Le diamant québécois a eu la vie courte, contrairement à ce qu’on dit généralement de cette pierre précieuse. La première et la seule mine à avoir jamais vu le jour sur le territoire québécois a cessé ses activités, après huit ans et des investissements de près de 1 milliard de dollars.

La mine Renard de Stornoway n’a pas eu une vie facile. Des problèmes sont apparus dès le début de ses activités, comme le dysfonctionnement de l’équipement qui écrasait les pierres récupérées, déjà considérées comme trop petites pour avoir une bonne valeur sur le marché. N’eussent été la patience de ses actionnaires et la somme considérable d’argent public investi dans l’entreprise, la vie de la mine aurait probablement été plus courte encore.

Il y a rarement de nouveaux venus dans l’industrie du diamant et le marché a été impitoyable pour Stornoway. C’est un secteur assez particulier. La ressource est rare et concentrée dans quelques pays. La Russie, qui fait l’objet de sanctions internationales, en est le principal producteur. Le marché de gros est dominé par des acheteurs spécialisés à Anvers (en Belgique), où les pierres brutes sont vendues aux enchères, et par l’Inde, où est concentré le polissage des diamants vendus partout dans le monde.

Les acheteurs sont disséminés à travers le monde, mais se trouvent surtout aux États-Unis.

Le marché du diamant, en dollars, est largement destiné à la fabrication de bijoux, un secteur qui évolue en dents de scie. Il est actuellement en perte de vitesse. Le géant De Beers, qui fait des ventes de pierres précieuses sur invitation seulement et où les invités sont obligés d’acheter, a laissé tomber cette obligation d’achat récemment, rapporte le magazine Fortune. Un signe, parmi d’autres, que les diamants perdent de leur éclat.

La conjoncture économique difficile et l’inflation généralisée y sont pour quelque chose, mais la pierre synthétique est assurément l’éléphant dans la pièce que l’industrie diamantaire traditionnelle persiste à ignorer. Les diamants fabriqués en laboratoire ont le vent dans les voiles et grignotent lentement mais sûrement le marché de la joaillerie.

Les pierres synthétiques ont deux grands atouts : elles coûtent moins cher et leur impact environnemental est moindre que celui des diamants extraits des mines.

L’industrie diamantaire s’est dotée de normes éthiques pour assurer les acheteurs que leurs pierres ne proviennent pas de pays en conflit ou des endroits du monde où les droits des travailleurs sont bafoués. Mais une mine, même exploitée dans les règles de l’art, reste une mine. Les nouvelles générations sont plus sensibles à l’empreinte environnementale des diamants traditionnels et plus susceptibles de s’intéresser aux diamants de laboratoire, qui sont en tous points identiques aux pierres traditionnelles.

Les dirigeants de la mine Renard ne s’inquiétaient pas outre mesure de la concurrence des diamants synthétiques, mais leur part de marché n’a fait que croître depuis. Les statistiques sont encore rares, mais des analystes de l’industrie avancent que la part de marché des diamants de laboratoires serait passée de quasi nulle à 20 % en cinq ans, de 2018 à 2023.

Même le Québec s’y met. Pendant que la seule mine québécoise de diamants périclitait, une petite entreprise locale s’est lancée dans la fabrication de pierres synthétiques destinées à la bijouterie⁠1.

Les coûteuses installations de la mine Renard dans le nord du Québec n’ont intéressé aucun autre producteur de diamants du monde quand elles ont été mises à l’enchère. Une minière australienne semble sur le point d’acquérir le tout pour une bouchée de pain afin de les utiliser pour traiter du spodumène et du lithium, des matériaux critiques pour la transition énergétique parce qu’ils entrent dans la fabrication de batteries pour les véhicules électriques.

Qui sait ? Le spodumène et le lithium sont peut-être les nouveaux diamants du Québec.

1. Lisez « Un diamant synthétique québécois »