Chaque samedi, un de nos journalistes répond à l’une de vos questions sur l’économie, les finances, les marchés, etc.

Je suis enseignant en histoire en 4e et 5e secondaire. J’ai une question pour vous que j’ai souvent eue de la part de mes élèves et à laquelle j’ai toujours eu de la difficulté à répondre. Lorsqu’un pays, une province ou une ville a un déficit, on doit emprunter pour équilibrer le budget. À qui doit-on cet argent et comment le remboursement et l’emprunt fonctionnent-ils ?
— Pascal Turcotte, enseignant en univers social au collège Durocher Saint-Lambert

La question de M. Turcotte – et de ses élèves –, c’est un peu trois questions en fait : une sur la nature des déficits, l’autre sur leurs conséquences sur la dette publique, puis une dernière sur les emprunts de l’État.

D’abord, M. Turcotte mentionne « une ville » dans sa question. En fait, au Québec, la loi interdit aux municipalités de faire des déficits, contrairement aux gouvernements supérieurs.

Mais qu’est-ce qu’un déficit au juste ? En finances publiques, on fait habituellement référence au « déficit budgétaire » de l’État. Sa définition est assez simple : il se produit lorsque les dépenses excèdent ses revenus. Autrement dit, le gouvernement a dû verser plus d’argent (pour ses dépenses courantes, ses investissements, ses paiements sur la dette), qu’il n’en a recueilli (grâce aux impôts, taxes et transferts intergouvernementaux).

Cet écart avec l’équilibre budgétaire force le gouvernement à emprunter davantage que prévu. « Le déficit s’en va automatiquement sur la dette », explique Luc Godbout, professeur en finances publiques à l’Université de Sherbrooke.

Qui prête les fonds ?

Difficile à dire : concrètement, l’État s’endette surtout en émettant des obligations sur les marchés publics, comme des actions d’entreprises cotées en Bourse. Les titres de dette du Canada, du Québec ou des autres provinces peuvent aller aux grandes banques du monde entier, mais aussi à monsieur et à madame Tout-le-Monde.

Les monnaies utilisées pour emprunter donnent toutefois des indices. Selon le dernier budget, plus des trois quarts de la dette ont été négociés en dollars canadiens. La devise américaine et l’euro comptent tous les deux pour 10 %. Des instruments financiers convertissent toutefois tous ces emprunts en monnaie canadienne pour neutraliser les fluctuations des taux de change.

Comment rembourse-t-on ?

En payant les détenteurs de ces obligations, tout simplement. En 2023-2024, le terme moyen des nouveaux titres de dette que Québec a émis était de 14 ans.

L’État doit ensuite se refinancer avec d’autres emprunts. À moins qu’il ne soit au bord de la faillite, comme la Grèce en 2008. Pour éviter de voir le pays sombrer et convaincre les banques de le financer, les pays de l’Union européenne ont dû s’en mêler et déployer un plan de sauvetage.

Est-ce grave, Docteur ?

Bien sûr, la réponse à cette question varie selon la position qu’on occupe sur le spectre idéologique. En général, la droite est allergique aux déficits et la gauche s’en accommode mieux, à condition qu’ils servent à combattre les inégalités et à financer les services et les investissements publics.

Chose certaine, ils ne sont donc pas sans conséquence.

Un déficit force le gouvernement à financer un plus gros montant et il y a des intérêts rattachés à ça. Ça peut nous coûter plus cher si les taux d’intérêt montent, ou si les agences de notation perdent un peu confiance en notre capacité d’emprunt.

Luc Godbout, professeur en finances publiques à l’Université de Sherbrooke

Ces agences, les Moody’s et DBRS de ce monde, évaluent les titres de dette. Elles ont un impact direct sur les taux d’intérêt que paie un gouvernement : si elles jugent que sa dette est moins sûre, il paiera automatiquement des taux plus élevés.

Conjoncturel ou structurel, le déficit ?

En fait, l’impact du déficit dépend surtout de ses causes, dit Luc Godbout.

S’il est « conjoncturel », il survient à cause d’évènements ponctuels dans la vie économique, sociale ou politique du pays. Il devrait alors disparaître ou diminuer par lui-même quand les choses iront mieux.

Meilleur exemple récent : le bond colossal du déficit fédéral, à 328 milliards, enregistré en pleine pandémie en 2020-2021.

« Ça aurait été idiot de vouloir équilibrer le budget, parce qu’on aurait amplifié le cycle économique », dit Luc Godbout. Au lieu d’aider les Canadiens à traverser la crise, le gouvernement Trudeau aurait provoqué un épouvantable marasme s’il avait voulu à tout prix éviter un déficit.

Une fois la pandémie derrière nous, le déficit a baissé à « seulement » 35 milliards, en 2022-2023.

Par contre si le déficit est « structurel », on considère que même si l’économie tourne à plein régime, le trou subsistera dans les comptes publics. Si l’État souhaite rééquilibrer le budget, il doit alors diminuer les dépenses, ou augmenter ses revenus.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le ministre des Finances du Québec, Eric Girard

Le 12 mars, Québec a annoncé un déficit de 11 milliards. Dans son discours, le ministre des Finances, Eric Girard, a reconnu qu’une grande partie de cet écart avec l’équilibre budgétaire tient justement à un problème « structurel » : il ne peut pas compter sur la croissance économique pour le combler.

Il estime qu’en 2026-2027, ce déficit structurel sera de 4 milliards.

Le gouvernement Legault dit vouloir l’éponger d’ici 2029-2030... s’il est toujours au pouvoir.

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