Contre toute attente, la Banque du Canada pourrait entamer la baisse des taux d’intérêt avant la Réserve fédérale américaine (Fed), à la suite du deuxième recul consécutif de l’Indice des prix à la consommation en février.

Après s’être replié à 2,9 % en janvier, l’IPC a de nouveau reculé à 2,8 % en février, a fait savoir Statistique Canada mardi. Ce recul est une surprise parce que la plupart des économistes s’attendaient à un rebond de l’inflation à 3,1 %.

Le ralentissement de l’IPC s’explique surtout par une baisse des prix des services de téléphonie cellulaire, des aliments achetés au magasin et des services d’accès à l’internet, selon Statistique Canada.

Le ralentissement de la croissance des prix est généralisé parmi les composantes du panier de consommation, et certaines d’entre elles, comme les vêtements, affichent une baisse de prix.

La bonne nouvelle de février est venue du secteur de l’alimentation, où la croissance des prix a ralenti à 2,4 %. C’est la première fois depuis octobre 2021 que le prix des aliments augmente moins vite que le panier global de biens et services qui composent l’IPC.

Les prix de la viande transformée, et notamment celui du bacon, des fruits frais et du poisson ont affiché une baisse en février.

Même s’il augmente moins vite, le prix des aliments progresse toujours. Depuis trois ans, soit entre février 2021 et février 2024, les prix dans les épiceries ont augmenté de 21,6 %, a fait savoir Statistique Canada.

Le coût de l’intérêt hypothécaire, attribuable à la hausse des taux d’intérêt, et le coût des loyers, qui s’explique par la rareté de l’offre de logements, ont continué d’alimenter l’inflation en février.

Au Québec, le taux d’inflation est resté inchangé à 3,3 %. C’est maintenant au tour de l’Alberta d’avoir le taux d’inflation le plus élevé au pays, à 4,2 %.

Avril ou juin ?

Les mesures de l’inflation de base que surveille la Banque du Canada, l’IPC-tronq et l’IPC-méd, ont également reculé en février, mais elles restent supérieures à 3 %, soit au-delà de la cible de 1 % à 3 % de la banque centrale.

Selon les économistes de Desjardins, ces deux mesures de l’inflation de base surestiment probablement le véritable taux d’inflation. Dans une analyse publiée lundi, ils soutiennent qu’en se fiant trop à ces deux mesures, les dirigeants de la Banque du Canada « risquent de maintenir une politique monétaire trop restrictive trop longtemps, ce qui pourrait causer inutilement des soucis aux ménages et aux entreprises ».

La plupart des économistes s’inquiètent maintenant que la Banque du Canada en fasse trop pour combattre l’inflation, parce que l’économie canadienne donne des signes de détresse depuis plusieurs mois déjà.

« Étant donné que les récentes communications de la Banque du Canada ont mis l’accent sur la résilience de l’inflation plutôt que sur les signes d’une croissance faible, il existe un risque qu’elle cause trop de dommages à l’économie en maintenant une politique monétaire trop restrictive », écrivent les économistes de la Banque Nationale, Matthieu Arseneau et Alexandra Ducharme, dans leur analyse des dernières statistiques de l’inflation.

Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a maintes fois répété qu’il faudrait plus que quelques mois de recul de l’inflation avant de changer de cap et de commencer à réduire le taux directeur.

Il reste que le portrait meilleur que prévu de l’inflation en janvier et en février pourrait encourager la Banque du Canada à lâcher du lest ce printemps. C’était la dernière lecture de l’IPC avant la prochaine décision sur les taux de la banque centrale, en avril.

La Banque du Canada annoncera dès le mois prochain un changement de politique, prévoit Randall Bartlett, directeur principal, économie canadienne, de Desjardins.

Le ton pourrait changer en avril, mais il faudra attendre au moins l’autre décision sur les taux, en juin, avant de voir le taux directeur baisser, estime Claire Fan, économiste de la Banque Royale.

Les paris restent ouverts sur qui, de la Banque du Canada ou de la Réserve fédérale américaine, annoncera en premier une réduction des taux d’intérêt. Jusqu’à tout récemment, la Fed avait télégraphié trois baisses de taux cette année, mais la bonne tenue de l’économie américaine et la résilience de l’inflation semblent avoir changé la donne.

Au Canada, étant donné la faiblesse de l’économie, les pressions sont de plus en plus fortes pour que la banque centrale fasse le premier geste.