montcler, Prada, Gucci et Balanciaga, qu’il faut « mieux exécuter », a-t-il promis.

De même pour les collaborations avec Pharrel Williams, Beyoncé, le rappeur portoricain Bad Bunny et l’actrice américaine Jenna Ortega, dont il espère des nouveautés dans les mois à venir après la pause forcée pendant la COVID-19.

La Chine cale

Une autre urgence est de faire repartir l’activité en Chine, jadis son marché locomotive, mais dont les ventes ont chuté en 2022 de 36 % à taux de change constant, à 3,2 milliards d’euros.

Le recul est même de près de moitié au dernier trimestre.

Ses activités en Chine ont pâti des blocages sanitaires stricts et d’un boycottage des consommateurs après l’appel du groupe en 2020, avec d’autres marques, à ne pas acheter de coton du Xinjiang sur fond d’allégations de travail forcé de Ouïghours.

En Europe et en Amérique du Nord, c’est l’inflation record qui a retenu les acheteurs.

Conséquence, les stocks ont augmenté globalement de 50 % sur un an, à près de 6 milliards d’euros, et il s’agit de les faire fondre.

JO de 2024 en vue

Tout doit s’arranger d’ici 2024, l’année des JO à Paris qui vont « changer la donne », est persuadé M. Gulden.

Les objectifs stratégiques ambitieux définis en 2021 par le précédent patron, Kasper Rorsted, à l’horizon 2025 devront être revisités en temps voulu.

« C’est encore trop tôt » pour refaire l’exercice, mais « il y aura bien sûr la cible d’un EBIT à deux chiffres » en points de pourcentage, après la dégringolade à 3 % l’an dernier, a assuré M. Gulden.

Il s’apprête à faire la tournée mondiale des investisseurs, surtout aux États-Unis, pour les convaincre d’investir dans le titre.

À la Bourse de Francfort, l’action Adidas perdait 1,45 % à la mi-séance, mais restait sur un gain proche de 12 % depuis janvier.

Pour l’exercice écoulé, les actionnaires ne recevront qu’un dividende de 0,70 euro par action, contre 3,30 euros il y a un an.

En compensation de son départ prématuré, M. Rorsted va quant à lui toucher une indemnité de 12 millions d’euros, selon le rapport annuel publié mercredi.