Le gouvernement de Justin Trudeau promet depuis des années qu’il taxera les géants du numérique comme Google, Amazon, Facebook, Apple ou Microsoft. Il n’est toujours pas passé à l’action.

La taxe sur les géants du numérique constitue le pilier 1 de la réforme de la fiscalité internationale proposée par l’OCDE. Elle prévoit imposer les recettes des géants du web dans le pays où elles sont réalisées. Une poignée d’entreprises, majoritairement américaines, sont visées, soit celles dont les revenus sont supérieurs à 30 milliards de dollars.

L’OCDE propose que le quart des bénéfices supérieurs à 10 % du chiffre d’affaires des entreprises visées soit réaffecté aux pays dans lesquels ces bénéfices ont été réalisés.

Cette proposition se heurte à une forte opposition des États-Unis et n’a guère avancé au cours des dernières années, contrairement aux dispositions sur l’impôt minimum mondial qui font des progrès un peu partout.

Le temps passe, et la France a mis en place une taxe sur les services numériques qui rapporte gros, en attendant un consensus international sur une formule unique. C’est ce que le gouvernement canadien dit qu’il veut faire.

La taxe sur les services numériques que le gouvernement canadien propose viserait les géants du web dont les revenus liés aux utilisateurs canadiens sont de 20 millions de dollars et plus. Ottawa estime que cette nouvelle taxe pourrait générer des revenus de 7 milliards sur cinq ans. La taxe pourrait être abolie et remplacée par une taxe internationale quand un accord sera conclu.

Mais de retard en report, la taxe canadienne sur les services numériques est toujours un projet, que la ministre des Finances, Chrystia Freeland, devrait aborder dans son prochain budget.

De grands enjeux

Pour le Canada, les enjeux sont gros, explique Ari Van Assche, professeur au département des relations internationales de HEC Montréal. « L’Europe, qui est un grand marché, risque beaucoup moins avec sa taxe numérique que le Canada, qui est très dépendant économiquement des États-Unis. »

La dernière chose que veut le Canada, c’est de générer un conflit commercial avec les États-Unis en cette année électorale qui risque de ramener Donald Trump à la présidence du pays et alors que la renégociation de l’Accord commercial Canada–États-Unis–Mexique approche.

Les géants du web visés par la taxe internationale sont installés aux États-Unis, comme la moitié de la centaine de grandes entreprises dont les revenus sont supérieurs à 30 milliards US.

Les États-Unis ne veulent rien savoir d’une taxe internationale qui frapperait sur leurs fleurons, mais ce n’est pas la seule explication à la paralysie actuelle du pilier 1, selon Lyne Latulippe, de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke. « Ça vient changer la formule de répartition des profits utilisée depuis toujours par des entreprises multinationales, explique-t-elle. Il y a des enjeux importants à considérer si on ouvre cette porte. »

Elle note qu’il est maintenant question que l’accord proposé soit élargi à d’autres grandes entreprises, comme Uber et Airbnb, en plus des géants du web, ce qui a conduit plusieurs pays à prendre plus de temps pour considérer la question.