(Québec) Le Québec est une maison dont le propriétaire ne cesse d’investir en entretien, seulement pour voir l’état des gouttières, du toit et de la fondation se détériorer.

L’image est forte, mais c’est ce qui ressort du dernier Plan québécois des infrastructures (PQI) dévoilé mardi. Québec injecte des sommes records dans l’entretien de ses infrastructures, mais leur état se dégrade.

L’État estime que 44 % des routes, des écoles ou encore des hôpitaux sont en mauvais état. Cette proportion était à 40 % il y a tout juste un an. En 2018, le gouvernement calculait que 31 % de ses infrastructures étaient en mauvais état. La tendance est claire.

« On a un enjeu. Mais on met des sommes importantes pour y répondre. Ça va prendre un certain temps », prévient le ministre des Infrastructures, Jonatan Julien.

Sans surprise, la somme que Québec devra dépenser dans les prochaines années pour seulement entretenir ses avoirs augmente encore. Le déficit de maintien d’actifs (DMA) était de 30,6 milliards au PQI l’année dernière, il grimpe à 34,9 milliards cette année.

La détérioration du parc immobilier et des routes au Québec survient alors que l’État injecte des sommes records dans les infrastructures. Le PQI 2023-2033 prévoit 150 milliards d’investissements (de cette somme, 81 milliards iront dans le maintien des actifs, le reste dans de nouveaux projets). C’est une hausse fulgurante de près de 50 milliards par rapport au PQI 2018-2028.

Le gouvernement tente d’expliquer la détérioration de ses actifs notamment « en raison d’une nouvelle évaluation plus exhaustive des besoins » dans le secteur de la santé, où la proportion des infrastructures en bon état est passée de 87 % à 76 %.

L’inflation est aussi en cause. Les immeubles sont considérés comme en mauvais état lorsque des travaux estimés à plus de 15 % de leur valeur sont nécessaires. Or, le coût des travaux a explosé avec la surchauffe dans l’industrie de la construction, ce qui a fait basculer certains actifs dans la catégorie « mauvais état ».

Des sommes prévues pour le troisième lien

Comme toujours, les routes pèsent lourd dans le déficit de maintien d’actifs. Le secteur routier représente 58 % du DMA total, alors même que le gouvernement envisage d’importants nouveaux projets.

Le fameux tunnel autoroutier entre Québec et Lévis est toujours marqué « en planification » dans le PQI. Aucune somme n’a été inscrite au Plan pour ce projet que le gouvernement de la CAQ avait déjà estimé à près de 10 milliards dans une version préliminaire.

Selon le ministre Julien, des sommes sont bel et bien prévues pour le tunnel dans le PQI. Elles ne sont simplement pas dévoilées en prévision de futurs appels d’offres.

« En bons pères de famille, ce qu’on a décidé de faire, c’est de provisionner avant même le dossier d’affaires qui implique le déclenchement automatique d’une somme au PQI, a-t-il dit. On provisionne chaque année pour le tunnel Québec-Lévis ou le tramway, pour éviter un choc lors du dépôt du dossier d’affaires. »

« Naturellement on ne mentionne pas les sommes pour s’assurer que le jeu de la concurrence ait lieu lors des appels d’offres. »

Quant au projet de tramway de Québec, le PQI indique que des sommes de 237,4 millions ont été déboursées par l’État l’année dernière.

Le PQI prévoit également 2,3 milliards pour « l’agrandissement et le réaménagement d’hôpitaux ainsi que la reconstruction de CHSLD vétustes en Maisons des aînés », ainsi que 2,4 milliards destinés à la réalisation de projets d’ajouts de classes et de réfection d’écoles.

Les sommes prévues pour le secteur de l’éducation ont par ailleurs plus que doublé au PQI depuis 2018, passant de 9 à 22,2 milliards. Il faut dire que les écoles sont particulièrement touchées par la dégradation des infrastructures.

Le ministère de l’Éducation visait dans son plan stratégique 2019-2023 atteindre le seuil de 50 % de son parc immobilier en « bon état ». Or, 61 % de son parc – constitué notamment d’écoles – est considéré aujourd’hui comme en mauvais ou en très mauvais état.

Avec Hugo Pilon-Larose, La Presse