Le gouvernement Legault lancera cette année une bouée de sauvetage de 400 millions aux sociétés de transport qui crient famine. Mais le défi à long terme est gigantesque : la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, devra trouver une solution pour les aider, tout en dénichant de nouveaux revenus pour financer ses propres projets en transport.

Le temps presse pour Mme Guilbault, puisque son gouvernement a toujours pour objectif de réduire de 37,5 % les émissions de gaz à effets de serre (GES) en 2030 par rapport à 1990. Une bonne partie de cet effort nécessite de diminuer les émissions de GES du secteur des transports, notamment en améliorant l’offre de transport collectif.

Or, la pandémie a amoché les sociétés de transport. Québec reconnaît que « la normalisation du télétravail » et la diminution d’achalandage qu’elle provoque, conjuguée à « l’augmentation générale des frais d’exploitation », a fragilisé la situation financière des sociétés de transport.

À court terme, Mme Guilbault va donc offrir 400 millions pour l’année 2023, « le temps de mettre en place les solutions qui auront été identifiées à la suite de la tournée de consultations ». Le gouvernement Legault invite également Ottawa à « contribuer à cet effort ».

Mais l’Alliance pour le financement des transports collectifs au Québec (TRANSIT) estime « qu’il y aurait un manque de 500 millions pour l’année financière 2022-2023 dans la région de Montréal ». TRANSIT estime également que « si rien n’est fait pour l’ensemble des sociétés de transport du Québec, l’Association du transport urbain du Québec (ATUQ) redoute un manque à gagner annuel de 900 millions pour l’année 2027 ».

Un gros déficit

En parallèle, le ministère des Finances prévient que le fonds finançant le réseau routier ainsi que le transport collectif est dans le rouge, comme l’avait écrit La Presse l’automne dernier. Plus simplement, les revenus du fonds finançant le réseau routier et le transport collectif (Fonds des réseaux de transport terrestre, FORT) croissent beaucoup plus lentement que ses dépenses.

Projets de transports routiers et collectifs

Croissance des revenus : 1,3 %

Croissance des dépenses : 5,9 %

En 2027-2028, le ministère des Finances prévoit un déficit annuel de 1,7 milliard, qui devra être épongé par l’ensemble des contribuables, qui financent déjà une partie des infrastructures routières.

Le FORT est alimenté notamment par la taxe sur les carburants, les droits sur les permis de conduire et ceux sur l’immatriculation. Il est basé sur le principe de l’utilisateur-payeur. Ce sont eux qui paient pour des projets majeurs comme le « prolongement de la route 138, la réfection du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, la reconstruction du pont de l’île d’Orléans, le prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal » ou le tramway de Québec, note-t-on.

Le ministère des Finances n’ignore pas ces constats. « Des solutions […] devront être identifiées », peut-on lire dans le budget.

Solutions

Ce problème était déjà sur l’écran radar du gouvernement Legault en 2019, lorsque l’ancien ministre des Transports François Bonnardel a lancé un chantier sur la mobilité. Il soulignait déjà qu’un « déséquilibre pourrait survenir […] en raison de l’amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules et d’une proportion plus importante de véhicules électriques dans le parc automobile » qui réduisent les revenus, et des dépenses en hausse en raison « des investissements majeurs nécessaires au maintien des actifs ».

Mais malgré une tournée régionale avec 18 arrêts, 240 « partenaires en mobilité durable » rencontrés et 58 mémoires, aucune décision n’a été rendue avant les élections générales de 2022. À l’automne, François Bonnardel avait promis qu’il « n’avait pas l’intention d’ajouter de nouvelles taxes dans les prochaines années ».

Ce sera donc à Geneviève Guilbault de régler cet autre problème.

Surprise au marché du carbone

Par ailleurs, il y a de l’argent frais pour l’environnement, puisque cette année encore, le marché du carbone – financé en bonne partie par les automobilistes – est plus payant que prévu : Québec ajoute 1,3 milliard à son plan de lutte contre le réchauffement climatique. Au total, il prévoit des dépenses de 9 milliards entre 2023 et 2028.

Il faudra cependant attendre au printemps pour savoir ce que fera le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, avec ces sommes. Même chose pour la création d’un « Fonds bleu », qui prévoit des dépenses de 100 millions par année en moyenne.

On ne sait pas exactement comment il sera financé. Une partie de ses revenus proviendront d’un rehaussement de la redevance sur l’eau payée par les industriels, qui ne paient actuellement que 3 millions par année pour pomper l’eau pour différents usages. Il faudra attendre le dépôt d’un projet de loi, plus tard au printemps, pour savoir de quelle façon ils seront augmentés. Il faudra également être patient pour savoir à quoi servira cet argent.

Le « Plan nature 2030 », avec un budget d’un peu moins de 100 millions par année en moyenne, prévoit la création de nouvelles aires protégées. Il financera également la lutte contre les espèces exotiques envahissantes et le plan de rétablissement d’espèces menacées et vulnérables.

En 2020, le Québec émettait 74 mégatonnes de GES. Pour atteindre sa cible, il devra réduire à 53 mégatonnes ses émissions de pollution. Pour l’instant, le plan de M. Charrette ne permet d’arriver qu’à 51 % de cet effort.

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