(Nations unies) Les États membres de l’ONU semblaient s’approcher vendredi soir d’un accord sur le traité pour protéger la haute mer, trésor fragile et vital qui couvre près de la moitié de la planète.

Après plus de 15 ans de discussions informelles puis formelles, les négociateurs arrivent au terme de deux nouvelles semaines de pourparlers à New York, troisième « dernière » session en moins d’un an.

« Je ne pense pas qu’une solution ne soit pas en vue », a déclaré la présidente de la conférence Rena Lee lors d’une courte session plénière en fin de journée, appelant les délégués à faire des « stocks d’encas » pour tenir jusqu’à la ligne d’arrivée espérée dans la nuit de vendredi à samedi.

« Nous avons l’opportunité de conclure l’accord et nous ne devons pas la laisser filer », a-t-elle ajouté, notant toutefois que les négociations se poursuivaient, en particulier sur la question hautement politique du partage des bénéfices des ressources marines génétiques.

Même si des compromis sont trouvés sur tous les chapitres encore ouverts, le traité ne pourra être formellement adopté lors de cette session, a-t-elle en outre expliqué.  

Mais il pourra être « finalisé », sans possibilité de rouvrir des discussions « sur le fond », avant une adoption formelle « à une date ultérieure » quand il aura été passé au crible par les services juridiques et traduit dans les six langues officielles de l’ONU.

Même sans adoption formelle, ce serait « une étape majeure », a déclaré à l’AFP Veronica Frank, de Greenpeace.

La haute mer commence là où s’arrêtent les zones économiques exclusives (ZEE) des États, à maximum 200 milles nautiques (370 km) des côtes, et elle n’est donc sous la juridiction d’aucun pays.

Même si elle représente plus de 60 % des océans et près de la moitié de la surface de la planète, elle a longtemps été ignorée dans le combat environnemental, au profit des zones côtières et d’espèces emblématiques.

Les écosystèmes océaniques fabriquent pourtant la moitié de l’oxygène que nous respirons, limitent le réchauffement en absorbant une part importante du CO2 émis par les activités humaines, et nourrissent une partie de l’humanité.

Mais ils sont menacés par le changement climatique, les pollutions en tous genres et la surpêche.

Équité Nord-Sud

Les négociations du futur traité se sont cristallisées sur plusieurs contentieux : procédure de création des aires marines protégées, modalité de mise en œuvre des études d’impact sur l’environnement des activités envisagées en haute mer, et surtout partage des potentiels bénéfices issus des ressources marines génétiques.

Pour de nombreux observateurs, cette question se résume à une question d’équité Nord-Sud. « De la géopolitique », commente Minna Epps, de l’Union internationale pour la Protection de la Nature (UICN).

Les pays en développement sont en effet inquiets de ne pas être pleinement partie au traité faute de ressources financières ; et craignent d’être privés de leur part du gâteau de la commercialisation de potentielles molécules miraculeuses découvertes dans ces eaux internationales.

Avec une annonce vue comme un geste pour renforcer la confiance Nord-Sud, l’Union européenne a promis, à New York, 40 millions d’euros pour faciliter la ratification du traité et sa mise en œuvre initiale.

Au-delà, elle a annoncé plus de 800 millions d’euros consacrés à la protection des océans en général pour 2023 lors de la conférence « Notre Océan » qui s’est achevée vendredi à Panama, où les États-Unis ont eux mis sur la table 77 projets pour les océans évalués à près de 6 milliards de dollars.

Au total, la ministre panaméenne des Affaires étrangères Janaina Tewaney a annoncé que « 341 nouveaux engagements », d’un montant de près de 20 milliards de dollars, avaient été pris lors de cette conférence pour protéger les mers.

Selon plusieurs observateurs interrogés par l’AFP, résoudre ces questions financières, politiquement très sensibles, pourrait débloquer le reste.

En cas d’accord, restera à savoir si le texte sera suffisamment solide, avec les compromis consentis, pour permettre de protéger efficacement les océans.

À ce stade, « le texte n’est pas parfait, mais il ouvre un chemin clair vers l’objectif 30 par 30 », estime Veronica Frank, en référence à l’engagement pris en décembre par l’ensemble des gouvernements du monde de protéger 30 % des terres et des océans de la planète d’ici 2030.

Un défi quasi impossible sans inclure la haute mer, dont environ 1 % seulement est protégé aujourd’hui.