Au cours des deux dernières décennies, l’économie indienne a fait un bond prodigieux. Le pays est parti de loin et il est en train de devenir la nouvelle Chine.

Sur le plan démographique, c’est déjà fait. La population indienne a dépassé celle de la Chine en avril dernier, selon le décompte de l’Organisation des Nations unies (ONU).

Sur le front économique, l’Inde avance très rapidement. L’économie indienne est celle qui a affiché le plus fort taux de croissance économique au monde l’an dernier, soit 6,7 %.

Ce devrait être la même chose cette année. Le produit intérieur brut indien est en hausse de 7,8 % au premier trimestre, en route pour une autre performance supérieure à celle du reste de la planète.

Pendant ce temps, la croissance chinoise ralentit et pourrait même baisser sous les 5 % en 2024. La population chinoise vieillit alors que 65 % des 1,5 milliard d’Indiens ont moins de 35 ans.

À ce rythme, l’Inde deviendra la troisième économie mondiale en 2028, selon le Fonds monétaire international, derrière les États-Unis et la Chine.

Une économie à deux vitesses

La démographie est un puissant moteur économique, mais elle n’explique pas tout. Le pays a fait d’énormes avancées en matière d’infrastructures publiques, d’éducation et de réduction de la pauvreté.

Parfois, il faut commencer par le commencement. Un des principaux objectifs du gouvernement actuel de Narendra Modi était de donner l’accès à des toilettes à toute la population. Le premier ministre a déclaré mission accomplie en 2019, après que 110 millions de toilettes eurent été construites à travers le pays.

Aujourd’hui, 99 % de la population a accès à l’électricité, après des investissements importants dans les régions rurales.

La pauvreté est loin d’avoir été éradiquée. Elle a diminué de façon importante depuis 15 ans, selon les indicateurs de l’ONU, mais l’économie fonctionne à deux vitesses. Il y a un monde de différences entre la campagne et la ville, où la population en âge de travailler est jeune, plus instruite que jamais et entrée de plain-pied dans le monde numérique. Elle maîtrise aussi la langue de la mondialisation : l’anglais. Il n’en faut pas plus pour attirer l’attention – et les investissements – des pays qui veulent réduire leur dépendance à la Chine.

Même le Canada s’est découvert assez récemment un intérêt nouveau pour l’Inde et a voulu en faire le pivot de sa stratégie indopacifique, dont l’objectif non officiel est de contourner la Chine.

Cette stratégie a du plomb dans l’aile depuis que le premier ministre canadien a accusé le gouvernement indien d’avoir commandité le meurtre d’un ressortissant indien sur le sol canadien.

À court terme, le conflit n’aura pas d’impact important sur l’économie canadienne. Les échanges commerciaux entre les deux pays ne sont pas énormes : un peu plus de 8 milliards de dollars actuellement, soit des exportations canadiennes de 4 milliards et des importations de l’Inde vers le Canada aussi de 4 milliards.

Ce sont les caisses de retraite canadiennes qui s’intéressent à l’Inde depuis le plus longtemps. La Caisse de dépôt et placement du Québec y a fait un investissement important et malheureux dans Azure Power, un producteur d’énergie renouvelable.

L’investissement étranger a connu une croissance spectaculaire au cours des 20 dernières années, mais la part du Canada reste marginale, à 0,5 % du total.

Le pays séduit de plus en plus de multinationales comme Apple, qui a commencé à y transférer sa production mondiale d’iPhone. Hors du secteur informatique, déjà bien développé en Inde, l’intérêt des entreprises est croissant.

Le secteur manufacturier est encore relativement peu développé en Inde. Il représente 18 % de l’économie, contre 54 % pour le secteur des services. Les activités de fabrication ont toutefois de la place pour croître, grâce au bassin de main-d’œuvre important, appelé à grossir encore avec l’inclusion des femmes sur le marché du travail.

Il ne faut pas s’étonner que les pays amis du Canada veuillent rester à l’écart du conflit politique qui vient d’éclater. Si l’Inde devient la prochaine usine du monde, il vaut mieux ne pas s’en fermer la porte à l’avance.